Nasri adresse ses voeux à l'ANP à l'occasion de la célébration de sa Journée nationale    Université d'été du Front Polisario : le référendum d'autodétermination, seule solution à la question sahraouie    Arrivée du président de la République au Cercle national de l'Armée pour présider la célébration de la Journée nationale de l'ANP    Bouira : lancement du projet de raccordement du barrage de Tilesdit à la SDEM de Béjaia    Fin de la cérémonie de célébration de la Journée nationale de l'ANP    Jeux africains scolaires Tennis : Sept médailles pour l'Algérie, dont trois en argent    Université d'Oran 2 : près de 5.000 places pédagogiques pour les nouveaux bacheliers    Sidi Bel-Abbes : organisation de la 14e édition du Festival culturel national de la chanson Raï du 7 au 10 août    Ouverture de la semaine culturelle de la wilaya de Djelfa à Annaba    De nouvelles mesures en vigueur durant la saison 2025    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Basket/Jeux scolaires Africains: médaille d'argent pour l'Algérie    Rentrée universitaire 2025/2026: Baddari se réunit avec des cadres du ministère et de l'ONOU    Début de la semaine culturelle de la wilaya d'Ouled Djellal à Alger    Foot/Algérie: lancement de la deuxième promotion de la licence CAF PRO à Alger    L'Australie s'engage à fournir des fonds supplémentaires pour les efforts d'aide humanitaire à Ghaza    Commerce extérieur: réunion sur la situation des marchandises bloquées aux ports    Ghaza: l'entité sioniste continue d'interdire l'accès aux médias internationaux    Le CHAN démarre Les Verts finalistes de la dernière édition, visent une performance honorable    Bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    L'hommage de la Nation à son Armée    Ce pays qui est le mien    Mustapha Adane, une vie de création entre mémoire et matière    Protection des données à caractère personnel: l'ANPDP informe l'ensemble des acteurs des amendements apportés à la loi    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    « Coûteux, insuffisants et inefficaces »    Déjà sacrée championne, l'Algérie bat l'Egypte et termine invaincue    Une ville clochardisée    Une première place en or pour l'Algérie    L'économie de l'Algérie se porte L'économie de l'Algérie se porte biende l'Algérie se porte bien    Le ministre des transports annonce une augmentation du nombre de vols et l'ouverture de nouvelles lignes    L'Europe piégée et ensevelie    L'élégance d'un artiste inoubliable    La célèbre statue féminine de Sétif au statut toujours contesté    La délégation parlementaire algérienne tient une rencontre de travail avec la délégation autrichienne    Renforcement des perspectives de coopération dans le domaine de la jeunesse entre l'Algérie et la Chine    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



"Fadma n Sumer mérite sa place dans les manuels scolaires"
Omar Kerdja, auteur et historien
Publié dans Liberté le 05 - 09 - 2020

Omar Kerdja est auteur et éditeur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la culture ancestrale, dont Petit lexique des sciences de la nature (français-tamazight, 2006), ou encore Lexipsos de la culture amazighe (2018). Le chercheur en anthropologie du patrimoine immatériel algérien prépare pour cette année la sortie de Fadma n Sumer, la légendaire femme-combats. À ce sujet, notre interlocuteur a bien voulu s'ouvrir à nos lecteurs autour de la personnalité de cette résistante.
Liberté : Comment Fadma n Sumer a pu, dans une société patriarcale et de surcroît conservatrice, se hisser au rang de l'icône du patriotisme, voire le chantre de la résistance que nous connaissons ?
Omar Kerdja : Avant tout, comme vous dites, la société kabyle, à l'instar des sociétés musulmanes, est patriarcale, certes. Mais parfois le côté matriarcal refait surface. Pour ce qui est du conservatisme, il était propre aux familles qui se réclamaient maraboutes. Il faut savoir que Lalla Fadma n Sumer est issue d'une famille pas aussi conservatrice que l'étaient d'autres familles.
D'abord, il y a une grande tolérance, et les At Sid Ahmed, notamment Sidi Taïeb et Sidi Tahar, respectivement père et frère de Fadma, avaient l'esprit très ouvert et n'ont jamais manqué de manifester leur amour pour la fille, la sœur Fadma, attitude et élan qui n'étaient pas communs et jamais avoués chez les autres, pour l'époque, y compris chez les non-marabouts, autrement les laïcs. Un autre atout qui fit que Fadma n Sumer put émerger du lot. C'est la chance qu'elle avait – ce que les autres filles de son âge ou de son patelin n'avaient pas – d'ouvrir les yeux dans un environnement animé par nombre de visiteurs lettrés qui venaient voir et solliciter son père. Depuis son enfance, elle entendait parler d'un envahisseur venu de loin pour prendre possession du territoire. Elle se mettait au fait des événements qui se déroulaient à ce moment loin de sa montagne. Cela dit, même si elle n'assistait pas aux réunions que faisait son père avec les éminentes personnalités qui lui rendaient visite, comme ce fut du temps d'Ahmed u Meziane, le grand-père fondateur de la zaouïa d'Ouerdja, Fadma n Sumer qui se mettait à l'écart était à l'écoute.
Elle le faisait, non pas par curiosité, mais par amour de la patrie menacée, comme elle le faisait quand elle écoutait les talebs réciter les versets du Coran, les apprenant par soif du savoir et qu'il fallait happer tout ce qui instruit et donne apprentissage sur le monde extérieur.
Son père, dit-on, la chouchoutait. Malgré les demandes pressantes de nombreux prétendants qui venaient solliciter sa main pour le mariage au vu de la renommée qu'elle avait, puisqu'on la disait belle comme la lune. Bien sûr, elle a refusé toutes les demandes. Son père la soutenait, par contre sa mère et son frère aîné étaient inquiets pour l'avenir de Fadma n Sumer. Mais la préoccupation majeure de Fadma n Sumer, c'était de se consacrer à la noble cause des siens, celle de participer à la défense du territoire de plus en plus menacé, surtout qu'elle entendait beaucoup de choses abominables que Bugeaud pratiquait sur des populations inoffensives. Un mois passé sous le toit de son époux, sans pour autant qu'elle le laissa s'approcher d'elle, elle revient dans sa famille de son propre chef. Ce qui s'appelait à l'époque tamnafeqt, l'insurgée. Yahia, son mari, a juré de ne jamais la répudier pour ne pas lui donner la liberté de se remarier.
Chose qui arrangeait aisément Fadma pour ne plus être importunée par cette question de remariage et ainsi se consacrer pleinement à cet autre combat : celui de défendre l'honneur et la liberté des siens.
Nos archives sont-elles parlantes autour de la résistante Fadma n Sumer ? Dans le cas contraire, l'oralité de nos aïeux et les manuscrits de nos zaouïas vous ont-ils aidé dans vos investigations ?
Il n'est pas aisé de parler de cette femme sans un travail de recherche en profondeur. Certes, il doit y avoir des archives intéressantes. Elles sont, soit sous scellés, chez des particuliers qui les détiennent sans les mettre à disposition ou à profit, soit dans les musées ou bibliothèques, mais ne sont pas exploitées. Et les archives françaises que l'on doit aller chercher mais qu'on ne peut atteindre sans autorisation spéciale des services concernés. Pour le sujet, j'ai compulsé une foison de livres et de comptes rendus militaires, du temps où les événements se déroulaient. La bibliographie jointe à l'œuvre renseigne bien de ce souci de trouver des éléments confortant ce qui a été collecté dans l'oralité. En ce qui me concerne, j'ai chevauché entre les deux : l'oralité à travers des anecdotes, des récits même effilochés par le temps, surtout la confusion qui est souvent faite entre deux événements majeurs pour l'époque. Je parle de l'invasion de 1857 et de l'insurrection de 1871 qui s'est ensuivie. Il y a aussi de la poésie, des maximes et dictons... Et tout cela est un support à ne pas négliger.
Pourquoi Fadma n Sumer n'a-t-elle pas la place qu'est la sienne dans la mémoire algérienne d'abord et dans le gotha de figures emblématiques de femmes dans le monde qui avaient fait l'actualité dans leur temps, comme c'est le cas de Gabrielle Petit (1893-1916) en Belgique ?
Votre question peut être scindée en deux parties. Elle est d'ordre sociologique : vous savez bien que malgré le progrès auquel l'homme moderne de chez nous est arrivé, sur ce chapitre, la femme a beaucoup plus perdu de sa place et de sa notoriété qu'elle n'en avait autrefois. Je m'explique. S'agissant d'une femme qui s'est retrouvée, non pas par pur hasard, mais par son abnégation, son courage et son intelligence hors du commun, à commander des hommes dans une conjoncture des plus inextricables au vu des dissensions alimentées par les services de propagande ennemis, ce n'est nullement un mythe. On ne peut la classer que dans la catégorie des femmes rares qui ont marqué l'histoire, pas uniquement de la Kabylie ou du pays, mais celle de l'humanité, à l'instar de Dihya, de Chemsi et d'autres femmes de grand renom ou pas. Car je parle de la femme amazighe, au moment où la femme sous d'autres cieux était regardée comme un sous-humain, dans notre société elle avait sa place grande. Dans chaque localité, on retrouve un sanctuaire, un lieudit au nom d'une femme. Ce qui dénote que la femme chez nous est sacrée. D'ordre politique : cela est du ressort des tenants du pouvoir politique de redonner sa place à cette héroïne dont il faut être fier. Car si sous d'autres cieux on a créé des mythes ; chez nous, on ne connaît ce style ou cette façon de se donner place qu'avec du concret sans fard... Fadma n Sumer mérite, à côté de tous ceux qui ont lutté pour défendre la patrie, la place qui lui revient de droit dans les manuels scolaires. Quand vous regardez dans le livre d'histoire de 4e année moyenne, le chapitre "Les Résistances populaires" sous forme d'un tableau, à mon sens, c'est un manque de considération pour ces héros. Il a été consacré une ligne à l'héroïne dont le nom est accolé à celui de Boubaghla, alors que les lieutenants de cette femme, aussi inflexibles, on ne trouve nulle trace d'eux.
Propos recueillis par : Louhal Nourreddine


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.