Des centaines de manifestants ont continué hier d'investir la rue dans les villes principales du Sud, deux jours après la désignation de Mohammed Allawi comme Premier ministre et quatre mois après le début du mouvement de contestation populaire. Hier, les manifestants irakiens se sont divisés en deux camps, entre ceux qui ont appelé à continuer la mobilisation, rejetant la nomination de M. Allawi, et ceux qui estiment qu'il faut donner la chance au nouveau Premier ministre qui, rappelle-t-on, a promis de satisfaire les demandes du mouvement de protestation parmi lesquelles l'organisation d'élections anticipées et faire la lumière sur tous les crimes perpétrés contre les manifestants depuis le 1er octobre 2019, date du début du soulèvement populaire en Irak. Hier, sur la place Tahrir, épicentre de la contestation dans la capitale, les tenants de la ligne radicale, la majorité des manifestants, ont estimé qu'il ne fallait pas se faire d'illusions quant à la capacité du fraîchement désigné, M. Allawi, à régler la crise politique profonde du moment que lui-même (le Premier ministre) fait partie du même système rejeté et qui a conduit le pays à une faillite à tous les niveaux. Ils ont appelé encore hier à maintenir la mobilisation et à resserrer les rangs contre les pro-Allawi, composés d'une majorité de partisans du leader chiite Moqtada Sadr et qui soutiennent le Premier ministre désigné. Des observateurs n'hésitent pas à avertir contre la menace d'une fracture qui peut ouvrir la voie à des violences entre les deux camps. D'autant plus que le puissant leader chiite Moqtada Sadr s'est positionné depuis deux semaines déjà contre la révolution. Samedi déjà, des dizaines de sadristes avaient pris d'assaut le "restaurant turc", immense immeuble surplombant l'emblématique place Tahrir de Bagdad, véritable "tour de contrôle de la révolution" occupée durant des mois par les manifestants. Ils en avaient chassé les jeunes installés depuis octobre et enlevé toutes les banderoles énumérant les revendications et conspuant les politiciens. Dès dimanche soir, redoutant probablement des violences, les manifestants qui rejettent la désignation de M. Allawi ont resserré leur campement sur Tahrir de Bagdad.