Le Président de la République préside la cérémonie commémorative de la Journée nationale de l'Etudiant    Le pôle scientifique et technologique de Sidi Abdallah, un acquis important pour l'Algérie    Le parti espagnol "Nueva Canarias-BC" plaide pour le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination    TAC-2024: Hamza Yacine s'offre une 3e victoire personnelle en attendant de récupérer le maillot jaune    Coup d'envoi du Recensement général de l'agriculture dans les wilayas de l'Ouest    Un réseau criminel international de trafiquants de psychotropes démantelé à Bordj Bou Arreridj    Journée nationale de l'étudiant : diverses activités organisées dans le Sud    Grand Prix de Tbilissi: médailles de bronze pour les judokas Bouamer, Radjai et Chetouane    Le Groupe Telecom Algérie participera au 2e "CTO-Forum" à Alger    Attaf reçoit à Alger son homologue centrafricaine    Le président de la République rend hommage aux jeunes maîtrisant les technologies modernes et jaloux de leur patrie    Timimoun: Bengrina appelle à la consolidation de la référence religieuse et culturelle nationale    Athlétisme/Meeting international de Maurice - Marteau: médaille d'or pour l'Algérienne Zahra Tatar    Pôle scientifique et technologique Sidi Abdellah: le président de la République préside la cérémonie commémorative de la Journée nationale de l'étudiant    Journée nationale de l'étudiant: arrivée du président de la République au pôle scientifique et technologique Sidi Abdellah    Agrément du nouvel ambassadeur d'Algérie en Suisse    Ghaza: des dizaines de martyrs et de blessés au 226e jour de l'agression sioniste    Clôture du 9e Festival national de la création féminine    « Ce projet renforcera la sécurité énergétique de la rive Nord de la Méditerranée »    La FIFA dégomme l'arbitre Pierre Atcho    Le Mouloudia Club d'Alger 14 années après !    les dates des deux prochaines journées fixées    Lancement de l'inventaire du patrimoine architectural algérien    Une employée juive du ministère de l'Intérieur démissionne en protestation au soutien de Biden à la guerre contre Ghaza    163 gardes à vue et 26 déferrements en justice    Des sorties pour préserver la santé publique des citoyens    Le budget approuvé    Une personne meurt carbonisée dans un accident de la circulation à Zemmoura    Dialogue entre les peuples    La Sonatrach pourrait concurrencer le groupe énergétique émirati TAQA par l'achat en bourse d'une fraction du groupe espagnol Naturgy Energy    Le CSJ célèbre le 68e anniversaire de la Journée de l'étudiant    Générale de la pièce «Ed'Diplomassi zewed'ha»    Ouverture du 13e Festival international de musique symphonique    La Coordination des élites algériennes d'outre-mer est née    Elections électorales    Le DGSN chez le chef du Département Anti-drogue de New York    Le pouvoir politique US des deux poids, deux mesures….    Palestine. Mieux vaut tôt que jamais    Le droit de massacrer, de Sétif à Gaza    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



LA COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE A FAILLI
Débat
Publié dans Liberté le 09 - 06 - 2020

En Algérie, et notamment depuis la réforme de l'Université de 1971, les diplômés des Sciences humaines et sociales SHS ne sont envisagés que dans leur rôle de relais du pouvoir politique au sein de la société. C'est pourquoi elles sont pratiquement en rupture avec le réel de la société algérienne."
Où sont les universitaires ? Où est l'élite ? Qui n'a pas entendu cette interrogation et notamment depuis le soulèvement populaire du 22 février 2019. On s'attendait que les universitaires portent haut et fort l'idéal démocratique clamé par l'insurrection citoyenne pour l'instauration d'un Etat de droit. Il faut dire que le "champ du possible" ouvert par le Hirak n'a pas suscité un soulèvement massif de la communauté universitaire et scientifique.
Il est avéré, aujourd'hui, que la subordination du champ universitaire au pouvoir politique a entravé l'autonomisation des groupes professionnels et l'émergence d'un champ académique autonome. En dehors, des organisations inféodées au système, la communauté universitaire et scientifique se trouve dans l'impossibilité de s'organiser dans un cadre légal et indépendant et, par conséquent, impuissante à s'imposer comme autorité de proposition et, encore moins, de contestation.
Dans ce contexte, les enseignants et les chercheurs sont pris en otages. La domestication, les passe-droits, le clientélisme ont eu raison de carrières en passe d'oublier leurs vocations. Souvent, et notamment pour les postes à hautes responsabilités, la promotion académique n'est pas tributaire de la compétence, mais de l'allégeance au système en place.
L'élite que "l'Etat veut produire n'est pas celle qui serait compétente techniquement, mais bien celle qui, ayant intériorisé les principes politiques, pourrait ‘gérer', pour l'Etat, la société civile" (Kadri, 1991). La défaillance de la communauté universitaire ne s'arrête pas là ! Particulièrement en ce qui concerne le domaine fondamental et vital pour toute société, à savoir celui des sciences humaines et sociales (SHS).
Ce domaine qui doit porter la responsabilité de conscience critique de la société et d'entreprendre la tâche de déconstruire et de traquer les processus d'aliénation. De ses attributions, seule la fonction utilitaire est valorisée. Les SHS ont participé historiquement à la formation "des cadres de référence intellectuels" dans les sociétés contemporaines modernes.
En Algérie, et notamment depuis la réforme de l'Université de 1971, les diplômés des SHS ne sont envisagés que dans leur rôle de relais du pouvoir politique au sein de la société. C'est pourquoi les SHS sont pratiquement en rupture avec le réel de la société algérienne, ses problèmes, ses profonds changements, voire ses transformations.
Il suffit pour s'en convaincre d'interroger les finalités et les modalités selon lesquelles, les programmes, les objets, les axes et les champs de recherche sont choisis, et qui obéissent, en cela, le plus souvent, aux orientations du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. En 2004, le Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (l'une des rares structures qui survit dans ce marasme général) organisait un symposium sur "L'état des savoirs en sciences humaines et sociales", dans lequel le signal d'alarme est sonné.
Il y était question de dissémination et de perte d'une communauté scientifique, de l'instrumentalisation et de l'échec de l'implantation des sciences humaines et sociales, de la dépendance du savoir académique, vis-à-vis du contexte institutionnel et sociétal. Ce n'est pas la première fois qu'un constat alerte sur les dysfonctionnements du domaine des SHS et cela dans la majorité du Monde arabe. En 1991, un colloque sur les sciences sociales dans les sociétés arabes fait état d'une crise et d'une situation dramatique des disciplines.
Est-ce toujours la faute de l'Etat ?
C'est un truisme de dire, aujourd'hui, que les disciplines composant le domaine des SHS sont investies de fonctions idéologiques au détriment du savoir savant et des impératifs épistémologiques, voire déontologiques. À tel point que l'apport scientifique semble être relayé à un rôle secondaire, il contribue, tout au plus, à donner un statut aux institutions et une pseudo-validité scientifique aux contenus.
Il n'est plus à démontrer que les fonctions paradigmatiques imparties au SHS ne sont pas d'ordre épistémique, mais essentiellement liées aux politiques scientifiques de récupération, de contrôle et de légitimation. Les recherches contemporaines font état de : l'identité comme obstacle épistémologique, de l'impasse réformiste, de la clôture dogmatique, de la contrainte constitutionnelle.
En même temps que le technocratisme scientiste, l'empirisme tous azimuts, le méthodologisme ont montré leurs limites. Il faut dire que le contenu scientifique en SHS est susceptible d'être subversif et d'avoir, en tant que tel, une emprise sur les divers secteurs d'activité et sur l'ensemble de la société, d'où l'intérêt de le contrôler et de l'instrumentaliser. Accorder du crédit à l'esprit critique revient à déconstruire les idéologies étatiques.
L'Etat jacobin, la légitimité révolutionnaire revisitée par l'histoire critique risquent, par exemple, de remettre en question l'histoire officielle. Ce qui explique que l'opportunité offerte par le Hirak de libérer les espaces de la connaissance et du savoir n'a pas été saisie, ou relativement, par les enseignants et les chercheurs en SHS. Il faut dire qu'une large part d'entre eux ont intériorisé les idéologies étatiques, et ils participent, de ce fait, consciemment ou inconsciemment à leur diffusion.
Le monolinguisme a eu pour effet de priver une grande partie de ces diplômés des avancées théoriques et scientifiques des SHS. Plus encore, on peut constater une méconnaissance des fondements théoriques des sciences modernes, de la philosophie et de l'épistémologie qui les sous-tendent. Il n'est peut-être pas exagéré de dire que l'insurrection citoyenne a réussi là où la communauté scientifique a failli, à savoir la déconstruction des idéologies officielles et la contribution à la construction de nouveaux paradigmes.
En effet, l'insurrection citoyenne ne revendique pas uniquement la rupture avec un ordre établi politique, elle est aussi l'expression d'une réappropriation de l'histoire, de la culture et de l'identité. En témoigne le rejet des idéologies et des stratégies de récupération et de légitimation dont le régime algérien s'est longtemps prévalu pour se préserver. La souveraineté du peuple est exigée et prendra la forme d'une destitution du pouvoir en place de la légitimité révolutionnaire.
De même que l'Etat jacobin, instauré au lendemain de l'indépendance et largement consacré par l'histoire nationale, sera au cœur de la consolidation d'un soulèvement qui se veut fédérateur et de dimension nationale. La pluralité culturelle et identitaire exigée par les acteurs sociaux et politiques différents, voire divergents, est corroborée par le mouvement populaire. Les signes et l'emblème amazighs remettront au jour l'identité, la culture, tandis que les slogans de solidarité se font entendre dans d'autres contextes.
La cause ibadite n'est pas exclue de ce paysage. La mort de Kamel Eddine Fekhar en prison a suscité l'indignation générale dans les rangs des hirakistes. Cette pluralité de l'identité algérienne n'a pu être attestée ni par les historiens, ni par les sociologues, ni par les anthropologues, ni même par les paléontologues ! Quand bien même peuvent-ils prétendre au statut et à la crédibilité scientifique.
Il est probable que la participation massive des jeunes dans le Hirak soit en rapport avec la massification de l'université, et peut-être avec la prédominance des SHS dans le choix des bacheliers. Le domaine serait-il intrinsèquement réfractaire à toute forme de subordination malgré l'atrophie endurée ? Garde-t-il un souffle de raison critique malgré l'état d'idéologisation avancée ? Et à ce propos, combien de laboratoires de recherche ont entrepris de faire le profil intellectuel et social des hirakistes ? L'effectif des étudiants poursuivant des études supérieures en SHS est de 65% sur l'effectif global. Il n'est pas nécessaire de rappeler qu'il s'agit d'une orientation par défaut.
Celle-là même qui assure la pérennité d'une massification à moindres frais, au regard des sciences expérimentales, de santé et d'ingénierie qui demandent des laboratoires et des équipements. Celle-là même qui accuse de lourds problèmes de débouchés en raison de l'absence de coordination et de planification entre la formation en SHS et les spécificités des territoires, mais aussi en raison du faible rôle imparti aux SHS dans la société, l'enseignement secondaire, les institutions de formation, etc.
Par ailleurs, les statistiques officielles font état d'une production scientifique satisfaisante. Et on cherche toujours l'apport heuristique de ses productions ? Les avancées théoriques et empiriques restent imperceptibles. Combien peuvent prétendre à la qualité de référence ou d'école ? Combien de ses productions sortent des rangs poussiéreux des bibliothèques ? Combien ont suscité un débat public, une polémique ? Ces polémiques ô combien bénéfiques aux débats d'idées !
Les débats pratiquement absents de la sphère publique et médiatique, jusqu'alors, sont revenus en force depuis la révolution du 22 février. Le soulèvement a libéré une parole que le système continue de museler. Puisque le seul espace possible de débat libre est celui offert par les réseaux sociaux, ce terrain marécageux et semé de pièges.
Le jeune activiste Walid Kéchida sera emprisonné pour avoir créé un groupe Facebook. Cette mine d'or pour les sociologues, et qui eut un grand retentissement parmi les jeunes, proposait un contenu humoristique et contradictoire, présentant diverses tendances et orientations politiques et sociétales. Mais ce n'est pas au goût des décideurs politiques qui ont tracé les impératifs légaux, comme des lignes rouges à ne pas franchir. Bien que ces fondamentaux fassent l'objet de discussion et de débats importants au sein de la société.
L'islamologie, la nouvelle herméneutique et la philologie auraient pu être d'un intérêt scientifique déterminant et fournir des réponses concrètes et des connaissances nécessaires à la compréhension et à l'appréhension du legs islamique. Mais pour cela, il aurait fallu qu'elles trouvent leur place parmi les disciplines pertinentes (comme on aime à le dire) pour les sociétés musulmanes. Pour les quelques penseurs et chercheurs libres en SHS, la Toile est aussi un des rares espaces de vulgarisation.
La société étant encore privée de l'apport scientifique et de la réflexion critique et du débat contradictoire. La plupart des figures médiatisées sont celles qui cautionnent un statu quo et une pérennisation du système. Leur constat, presque unanime, et récurrent stigmatise une société coupable de ses maux, dédouanant, par là même, toute autre partie justiciable. Les individus y sont inculpés dans un discours moralisateur : d'immaturité, de manque de civisme, d'éducation, d'engagements (des étudiants).
On en arrive même au non-respect des injonctions divines.Il ne faut pas conclure que les universitaires sont totalement absents du champ de contestation. Ils forment la diversité de la masse des manifestants qui battent le pavé, bien que souvent à titre individuel. Mais pas seulement, à la faveur d'une conscience consolidée par le soulèvement populaire, plusieurs initiatives d'organisation ont vu le jour dont celle des universitaires.
Ainsi, la Coordination nationale des universitaires algériens pour le changement (Cnuac) revendique son appartenance au Hirak et défend ses principes fondamentaux pour un Etat de droit et une Algérie libre et démocratique. La coordination s'inscrit aussi dans un projet de démocratisation et de réappropriation de l'université, de son espace, de sa gestion et de son autonomie.
Par : NABILA BEKHECHI
CHERCHEURE INDEPENDANTE

DECLASSEE socialement et mal classée sur l'échiquier international, l'université algérienne est plongée dans un profond malaise jusqu'à perdre sa vocation. Des universitaires, chacun dans sa discipline, décryptent l'état des lieux et ouvrent des pistes pouvant lui redonner sa place de choix.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.