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"Avril 80 a remis en cause les récits historiques et culturels"
Nacer Djabi, sociologue et auteur des "mouvements amazighs en Afrique du nord"
Publié dans Liberté le 20 - 04 - 2020

Les effets du Printemps berbère sont toujours "d'actualité ; nous les vivons quotidiennement et continuerons à les vivre pendant des années, du fait qu'il soit une tendance historique lourde qui agite le corps socio-politique et culturel de l'Algérie et de toute la région du Maghreb", soutient le sociologue Nacer Djabi.
Liberté : Le Printemps amazigh célèbre aujourd'hui 20 avril son 40e anniversaire. Quel bilan peut-on faire aujourd'hui de cette séquence historique ?
Nacer Djabi : Je ne pense pas qu'il soit facile de faire un bilan de ce qui s'est passé le 20 Avril en Algérie. Parce que les effets de ce mouvement sont toujours d'actualité ; nous les vivons quotidiennement et continuerons à les vivre pendant des années du fait qu'il soit une tendance historique lourde qui agite le corps socio-politique et culturel de l'Algérie et de toute la région du Maghreb. Cela ne nous empêche pas de dire, malgré tout ce qui s'est dit, que cette séquence historique a contribué à une sorte de réconciliation entre les Algériens, leur histoire, leurs cultures et leurs langues comme réalité et comme profondeur historique.
Avril 80 a provoqué une rupture importante en remettant en cause les récits historiques et culturels ayant prévalu dans la société, l'Etat et les élites. Cette journée du 20 Avril est une démonstration de ce que peuvent faire les élites politiques et intellectuelles quand elles croient à une cause. Il ne faut pas oublier que la première étincelle est partie de l'université après qu'un chercheur et anthropologue fut empêché de donner une conférence, Mouloud Mammeri en l'occurrence. Y a-t-il une symbolique plus forte que celle-ci sur le rôle joué et que continuent de jouer les élites intellectuelles et politiques ayant adopté la revendication amazighe ?
Il n'est pas surprenant que cette rupture provoquée par le 20 Avril se soit produite en Kabylie, notamment connue pour sa tradition de lutte. Ce qui a fait porter davantage de responsabilités aux élites qui militent pour la cause amazighe, comme leurs aînées dans le passé. La cause amazighe a réalisé beaucoup d'acquis, comme la reconnaissance constitutionnelle de tamazight en tant que langue et culture, tout en prenant en compte la diversité qui caractérise l'Algérie.
L'adoption de l'enseignement de tamazight est l'un des autres acquis de ce moment historique en Algérie comme dans la région du Maghreb dans son ensemble. Cela dit, il reste des défis, nombreux et variés, que les élites qui croient à cette cause doivent encore réaliser à l'avenir. Des défis moins difficiles pour les nouvelles générations, comparés à ceux relevés par l'ancienne génération qui a lutté dans des conditions plus difficiles.
Peut-on dire que l'Algérien s'est aujourd'hui plus ou moins reconcilié avec son identité amazighe même s'il y a encore du chemin à faire ?
C'est un début assez fort dans ce processus de réconciliation de l'Algérien avec sa langue et sa culture. Après une longue histoire de déni mais aussi de lutte des élites acquises à cette cause avant et après l'indépendance, tamazight a été adoptée par les institutions de l'Etat. Le chemin est encore très long dans l'accompagnement de ce processus de reconnaissance de tamazight comme langue nationale, son enseignement et sa diffusion sans entrer dans une confrontation avec l'arabe et verser dans le repli sur soi ou se laisser aller à une lecture identitariste et ethniciste aux antipodes de la réalité algérienne. Les Algériens ont besoin de s'ouvrir les uns aux autres, en conformité avec leur profondeur amazighe qui n'a jamais été exclusiviste ou contre une quelconque composante identitaire.
Autrement dit, nous devons construire une Algérie diversifiée dans laquelle tous ses citoyens se sentiront vivre dans leur pays, quelles que soient leur langue et leur région. Il ne faut pas tomber dans le piège du "temps politique" qui reste différent du "temps culturel" qui demande de la persuasion et un travail à long terme. Les élites acquises à la revendication amazighe doivent assumer leur part de responsabilité, en privilégiant le dialogue et l'écoute. Et en adoptant la position de celui qui apprend de son peuple.
De l'intérieur des institutions nationales et associatives, ces élites doivent exprimer les valeurs que le citoyen vit dans son quotidien et qui sous-tendent sa conduite dans le marché, le mariage, la mosquée, etc. C'est-à-dire ces lieux où il vit sa diversité culturelle et linguistique de façon naturelle et au quotidien, tout en contractant des mariages avec les habitants de toutes les régions en nouant avec eux des relations commerciales et culturelles de toutes sortes, comme ce fut le cas depuis des siècles en Algérie.
D'autre part, les élites nationales, celles acquises à la revendication amazighe plus particulièrement, ne doivent pas tomber dans le piège des tensions conjoncturelles qui apparaissent de temps à autre durant les moments de crise, comme c'est le cas de nos jours. Des visages politiques isolés ont adopté des positions conflictuelles visant à provoquer des fissures artificielles entre les Algériens. Des fissures dépassées. Le Hirak a démontré l'unité des Algériens et leur homogénéité en tant que société.
Quelle appréciation faites-vous de l'enseignement de la langue amazighe dans l'école algérienne, mais aussi du processus de sa constitutionnalisation ?
La langue amazighe dans ses diverses variantes a difficilement assuré son existence malgré son oralité qu'elle n'a pas tout à fait dépassée. Cette langue qui s'est beaucoup appuyée sur la mère, la femme, la famille, le foyer et le village, dans certains cas, pour assurer sa survie. Il n'est plus possible de le faire aujourd'hui avec la même efficacité, à l'heure des grandes migrations continentales, du mariage mixte et de la mobilité quotidienne... Des défis qui recommandent sa prise en charge par l'Etat national et la société par le biais d'acteurs sociaux engagés dans la question de l'enseignement et de la diffusion de la langue amazighe afin d'éviter sa disparition si elle continue à utiliser les moyens de publication et les canaux traditionnels et en comptant sur le village-mère. Sur ce chapitre, l'Algérie a fait un grand pas et pu rattraper le retard historique.
Après la reconnaissance constitutionnelle de tamazight, il faudrait donner un plus grand rôle au spécialiste et au chercheur aux dépens de l'idéologue et du politique. Nous avons besoin d'un dialogue entre toutes les régions amazighes, même avec celles qui n'ont pas joué un rôle majeur dans la défense de tamazight, comme c'était le cas en Kabylie. La question doit, d'autre part, trouver sa solution dans le cadre maghrébin et nord-africain en général. À plus forte raison que l'on assiste à des belles expériences de coexistence linguistique, comme c'est le cas dans la région du M'zab et dans certaines régions du Maroc et de la Tunisie. Il faut en profiter et les faire connaître pour que l'on ne soit pas face à l'hégémonie d'un modèle uniciste.
Selon vous, qu'a apporté le Printemps amazigh au combat démocratique en général et au Hirak en particulier ?
Le mouvement populaire qui a débuté le 22 février 2019 n'est pas parti de rien. Le mouvement amazigh et les mouvements sociaux populaires étaient présents avant cette date avec leurs militants, leurs revendications et leur culture politique, leurs forces et leurs faiblesses, mais aussi leur capital
historique. C'est pourquoi il n'est pas surprenant de voir le Hirak bénéficier de cette vitalité, comme en témoigne le grand rôle joué par la Kabylie et la capitale dans le mouvement populaire.
Ces régions connaissent un grand niveau de mobilisation avec l'engagement d'une élite intellectuelle et politique qui, durant certaines étapes du Hirak, ont failli créer une sorte de malentendu, eu égard au niveau de mobilisation différent dans les autres régions, alors que le mouvement est populaire et national. Mais les militants de Kabylie ont continué à jouer leur rôle comme ils l'avaient fait dans le mouvement national et la guerre de Libération.
On ne peut pas comprendre l'histoire politique de l'Algérie sans avoir à l'esprit ce rôle important joué par la Kabylie en donnant au pays de nombreux dirigeants dans divers domaines (syndical, politique et militaire) et dans les différentes étapes de la construction de la nation algérienne avec son caractère populaire et radical. Ce rôle s'est poursuivi pendant le Hirak au point de déranger différents centres au sein du pouvoir, qui ont recouru à l'autorité et qui n'ont pas hésité à bloquer l'accès à la capitale aux enfants de la région.
C'est durant cette étape que le peuple algérien a démontré sur le terrain avoir dépassé ces politiques de division qui ont essayé de jouer sur la carte de la culture et de l'identité dans la capitale mais aussi dans d'autres villes et régions du pays. Ce qui a montré que le peuple algérien est uni et tient à la concrétisation de ses revendications.
Les événements d'Avril 80 étaient-ils pour quelque chose dans l'émergence des mouvements amazighs dans les autres régions berbérophones algériennes, voire dans le Maghreb ?
Bien entendu. On peut dire que le mouvement amazigh en Algérie, particulièrement en Kabylie, est la locomotive du mouvement amazigh de toute l'Afrique du Nord, malgré une certaine concurrence aujourd'hui avec le mouvement amazigh marocain. Une concurrence qui doit se poursuivre mais dans le bon sens pour servir la revendication amazighe dans sa diversité linguistique et ses différentes productions, tout en privilégiant la logique du "temps culturel" sur celle du "temps politique".
Partant du fait que la culture amazighe est un patrimoine commun à tous les enfants de l'Afrique du Nord, le mouvement amazigh algérien doit être connu dans toute sa diversité et ses productions dans tout le Maghreb, même s'il s'agit d'une petite région, comme Ghardaïa qui pourrait servir d'école au mouvement amazigh des pays de l'Afrique du Nord, surtout qu'elle aborde le sujet de la diversité linguistique, de la transcription de tamazight et d'autres problématiques importantes qui se posent à l'ensemble du mouvement amazigh.


Entretien réalisé par : Arab Chih


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