«45.000 postes d'enseignants et 24.000 postes administratifs à pourvoir»    Face aux nouvelles mutations énergétiques régionales et mondiales    Un comité central pour garantir la réalisation dans les délais    La JSS rejoint le MBR et l'OA en tête du classement    «La prochaine fois sera, peut-être, la bonne»    Tirer les leçons des expériences passées    Mostaganem-Plage « Houria » Le corps de la jeune femme noyée repêchée    Coup d'envoi de l'année scolaire pour la catégorie des enfants aux besoins spécifiques    Défaillance de la langue arabe ou indigence de la didactique islamisée ?    Le président de la République instruit le Gouvernement d'accomplir ses missions avec une grande rigueur    Brahim Ghali: toute solution ne respectant pas la volonté du peuple sahraoui est "totalement rejetée"    Les organisations de la famille révolutionnaire saluent l'intérêt accordé par Monsieur le président de la République à l'histoire et à la mémoire nationale    Rentrée universitaire: prés de 2 millions d'étudiants rejoindront lundi les établissements d'enseignement supérieur    ONSC : Hamlaoui a reçu une délégation de notables de la wilaya de Djanet    Le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie reconnaissent officiellement l'Etat de Palestine    Des pluies orageuses dimanche et lundi sur plusieurs wilayas du pays    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Commerce extérieur: Rezig préside une réunion d'évaluation pour la révision des mesures réglementaires du secteur    Wilaya de l'Est: de nombreux établissements scolaires inaugurés dans les 3 paliers de l'enseignement    Jordanie: réouverture partielle du poste-frontière avec la Cisjordanie occupée    Nasri félicite Djamel Sedjati pour sa médaille d'argent au 800 m à Tokyo    L'Algérie, la Chine et la Russie au 3e soir du 13e Festival de danse contemporaine    Ouverture du 13e Festival international du Malouf: célébration vivante d'un patrimoine musical    L'école algérienne demeure un pilier essentiel pour bâtir une société unie    Ali Badaoui en mission de reconnaissance en Chine    Rentrée scolaire: l'Etat engagé à assurer les fondements du développement cognitif pour une génération éveillée    Aït Messaoudene au chevet des victimes après une attaque de chien mortelle    L'Algérie dénonce un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    Des abus graves contre les écolières    inter-régions : La FAF prolonge le mercato estival jusqu'au 30 septembre    Sayoud instruit d'accélérer la réalisation des projets du secteur des ressources en eau    Le veto américain prolonge le génocide    Bendouda inspecte les travaux de réhabilitation et le projet de numérisation des manuscrits    La 20e édition a attiré un public nombreux    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati remporte la médaille d'argent sur 800 m    Basket / Championnat arabe des clubs féminins/Finale : le GS Cosider décroche la médaille d'argent    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Comment concilier islam et modernité ?
Publié dans La Nouvelle République le 03 - 10 - 2011

Islam et modernité : ces deux concepts-clés demandent à être retravaillés pour sortir des confusions courantes répandues par des usages polémiques et idéologiques tendant à opposer deux forces antagonistes hors de toute analyse historique, sociologique, anthropologique, théologique et philosophique. Il est nécessaire, en effet, de mobiliser toutes ces disciplines pour expliciter les enjeux de pensée, de culture, de civilisation, généralement escamotés, même par de prétendus experts de l'un ou l'autre de ces deux pôles de ce que j'appellerai «l'histoire du temps présent».
Car si les contentieux entre ce qu'on nomme globalement «l'islam» et «l'Occident» se trouvent déjà clairement exprimés dans le discours coranique, c'est à partir de 1945 que des guerres sévères et répétées ont alimenté les passions, les haines irréductibles, les exclusions réciproques sur la base de données théologiques islamiques, juives et chrétiennes qui ont fonctionné depuis le Moyen-Age, comme des systèmes intellectuels, «spirituels», moraux et juridiques d'exclusion réciproque. Ces systèmes construits par chaque communauté pour revendiquer d'avoir été élu, par Dieu, dépositaire exclusif de la Vérité révélée, continuent de fonctionner actuellement encore comme des instances de légitimation des «guerres justes» récurrentes depuis 1945 : guerre de Libération algérienne (1954-1962), guerre de Suez (1956), guerre de Six jours (1967), guerre de Kippour (1973), guerre du Golfe (1991), guerre contre le terrorisme... On notera que toutes ces guerres engagent des protagonistes liés aux héritages religieux, culturels, symboliques communs à l'espace méditerranéen, qui se trouve divisé depuis l'émergence de l'islam en rives «judéo-chrétiennes», puis modernes laïques, et en rives arabo-turco-irano-musulmanes. Les historiographies reflètent les processus de construction de mémoires collectives retranchées dans des citadelles «mytho-historiques». Elles s'alimentent toujours dans des thématiques dialectiques consistant à faire valoir la nécessité de défendre le Bien et le Vrai contre le Mal et l'égarement. Le vocabulaire utilisé par l'Europe-Occident «moderne» réactive des représentations et des connotations médiévales, tout en se réclamant avec force de la vulgate orthodoxe des valeurs «occidentales» démocratiques, laïques, humanistes, humanitaires... Comment vivre avec l'islam ? Pour répondre à cette question, il est indispensable de distinguer le concept géopolitique, géo-économique et monétaire d'Occident du concept géo-historique et géoculturel d'Europe : le premier a commencé à s'affirmer depuis 1945 sous le leadership de plus en plus explicite des Etats-Unis, notamment dans ce que la terminologie anglo-américaine appelle Middle East ; le second reste solidaire du précédent, mais avec l'islam des références historiques, intellectuelles et culturelles communes remontant au haut Moyen-Age. On invoque souvent ces références soit au niveau des relations bilatérales entre Etats-nations, soit au niveau de l'Union européenne avec le dialogue euro-méditerranéen inauguré en 1995 à Barcelone. Il y a en outre des relations anciennes de voisinage géographique entre l'Europe méditerranéenne et le monde arabo-turc de l'ancienne Mare Nostrum. Si l'on ajoute l'importance du courant migratoire autour de la Méditerranée, on mesurera mieux l'urgence politique pour l'Union européenne de dépasser le stade des échanges inégaux et aléatoires, sans cesse renégociés avec des Etats peu soucieux de la légitimité démocratique, pour construire une histoire solidaire des peuples, fondée sur le respect strict par tous les partenaires de ces « valeurs » brandies comme l'enjeu suprême des guerres en cours depuis 1945. Une histoire solidaire des peuples Cette solidarité dûment négociée et protégée par les Etats et les peuples qu'ils représentent implique l'inauguration d'une diplomatie préventive consacrée, en dehors des moments de crise aiguë, à la mise en place d'une politique commune de la recherche en sciences de l'homme et de société. Elle suppose la diffusion large des résultats de cette recherche tant par les médias que par un tronc commun du système éducatif pour l'enseignement de disciplines-clefs capables d'apporter des réponses fiables, scientifiquement élaborées, aux problèmes qui ont divisé depuis des siècles des consciences dites civiques, nationales ou religieuses également conditionnées par des historiographies partisanes, mytho-idéologiques et mobilisables à tout moment contre l'ennemi construit de longue date. Car c'est bien cela qui continue de se passer et que l'on continue de travestir par des dialogues inter-religieux, interculturels où l'on ressasse depuis Vatican II et la prétendue décolonisation, des appels moralisants à la tolérance, des déclarations de respect pour les valeurs de l'autre... J'ai assisté à grand nombre de colloques de ce type où l'on a tenu des propos sur les religions qui renseignent plus sur notre ignorance partagée concernant chaque tradition religieuse et davantage encore le fait religieux comme dimension anthropologique de la condition humaine. Seule une histoire solidaire des peuples ainsi esquissée pourra amener la pensée islamique et les musulmans à affronter, pour la première fois de leur histoire, les défis les plus qualifiants de la modernité et à bénéficier des apports universalistes de la pensée scientifique et de l'interrogation philosophique. Car la pensée islamique a régulièrement rejeté jusqu'ici les conquêtes les plus libératrices de la pensée critique moderne ; elle s'est enfermée dans une clôture dogmatique avec une posture agressive contre cet Occident dominateur et sûr de lui tel qu'il s'est effectivement donné à vivre, à percevoir et interpréter par tous les peuples dont il continue de gonfler les imaginaires de la résistance et de refouler dans des refuges ou repaires identitaires. Il est faux d'incriminer ces entités abstraites appelées indifféremment le Coran ou «l'islam» comme une idéologie de combat. Celle-ci fonctionne en fait comme une réaction dialectique aux pressions extérieures sur des sociétés privées, depuis le XIXe siècle au moins, de produire leur propre histoire par un travail de soi sur soi qui ne soit pas interrompu, faussé, réorienté par des volontés de puissances étrangères et ouvertement conquérantes. Une dialectique de la domination, de l'agression politique et culturelle et du contrôle géopolitique d'un côté, de l'exaspération du sentiment de faiblesse, d'humiliation, d'arriération, d'oppression, d'échec de l'autre. On notera que cette dialectique pourtant évidente n'est jamais lue comme telle du côté occidental ; elle est inversée même par des historiens très influents comme Bernard Lewis (1), qui «explique» les attentats du 11 septembre 2001 par des ressorts, des facteurs, des «choix» libres, tous internes à «l'islam» et aux régimes arabes notamment. S'il ne faut jamais omettre de désigner le jeu des causes lointaines et des faits immédiats s'inscrivant dans les structures propres aux sociétés travaillées par le fait islamique, encore faut-il souligner les effets multiplicateurs et les conditions aggravantes des interventions ouvertes de l'Occident depuis la date repère et symbolique de 1492 – la découverte de l'Amérique et l'expulsion des musulmans et des juifs d'Espagne. Il y aurait beaucoup plus à dire sur tous ces contentieux, ces malentendus, ces ignorances cultivées dans les traditions historiographiques ; ces guerres récurrentes où les positions de bourreau et de victime s'inversent radicalement ; ces valeurs invoquées pour réactiver des légitimités obsolètes, alors qu'elles sont trahies ou frappées de dérision par ceux-là mêmes qui les brandissent. Les excès de la passion, de la rage meurtrière, des condamnations réciproques, des rejets radicaux que nous observons partout depuis le 11 septembre 2001 ne laissent guère de place ou d'occasions aux voix et aux témoignages capables d'ouvrir de nouveaux horizons de pensée, de connaissance et d'action historiques, pourtant à notre portée. Une pensée critique qui dispose des outils conceptuels et des postures de la raison nécessaires pour donner un sens et assigner de nouvelles tâches à cette histoire solidaire des peuples libérée des dualismes manichéens et orientée vers le dépassement du Bien et du Mal, du Vrai et du Faux, de l'Elu et du Réprouvé, du Civilisé et du Barbare, des Lumières et des Ténèbres... Mohammed Arkoun, In Le Monde Diplomatique Auteur, notamment, de Que s'est-il passé le 11 septembre ?, Desclée de Brouwer, Paris, 2002. (1) Lire Bernard Lewis, Que s'est-il passé ? L'islam, l'Occident et la modernité, Gallimard, coll. «Le Débat», Paris, 2002.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.