La mise à feu du second haut-fourneau constitue une bouffée d'air pour les travailleurs de la région et les autres entités du complexe ; un défi à relever avec la reprise des activités dans des conditions difficiles liées non seulement aux structures du site qui nécessitent une réhabilitation, mais aussi à la crise sanitaire. À Annaba, quand le complexe sidérurgique Sider tousse, c'est toute la région qui s'enrhume. À commencer par les cités ouvrières d'El-Hadjar, d'El-Bouni et, plus proche encore, par celle de Sidi Amar située juste en face de ce site emblématique. Les habitants de ces agglomérations ont, en effet, souffert, et souffrent encore de la mise en veilleuse, depuis le 22 mars dernier, des installations du complexe à cause de la pandémie de Covid-19 et de ses retombées négatives sur l'économie locale. La mise à feu du haut-fourneau n°2, le 19 septembre dernier, et le redémarrage progressif des différentes usines de la zone dite "chaude", après un arrêt des activités, qui aura duré plus de six mois, ont, toutefois, fait renaître l'espoir d'une embauche, même temporaire, surtout chez ces diplômés chômeurs, qui suivent de loin, mais avec attention, ce qui se passe à l'intérieur du complexe. "J'habite cet immeuble blanc situé à un jet de pierre de l'entrée principale de l'usine. Depuis ma fenêtre, j'ai observé tous les va-et-vient des cortèges ministériels en juillet et au début de ce mois de septembre, et je peux vous assurer que cela m'a mis du baume au cœur en constatant qu'on s'intéressait à notre usine. Je suis d'autant plus content, aujourd'hui, à la vue de la colonne de fumée qui monte depuis le haut-fourneau qu'on croyait éteint à jamais", lance, sur un ton jovial, Tarek, un trentenaire, lui-même fils de métallurgiste, que nous avons rencontré à hauteur du poste de garde du site. Enthousiaste, ce jeune homme commente la série de mesures prises par le chef du gouvernement, lors de sa récente venue à Annaba. Il applaudit notamment la décision de redémarrer sans plus attendre le laminoir à chaud et les aciéries. "Les habitants de Sidi Amar sont ravis rien qu'à l'idée que les machines se sont remises à tourner comme par le passé, que les camions chargés de produits finis se remettront bientôt à sortir par vagues successives du complexe sidérurgique. Après une longue période d'angoisse et de doute pour l'avenir de l'usine, les familles ont enfin retrouvé le sourire", se réjouit Tarek en rappelant que le site ressemblait, il y a quelques semaines, à une ville fantôme et que cette atmosphère lugubre a déteint sur toute la région. Un optimisme que partage un autre jeune homme qui attendait patiemment, un volumineux dossier sous le bras, qu'on l'autorise à accéder à la direction des ressources humaines pour y déposer une demande d'emploi. Adel, c'est son prénom, se dit sûr et certain que la relance du site est effective et que cette fois sera la bonne pour tous les titulaires de diplômes universitaires, qui attendent depuis des années qu'on veuille bien leur donner une chance d'y travailler, et ainsi, de prouver leurs compétences. "Nous sommes capables de faire tourner les installations du complexe comme l'ont fait nos aînés avant nous, pour peu que l'on nous fasse confiance. La meilleure preuve est donnée par les ingénieurs, les techniciens et les ouvriers spécialisés, formés sur le tas pour la plupart, qui activent à tous les niveaux du process. Ces hommes ont fait leur devoir avec l'art et la manière, sans être forcément encadrés par des étrangers", soutient-il. Le savoir-faire des Algériens Des témoignages de reconnaissance du savoir-faire algérien, tel que celui-là, nous en recueillerons tout au long de notre visite à travers les différentes structures de la zone de production situées en amont du haut-fourneau. Depuis l'unité laminoir à froid qui n'a été concernée par le congé exceptionnel, que jusqu'en juin, par les mesures prises par l'Etat pour prévenir la propagation du coronavirus, et qui a fonctionné avec des stocks de produits semi-finis importés, jusqu'aux ateliers de l'AMM, dont les performances quant à la fabrication de pièces de rechange de haute précision pour les besoins du complexe et en extra-muros ne sont plus à démontrer. Nombreux ont été ceux qui rapportent fièrement la prouesse réalisée par le service de la maintenance du complexe qui a procédé au remplacement, en un temps record, d'un câble électrique de 3 000 mètres qui avait été dérobé par des individus malfaisants au détriment des installations du haut-fourneau. "Cette opération nécessitant une certaine expertise devait être réalisée par une entreprise privée pour un montant de sept millions de dinars. Le coût exorbitant exigé par ce sous-traitant a motivé nos techniciens à prendre en charge les travaux par ses propres moyens", rapporte avec fierté un contremaître de la maintenance. L'Etat à la rescousse Ainsi, les récentes déclarations du Premier ministre relatives à l'avenir du complexe sidérurgique et, notamment, l'engagement qu'il a pris de parachever la deuxième phase en cours du plan de réhabilitation des installations stratégiques ont rassuré autant les travailleurs qui y activent que les habitants de la ville industrielle. Ceux que nous avons pu interroger à ce propos ont été unanimes à applaudir les mesures adoptées par le gouvernement, afin de redresser la situation financière catastrophique qui affecte le site sidérurgique. "Le gouvernement, par la voix du ministre de l'Industrie, a pris une décision courageuse en annonçant qu'il est résolu à aider l'entreprise à surmonter tous les problèmes qui freinent son essor, en intervenant même dans le rééchelonnement des dettes qu'elle détient auprès des institutions bancaires. Le ministre de l'Industrie nous a rassurés en annonçant la volonté des pouvoirs publics de sauver ce fleuron de l'industrie nationale qui employait près de 18 000 travailleurs dans les années 1980 et 1990", relève M. Brahim, un électromécanicien de la Centrale à oxygène n°1, l'une des unités stratégiques du complexe, réhabilitée récemment. Et d'ajouter qu'il est personnellement convaincu que la relance de l'ensemble du site est possible avec l'encadrement actuel, qui se prévaudrait, selon lui, de la confiance et du soutien de tous les travailleurs. Se félicitant du redémarrage réussi du haut-fourneau et de la reprise progressive des activités des aciéries et des installations annexes de la zone chaude, le secrétaire général du syndicat de l'entreprise, Azizi Bey, assure, quant à lui, la direction de Sider de son soutien inconditionnel. "Nous sommes conscients, en notre qualité de représentants des travailleurs, de l'importance qu'accordent la direction et les plus hautes autorités du pays à la reprise des activités de production et à la satisfaction des commandes des clients de notre entreprise. Nous notons avec satisfaction que l'entreprise a pris toutes les dispositions pour préserver l'ensemble des travailleurs des unités du risque de contamination virale, en cette période de crise sanitaire liée à la Covid-19", nous a confié cet élu. Azizi Bey se dira tout aussi confiant en l'avenir, avec la création prochaine de nouvelles usines à l'intérieur du site dans le cadre du projet d'intégration prôné par le gouvernement. Un projet qui sera concrétisé, expliquera-t-il, après l'opération de démantèlement du haut-fourneau n°1, devenu obsolète, de la cokerie et des installations de l'ancienne unité LFR (laminoir fil et rond à béton) et la récupération de leurs terrains d'assiette pour la construction des structures devant abriter les futures usines dites de complémentarité. Notre interlocuteur se réjouit de l'initiative pour ce qu'elle offre comme richesse supplémentaire pour le complexe et pour les emplois nouveaux qui viendront s'ajouter aux 6 000 actuels. Il rappellera pour conclure que l'opération de réhabilitation a concerné, dans sa première phase, le haut-fourneau n°2, l'unité PMA (préparation de matières premières et agglomérés), l'aciérie à oxygène n°1, la centrale à oxygène, les installations énergétiques et le réseau de logistique pour une enveloppe financière de 430 M USD. Cela alors que la deuxième phase du plan d'investissement prévoit d'autres opérations de modernisation appelées à élever la production à 2,2 millions de tonnes d'acier liquide par an, à l'horizon 2021.
Reportage réalisé par : A. Allia
REDA BELHADJ, DIRECTEUR GENERAL DE SIDER EL-HADJAR -"Nous sommes condamnés à réussir"