Des partis politiques font de la démagogie leur nouvelle concepti on    Djellaoui ordonne le lancement des projets du secteur pour 2026 dès le début de l'année    Un système d'information fiable, fondement de la sécurité nationale et du développement    Zerrouki rencontre des acteurs clés du secteur des télécommunications et des technologies    Clôture des travaux de la 49e conférence de l'Eucoco à Paris    Génocide à Ghaza : Manifestations à Paris et à Athènes en soutien à la Palestine    Championnats d'Afrique de canoë-kayak : Six nouvelles médailles pour l'Algérie    Surprenante déroute du CR Belouizdad à Brazzaville !    Clôture de la 1re session de la formation pour l'obtention de la licence CAF PRO    Les citoyens préoccupés par la hausse des prix    Ooredoo, accompagne le 1er Congrès international de formation en santé au travail    Ouverture des 9es Journées de chirurgie médicale pour les maladies du genou et de la 1re Journée paramédicale    Vaste programme pour le 12e Festival international du film d'Alger    Le premier exemplaire de Superman vendu pour 9,12 millions de dollars    Malika Bendouda inaugure le 9e Festival international d'art contemporain d'Alger    M. Attaf reçoit son homologue namibienne    Abdelmadjid Tebboune présente ses condoléances à la famille du cheikh Tahir Usman Bauchi, calife de l'ordre Tijaniyya au Nigeria    Importants progrès dans le processus de numérisation    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Dans le bruissement des collines du Rwanda
Publié dans La Nouvelle République le 15 - 04 - 2014

Née au Rwanda où sa famille fut exterminée par les génocidaires hutus, Scholastique Mukasonga vient de publier un recueil de nouvelles qui puise ses sujets dans l'histoire de son pays. Auteur de cinq livres, dont un roman primé par le prix Renaudot 2012, elle vit aujourd'hui en France.
«On ne fait jamais le deuil d'un génocide», aime rappeler Scholastique Mukasonga qui a perdu 27 des siens dans les massacres génocidaires qui ont ensanglanté son pays en 1994. Parmi le million de victimes qu'a fait ce génocide il y avait sa mère Stefania, son frère Antonio, ses neveux, ses nièces.... Elle n'a jamais retrouvé les corps de ses proches, les cadavres qu'on imagine suppliciés, sans doute éventrés à la machette comme tant d'autres avant d'être jetés sans cérémonie aucune dans les fosses communes ou dans les fleuves. Vingt ans après, leur mémoire accompagne à chaque instant la Rwandaise. La compagnie obstinée de ses morts a fait d'elle la grande écrivaine qu'elle est aujourd'hui devenue. Comme Primo Lévi L'auteur de «Notre-Dame du Nil» (Gallimard, 2012) est la première romancière rwandaise... du Calvados, terre normande où celle-ci a élu résidence en 1992. Elle y exerce le métier d'assistante sociale. L'écriture est venue deux ans plus tard, en regardant à la télé le drame épouvantable qui se déroulait dans son pays. C'était comme une montée irrésistible et brutale d'angoisse, du fond de l'inconscient. Elle s'est mise alors à noter des bribes de paroles, des impressions, des paysages, des émotions, bref, tout ce qui lui passait par la tête, de peur que ça s'efface à tout jamais. Un peu «comme Primo Lévi, griffonnant sur les tickets de métro», a expliqué Mukasonga dans une récente interview. Elle, elle a griffonné ses souvenirs dans un cahier d'écolier, sans savoir qu'un jour elle en ferait un livre... des livres. Elle n'était pas encore tout à fait convaincue de ses talents d'écrivain. Ses proches, en revanche, en étaient persuadés, et cela depuis belle lurette. Son père, ne lui disait-il pas qu'elle serait la mémoire de la famille ? Il avait insisté pour qu'elle aille à l'école. Dans ses livres, Mukasonga a raconté que son père savait - inconsciemment bien sûr - que le destin de sa fille cadette n'était pas de tomber sous la machette, mais de perpétuer la mémoire, celle de la famille et de toutes les victimes de la tragédie de 1994. C'est sans doute pour cela qu'il l'avait incitée à s'exiler au Burundi lorsqu'elle fut chassée en 1973 de son école d'assistante sociale de Butare. Cancrelats Aujourd'hui encore, malgré ses 56 ans, la romancière n'a rien oublié de la violence et des humiliations des conflits ethniques qu'elle a connues dès son enfance. En 1960, au nom de la «révolution sociale» qui battait son plein à l'époque, sa famille fut déplacée dans la savane inhospitalière du Bugesera, à Nyamata, par l'administration coloniale belge. Celle-ci avait pris fait et cause pour les Hutus, numériquement majoritaires, qui avaient entrepris d'asseoir leur hégémonie politique avant l'accession de l'indépendance du pays en 1962. La nouvelle République rwandaise fut fondée dans le sang des Tutsis, devenus objet d'un véritable déchaînement de haine. Leur surnom de «cancrelats» (inyenzi en kinyarwanda) date de cette époque. Scholastique Mukasonga a fait le récit de cette période dans «Inyenzi ou les Cafards» paru dans la collection «Continents noirs» de Gallimard, en 2006. C'est un livre à la fois historique et autobiographique, qui marque l'entrée de la Rwandaise dans le monde de la littérature. D'emblée, elle a fait de la mémoire, son thème de prédilection. « Je ne suis pas une intellectuelle, aime-t-elle répéter. Je me sers de l'écriture pour élever un tombeau de papier à ceux qui resteront toujours sans lieu de mémoire». C'est dans cette veine que s'inscrit son deuxième livre «La Femme aux pieds nus» (Gallimard, 2008), hommage à sa mère et à travers elle à toutes les mères courage qui malgré les humiliations du présent trouvaient la force de pousser leurs enfants sur le chemin de l'avenir. Offrande C'est dans ses derniers ouvrages dans lesquels elle quitte pour de bon les rives de l'autobigraphique pour plonger dans les eaux du fictionnel que Mukasonga donne la véritable mesure de ses talents d'écrivain. Prenant ses distances par rapport à ses souvenirs, elle entraîne ses lecteurs sur les voies de l'imagination, notamment dans son beau roman «Notre-Dame du Nil» (Gallimard 2012) couronné par le prix Renaudot. Le microcosme du lycée de jeunes filles que cet ouvrage raconte devient, sous la plume de la romancière, la métaphore du Rwanda avec l'affliction en moins. «L'espace fictionnel m'a permis, explique Mukasonga, d'exprimer ce que je n'aurais pas pu en tant que victime.» Selon la légende, lorsque les tueurs hutus descendaient sur les villages tutsis, les femmes s'habillaient de leurs plus beaux pagnes, avant de partir se cacher dans les marais, leurs enfants dans les bras. Demeurer digne à tout instant, une philosophie que la romancière, fille et sœur des femmes massacrées, a fait sienne, jusque dans ses écrits. Son nouveau recueil de nouvelles qu'elle vient de publier sous le titre à la fois tragique et évocateur de «Ce que murmurent les collines» témoigne de cette dignité que traduisent le style et la voix de la romancière. Une dignité que le lecteur perçoit dès la première page du volume où il est d'entrée de jeu question de bruissement de mémoire, de murmures et de silences. C'est dans le silence nostalgique et distancié que Scholastique Mukasonga explore désormais le temps perdu et jamais retrouvé de son passé. Les six textes de son recueil frappent par leur discrétion, leur sobriété, devenues les marques de fabrique de cet écrivain qui, du fond de son exil normand, construit son œuvre telle une offrande dédiée à la mémoire des siens tombés sous les machettes des tueurs. «Ce que murmurent les collines», par Scholastique Mukasonga. «Continents noirs», Gallimard 2014, 141 pages

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.