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"L'affaire Nekkiche est une bataille contre l'impunité"
ME NACERA HADOUCHE, AVOCATE
Publié dans Liberté le 10 - 02 - 2021

" Si on veut construire notre société démocratiquement, sur les fondamentaux des droits de l'Homme, nous sommes dans l'obligation de traduire les personnes qui commettent ce genre d'acte devant la barre, peu importe leur grade, car c'est l'acte qu'on condamne. Qu'il soit commis par un chef, par un subalterne ou par un citoyen, cela n'a aucune importance, c'est l'acte qu'il a commis que l'on condamne", défend l'avocate de Walid Nekkiche.
Liberté : Le parquet général d'Alger a ordonné une enquête préliminaire sur l'affaire Nekkiche. Quelle est votre appréciation ?
Me Nacéra Hadouche : Je dirais que c'est l'aboutissement d'un travail de toute une année et aussi l'aboutissement de l'énergique réaction et de l'indignation de l'opinion publique nationale et internationale. Je salue le travail fait par les avocats le jour du procès car on a su, avec la plainte et les déclarations de Walid Nekkiche, transformer le procès en un procès de la torture, alors que ce jeune a fait l'objet d'accusations très très lourdes.
L'ouverture d'une enquête préliminaire est un acte positif. Maintenant, on veut que les vrais tortionnaires soient présentés à la barre et nous voulons un procès équitable. La société, les juristes, l'opinion publique nationale et internationale les a mis devant deux faits : soit ils ouvrent l'enquête et disent que nous ne partageons pas ces actes, soit ils n'ouvrent pas cette enquête, et c'est tout le système qui cautionne ces pratiques. Là, je pense qu'ils n'ont pas eu d'autres choix que d'ouvrir cette enquête pour éclairer tout le monde sur ce qui vient de se passer pour Walid.
Certaines réactions sont plutôt sceptiques. Partagez-vous ce sentiment ?
C'est une question de rapport de force. La mobilisation est nécessaire quand on veut faire changer les choses. Ça a besoin de temps, mais on a besoin d'une vraie mobilisation et surtout de solidarité. L'ouverture d'une enquête préliminaire est un début de travail et de mobilisation, car cette affaire entre dans le cadre de l'impunité, et ça touche la société, et surtout les éléments fondamentaux d'une société démocratique.
Tant qu'il y aura l'impunité, ça ne changera jamais. Si vous avez remarqué, nous demandons toujours des procès de vérité. Beaucoup de pays ayant réussi leur transition l'ont été avec des procès transitionnels. On a besoin de savoir qui est la victime et qui est le bourreau. Il faut situer les choses et arrêter avec l'impunité. C'est très important, et cette affaire de Nekkiche est justement une bataille contre l'impunité.
Si on veut construire notre société démocratiquement, sur les fondamentaux des droits de l'Homme, nous sommes dans l'obligation de traduire les personnes qui commettent ce genre d'acte devant la barre, peu importe leur grade, car c'est l'acte qu'on condamne. Qu'il soit commis par un chef, par un subalterne ou par un citoyen, cela n'a aucune importance, c'est l'acte qu'il a commis que l'on condamne.
On ne condamne pas ce que tu es, mais ce que tu as fais. Maintenant, si certains sont pessimistes en raison de la commission Issad en 2001, moi je pense que le professeur Issad a été à la hauteur de la mission qui lui a été confiée. Certes, on a réussi à avoir l'enquête préliminaire, c'est déjà ça, mais il y a un rapport détaillé qui a été remis à la Présidence, mais en vain.
On doit faire la part des choses : les membres de la commission ont fait leur travail, mais c'est la Présidence qui n'a pas pris acte et qui n'a pas réagi au travail de la commission. Une chose est sûre, les crimes restent imprescriptibles, le travail de Mohand Issad peut être repris à tout moment.
Vous aviez déjà déposé plainte pour torture en juin 2020. Que s'est-il passé ?
Le 26 novembre 2019, Walid Nekkiche a été kidnappé dans une marche. Il était porté disparu pendant six jours, et c'est ce qu'il a confirmé. Durant ces six jours, personne ne savait où était Walid. Entre le 2 et le 4 décembre, certains médias ont annoncé l'arrestation d'un "dangereux personnage" qui se préparait à s'attaquer à l'Etat. Mais voilà que le 2 décembre, on découvre que ce "dangereux personnage", c'est l'étudiant Walid Nekkiche.
Il a été transféré le 2 décembre à la prison d'El-Harrach. C'étaient les détenus de l'emblème amazigh qu'il avait retrouvé dans cette même prison qui lui ont porté assistance et secours car il était abattu au point qu'il ne parlait même pas.
D'ailleurs, Fersaoui, qui était alors détenu, a apporté plus tard son témoignage sur l'accueil fait à cet étudiant en prison, puis il y a eu Me Djardjar, qui était toujours auprès des détenus d'opinion, qui a été la première à rendre visite à Walid et a découvert dans quel état il était. Il lui a fait part des sévices et de la torture qu'il a subis.
Je me souviens qu'elle m'en a parlé le 4 janvier à l'occasion du procès d'un autre détenu du Hirak et elle nous a demandé de nous constituer en collectif de défense tout en nous prévenant qu'il ne s'agit pas d'un dossier ordinaire, car il a été torturé. Puis le 10 mars 2020, il y a eu l'audition de fond et je n'y ai pas assisté car devant le juge d'instruction.
Lors de la comparution devant le procureur et le juge d'instruction, on n'a même pas donné à Walid la chance d'être assisté, on disait qu'il avait refusé de contacter ses parents, qu'il a refusé des avocats, etc. Mais devant le juge d'instruction, il a nié tout ce qui a été dit devant la police judiciaire de la DGSI.
Il avait dit quoi à ce moment-là ?
Il a dit mot à mot qu'il avait été victime de tortures verbale, physique et mentale, et le juge d'instruction n'a pas pris en considération ses déclarations. Alors, le 23 juillet 2020, je dépose plainte auprès du procureur général de la cour d'Alger pour torture, selon les articles 263 et 264 du code pénal, et, bien sûr, en faisant référence aux textes internationaux, surtout à la Convention contre la torture ratifiée par l'Algérie.
Le même jour, je demande une expertise médicale auprès du juge d'instruction du tribunal de Baïnem qui suit le dossier de Walid en joignant la plainte, mais le 26 juillet, on m'a notifié le refus cette demande d'expertise médicale. Sous prétexte que les faits n'ont pas de relation avec l'affaire en cours.
Lorsque nous avons plaidé devant la chambre d'accusation, nous avons demandé à ce que les propos de Nekkiche soient écartés au motif que ce sont des propos soutirés sous la torture et avons réclamé carrément le non-lieu, car si on retirait les déclarations de Walid du dossier, il n'en restait rien, aucune autre preuve. Il faut savoir que dans le dossier, c'était cinq personnes qui étaient poursuivies et dont deux ont bénéficié d'un non-lieu pour la simple raison que l'on n'a pas réussi à les identifier.
Ce sont des noms de personnes inexistantes et les autres sont des personnes du village Ath Messaoud, soit le même que Walid. Le second, qui était avec lui, Kamel, est rentré d'Illizi où il habite depuis 25 ans. Il ne savait même pas qu'il était recherché. En arrivant chez ses parents, on l'informe qu'il a reçu une convocation, et en se présentant, il est arrêté le 26 novembre 2020, puis a été transféré à la prison d'El-Harrach, alors que le dossier de Walid a été déjà renvoyé devant la criminelle.
Par la suite, on découvre que Kamel ne connaissait même pas Walid. Walid a 25 ans et Kamel 46 ans. Ce dernier est parti très longtemps de son village. Ils ont fait connaissance en prison. C'est Me Kader Houali qui les a présentés l'un à l'autre au parloir. Le jour du procès, le 1er février dernier, Walid, à qui des questions directes ont été posées pour savoir s'il avait été torturé, a répondu oui et la présidente du tribunal lui demande pourquoi il n'en avait pas parlé avant pour porter plainte.
Dans le dossier de Walid, le jour du procès, il y avait une copie de la plainte pour torture, une copie de la demande de l'expertise médicale et une copie du refus de cette expertise. Le tribunal criminel avait ces pièces entre les mains. Il n y avait, certes, pas de suite concernant la plainte, mais elle n'a jamais été classée. C'est après le procès qu'il y a eu suite en ordonnant l'ouverture d'une enquête. Officiellement, on n'a saisi ni Walid ni moi, autrement, la partie civile n'est pas saisie officiellement.
Que dit la loi dans ce genre d'affaires ?
L'article 264 considère que tout fonctionnaire qui a commis cet acte est puni de 10 à 20 ans de prison. C'est une action en criminelle à l'instar d'un meurtre dans lequel il suffit que le parquet soit informé de l'acte pour ouvrir une enquête, c'est automatique. Pas besoin que la partie civile se manifeste.
C'est pour cela que nous avons cité dans la plaidoirie que j'ai versée, les articles 12, 13 et 15 de la Convention internationale contre la torture ratifiée par l'Algérie et un arrêt de la section de torture à l'ONU rendu à l'encontre d'un Tunisien condamné à 26 ans de prison bien qu'il ait déclaré avoir été torturé. Suite à cela, l'ONU a exigé de revoir son procès.
La Convention internationale est claire : elle dit qu'il suffit d'une information sur la torture qui touche l'humanité pour obliger l'Etat à ouvrir une enquête dans les temps et de façon rigoureuse et correcte. Alors rester de juillet à février sans donner aucune suite est une condamnation de l'Etat et non de la victime.
Ils ont eu le temps de faire leur enquête et vu que l'enquête n'a pas été faite, et que la preuve que ce que dit Walid est faux n'a pas été apportée, alors c'est la parole de Walid qui prime. La question de temps a joué en notre faveur.
Vous dites que la demande d'une expertise médicale de la victime a été refusée par le juge d'instruction. Cela ne risque-t-il pas de peser dans la suite de l'affaire ?
C'est, en tout cas, en faveur de Walid Nekkiche ! Tout le monde sait qu'il faut deux certificats médicaux pour un détenu : le premier à son arrestation et le second à la fin de sa garde à vue. Et devant l'absence de ce deuxième certificat médical de constatation à la fin de la garde à vue dans le dossier de Walid Nekkiche, et encore six mois après, la victime demande une expertise pour constater les séquelles, malgré cela ils ont refusé. Cela signifie que c'est à leur tort, autrement ce sont eux qui ont caché. C'est donc à eux de donner une autre preuve s'ils en ont, pour nous c'est largement suffisant.

Entretien réalisé par : SAMIR LESLOUS


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