Véritables bouffées d'oxygène pour bon nombre d'estivants à la recherche de divertissements et de nouvelles sensations, les festivals, étatiques et indépendants, manqueront grandement à leurs habitués. Bientôt six mois que la Covid-19 a balayé d'un revers de main les habitudes et les certitudes. Plus de festivals, de concerts, de ventes-dédicaces, de foires, ni de tables-rondes qui égayaient un tant soit peu le quotidien des mélomanes, cinéphiles et autres férus de lecture. Le monde n'aura jamais connu un tel bouleversement tant sur les plans sanitaire, économique, social que culturel, secteur traditionnellement en ébullition durant la saison estivale. Si la situation à ses débuts était difficile, pour les organisateurs (publics, privés et les associations culturelles), les artistes et leur public, elle est désormais intenable, car elle met davantage en péril des évènements qui avaient déjà du mal à survivre avant l'apparition du virus dans un secteur miné par toutes sortes de maux : précarité des artistes, bureaucratie, manque d'initiatives indépendantes, etc. L'impact de la Covid-19 aura sur le long terme des répercussions économiques sans précédent. À l'heure actuelle, les experts estiment les pertes mondiales ayant touché la culture et les arts à plusieurs centaines de milliards de dollars. Pour minorer les répercussions et garder le contact avec leur public, les organisateurs ont, certes, "trouvé la parade" en se reconvertissant aux activités virtuelles sur les réseaux sociaux plus particulièrement afin de combler le vide culturel qui s'est imposé. Mais les avancées technologiques ont aussi leurs limites, et, dans ce cas de figure, pour un secteur dont la pérennité est dépendante de la présence d'un public plus ou moins nombreux, l'absence de perspectives serait fatale. Rien ne peut remplacer les sensations et émotions qu'un live, une expo, une lecture dans une libraire, une rencontre avec un artiste ou le spectacle d'une troupe sur les planches peuvent procurer. Alors, près de six mois après, qu'en est-il de l'impact social de ce "krach culturel" sur le court et long termes ? Moral en berne du côté des organisateurs Véritables bouffées d'oxygène pour bon nombre d'estivants à la recherche de divertissements et de nouvelles sensations, les festivals, étatiques et indépendants, manqueront grandement à leurs habitués et aux villageois qui les accueillent pour les festivals itinérants comme Raconte-Arts. Ce dernier, créé en 2004 par le trio Denis Martinez, Saleh Silem et Hacène Metref, est l'un des plus attendus de la saison. Prévu cette année à Yakouren, Raconte-Arts subit lui aussi les répercussions dues à la pandémie. "Les conséquences de l'annulation du festival sont négatives, surtout pour ce qui est des villages qui l'abritent", a fait savoir Hacène Metref, son cofondateur. "Les commerçants, les hôtels et les transports ne travaillent pas. Raconte-Arts est devenu un festival qui fait rentrer énormément d'argent aux villages." Et de continuer : "Nous souffrons de cette annulation mais nous prenons notre mal en patience. Les gens, les habitués sont aussi tristes et impatients de ce «non Raconte-Arts». De plus il n'y a pas que les Algériens, certains étrangers sont déçus de ne pas pouvoir vivre cette année encore l'exceptionnelle expérience qu'est ce festival. Même dans la rue, les gens m'interpellent. Car c'est devenu un rendez-vous unique en termes de relations humaines, de rencontres et d'échanges." Même son de cloche du côté de l'association Project'heurts, organisatrice des Rencontres cinématographiques de Béjaïa, qui se tiendront finalement au printemps 2021. "Ne pas être au rendez-vous cette année est difficile pour nous. Parce que tout notre travail tourne autour de la continuité", nous a expliqué Samir Abdelbost, président de l‘association. "Nous préparons néanmoins des projections en plein air et des ateliers pour septembre. C'est envisageable, nous sommes en train d'étudier la faisabilité de la chose, mais ça reste au conditionnel, car on n'a toujours pas de visibilité." Au plan local, c'est toute une tradition cinéphile qui est ébranlée. Le moral des troupes aussi n'est pas au top. "Les Bougiotes sont habitués aux RCB, d'où l'organisation d'une alternative en septembre, nous l'espérons, afin de ne pas laisser ce vide et préserver une dynamique qui existe depuis dix-sept ans", a-t-il conclu. Yasmine Azzouz