Quarante jours après son adoption par voie référendaire, à raison de 66,6% des suffrages exprimés (le taux de participation a avoisiné néanmoins 23,8% du corps électoral), la réforme constitutionnelle n'est pas encore exécutoire. Elle ne saurait être publiée au Journal officiel et entrer, par là même, en vigueur tant que le chef de l'Etat n'y appose pas le sceau présidentiel. La constitutionnaliste Fatiha Benabbou, avec laquelle nous avons pris attache hier, l'explique de manière didactique et méthodique. "La promulgation de la Constitution est un acte formel. La signature du président de la République n'est pas une condition substantielle, contrairement à une loi ordinaire sur laquelle il signe directement après son adoption par le Parlement. En clair, il ne signe pas sur la Constitution, mais sur un autre texte, généralement un décret présidentiel portant promulgation de la Constitution", souligne notre interlocutrice. Elle insiste sur le formalisme juridique pour mieux édifier l'opinion publique sur le processus enclenché par l'initiative du chef de l'Etat de réformer la loi fondamentale, sur l'élaboration du projet par un comité d'experts, sur sa validation par le vote des parlementaires, puis sa soumission à l'approbation populaire. "La démocratie se construit sur le respect des procédures et des droits. Si on casse cette dynamique du droit, on revient à la violence, et donc, au prémoderne, c'est-à-dire à la gestion de la vie publique par les rapports de force", affirme la constitutionnaliste avant de revenir au cœur de la thématique. "Le référendum populaire est déterminant car il est l'acte de souveraineté par excellence. Le président de la République joue le rôle d'un officier public ou d'un notaire, qui constate la régularité des procédures." Depuis bientôt un mois et demi, le président Abdelmadjid Tebboune est éloigné des affaires de l'Etat, pour cause de maladie. Cette absence prolongée met naturellement en veille la nouvelle Constitution — aucun délai n'est fixé à ce propos. Ce n'est donc qu'au retour effectif du premier magistrat du pays à ses fonctions dans la haute hiérarchie de l'Etat, que le sort du nouveau texte sera scellé. Mme Benabbou livre franchement son avis : "Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le contenu de la réforme constitutionnelle et il ne faut pas perdre de vue le faible taux de participation." Elle soutient, à ce titre, que le premier magistrat du pays a le choix entre une interprétation légaliste ou une lecture politique de l'article 209 de la révision constitutionnelle de 2016, qui édicte : "La loi portant projet de révision constitutionnelle repoussée par le peuple devient caduque. Elle ne peut être à nouveau soumise au peuple durant la même législature." S'il ne prend en compte que les suffrages exprimés, il promulgue le texte par décret exécutif. Il devient exécutoire 24 heures (jour ouvrable) après sa publication au Journal officiel. "Il peut aussi prendre en considération la forte proportion des abstentionnistes auxquels s'ajoutent les personnes ayant voté non et ne pas imposer le texte à une majorité qui le rejette", estime-t-elle.