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"La situation est catastrophique"
Pr Kamel Bouchenak, chef de service des Urgences médicochirurgicales au CHU de Sétif
Publié dans Liberté le 06 - 07 - 2020

Dans cet entretien, le Pr Kamel Bouchenak, chef de service des urgences médicochirurgicales, chirurgien des hôpitaux, expert et membre de l'Académie française de chirurgie générale, décortique une situation épidémiologique qui frôle la catastrophe.
Liberté : Environ quatre mois après la lutte contre la pandémie de coronavirus, quel point pouvez-vous faire sur la situation ?
Pr Kamel Bouchenak : Depuis plus de trois mois et plus exactement depuis mai, l'on assiste à une hausse notable du nombre de personnes contaminées à Sétif. Jusqu'au Ramadhan, la situation semblait maîtrisée, cependant, le personnel soignant commençait à éprouver une certaine panique. C'est à ce moment-là qu'il aurait fallu intervenir intelligemment et s'organiser de façon méthodique en mettant tous les moyens existants quant aux mesures de prophylaxie, aux soins et au déploiement de personnels pour éviter le pire. Les autorités devaient sévir et interdire les regroupements. Dès la fin du mois sacré, le nombre de personnes contaminées a flambé à cause de l'ouverture des commerces, et c'est la panique totale qui s'installe. En effet, les responsables locaux semblent ignorer l'ampleur et la gravité de cette pandémie. Les praticiens se sont retrouvés dans une impasse. Ils ne savaient que faire car le manque de moyens de protection, de lits d'hospitalisation et de lieux de confinement était apparent.
C'est à ce moment-là que les choses ont commencé à se faire anarchiquement. Chacun fait ce qui lui semble bon à son niveau sans aucune coordination. Pis encore, on assiste à une fuite des personnels médical et paramédical — par peur d'être contaminés — et à une fuite en avant des responsables. Les autorités et les élus locaux n'ont jamais mis les pieds dans le CHU pour voir ce qui s'y passait. Les responsables de la santé de la wilaya ont comme toujours brillé par leur absence, laissant les médecins faire n'importe quoi, et à un moment donné, on ne faisait rien. On nous disait qu'il fallait attendre les instructions de la tutelle (nous avons eu 19 ou 20 instructions) qui, souvent, ne s'adaptaient pas à nos moyens sur place et, du coup, c'était la catastrophe.
Au service des urgences médicochirurgicales que vous dirigez, avez-vous les moyens nécessaires pour faire face au flux constaté ces derniers jours ?
Au service que je dirige en tant que professeur de chirurgie générale, je me retrouve par la force des choses à prendre en charge quotidiennement plus d'une trentaine de malades graves, atteints de Covid-19. Je n'exagère pas si je vous dis qu'ils sont tous en détresse respiratoire et que leur vie ne tient qu'à une bouffée d'oxygène dont le débit est bas avec des coupures parfois. Par manque de lits et d'espace, certains d'entre eux sont allongés à même le sol. La situation est intenable, voire catastrophique. C'est une situation humainement inacceptable. On enregistre aussi un manque flagrant de personnel soignant. Pas moins de 18 aides-soignants sont contaminés et 4 médecins sont libérés pour confinement. Nos troupes sont épuisées et je n'exagère pas quand je parle de burn-out.
À l'heure où je vous parle, la situation est toujours dramatique, le service des urgences médicales est saturé par des malades Covid-19 dont le pronostic vital est engagé : certains occupent des espaces non conformes aux soins, l'oxygène est à très bas débit et il y a un manque de personnel soignant. Le service tourne avec 2 infirmiers pour 30 patients ; les conditions d'hygiène laissent à désirer ; il y a un seul agent de service par 24 heures ; les personnes accompagnant un malade et les visiteurs rentrent et sortent librement sans aucune mesure de sécurité, ce qui aggrave davantage la situation et augmente les contaminations. Actuellement, la situation est chaotique, et il me semble que l'administration est indifférente ou incapable de surmonter cette situation. Les services en amont ne jouent pas leur rôle pour transférer les malades du service des urgences médicales vers les services dédiés à cette maladie.
D'ailleurs, nous n'avons plus de service des urgences médicales, les autres malades non-Covid présentant une autre affection urgente (cardiaque, neurologique, respiratoire) ne sont plus pris en charge, car nous n'avons pas où les mettre. Certains confrères professeurs, chefs de service, se prennent pour des gouverneurs et des intouchables. Ils n'autorisent aucun transfert de patients des urgences médicales vers leurs services. Ils ont fait de leurs services des propriétés privées. L'administration reste incapable, voire impuissante, devant certains médecins téméraires qui font souvent fi des instructions et des notes ministérielles.
Quelle lecture faites-vous des chiffres communiqués officiellement et quelle est la réalité au service que vous dirigez ?
Concernant les chiffres communiqués par notre direction des activités médicales et paramédicales, ainsi que par le bureau des entrées, je peux d'emblée vous dire qu'ils sont flous et inexacts et personne à la direction du CHU ne peut vous donner des chiffres exacts car il n'y a pas de coordination entre les différents services. Chacun dans son coin fait ce qu'il veut. Je peux même vous dire qu'ils nous cachent les chiffres. On ne sait pas exactement le nombre de décès ni celui des hospitalisés au CHU de Sétif à ce jour. Tout se fait en catimini. Nous avons, à plusieurs reprises, lors des conseils scientifiques, demandé les chiffres exacts, car c'est en fonction des statistiques que nous pouvons nous réorganiser et faire face à la pandémie, cependant, leurs chiffres sont un secret d'Etat. Je pense que c'est l'une des raisons qui a contribué à cette flambée dangereuse des cas de Covid-19.
Dans la wilaya, je suis convaincu que les chiffres officiels sont en deçà des chiffres enregistrés sur le terrain. En effet, la réalité est tout autre. J'ai souvent constaté que les chiffres annoncés ne collaient pas avec les chiffres que je relève dans mon service, et ce, sans parler des autres services. Les études épidémiologiques n'ont pas été réalisées sur la base de données exactes, elles n'ont pas pris en considération l'adresse des patients atteints, ce qui est très important dans une enquête épidémiologique. Je peux même vous donner des exemples qui étayent mes propos. Aux urgences médicochirurgicales (UMC), un service qui a été transformé en une unité Covid-19, je reçois 41 patients quotidiennement qui occupent tous les lits entre lesquels il n'y a aucun espace libre. Le taux de mortalité est élevé, car on y enregistre quotidiennement 2 à 3 décès. Cette mortalité ne cesse d'augmenter, atteignant beaucoup plus les patients âgés de plus de 70 ans. Nous déplorons aussi ces derniers jours le décès de personnes plus jeunes dont certaines âgées de moins de 50 ans.
Quelles sont les causes de cette augmentation dans le nombre de personnes atteintes et de décès et quelles propositions faites-vous pour juguler la propagation du virus ?
La cause de cette propagation est tout simplement le non-respect des mesures barrières, dont l'hygiène des mains, le port du masque et la distanciation physique. Pour faire respecter ces dernières, qui sont désormais l'ultime solution pour maîtriser la situation, il faut que les pouvoirs publics prennent les mesures nécessaires. Croyez-moi, si nous arrivons à respecter ces mesures de prophylaxie pendant seulement une quinzaine de jours, le nombre de patients atteints diminuera, et cette pandémie sera du coup éradiquée. Ce sont les jeunes qui sont porteurs sains du virus, qui contaminent malheureusement leurs parents âgés et qui, souvent, présentent des comorbidités, donc très vulnérables à la Covid-19. À cet effet, les mesures de prophylaxie doivent s'orienter davantage vers les jeunes, afin d'éviter qu'ils ne contaminent leurs parents dont la prise en charge est très lourde.
Par ailleurs, je propose que les patients de moins de 65 ans qui ne présentent pas d'antécédents médicaux et qui présentent des signes cliniques d'un syndrome grippal ou de Covid-19 sans complication, c'est-à-dire sans détresse vitale (respiratoire, cardiaque...), peuvent être traités symptomatiquement avec un confinement chez eux. Seuls les patients en état de détresse respiratoire ou autre détresse vitale pourront être hospitalisés. Cela permettra d'éviter la surcharge des hôpitaux et l'utilisation optimale des moyens humains et matériels existants.


Entretien réalisé par : FAOUZI SENOUSSAOUI


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