Le Centre international pour la justice et les droits de l'Homme – CIJDH, collectif international de quinze ONG, a organisé lundi 8 décembre au Club Suisse de la Presse à Genève, une conférence de presse devant un public clairsemé. Seuls quatre à cinq journalistes de la presse écrite étaient présents et les médias audio-visuels n'ont pas fait le déplacement tant l'événement semblait ne pas être de première importance. D'ailleurs, très peu de questions ont été posées par l'auditoire. Des personnalités arabes connues dans le milieu de la protection des droit de l'Homme ont participé à cette conférence telle Mme Safwa Aïssa, présidente du Centre international pour la justice et les droits de l'Homme (CIJDH), Khaled Aguili, président de solidarité libyenne, Mme Khadidja Nemar, responsable juridique d'Al-Karama pour la région Golfe et Mme Amel Chowa, épouse de M. Amer Chowa, détenu aux Emirats arabes unis. Après les salutations d'usage formulées par Guy Mettan, le directeur exécutif du Club Suisse de la Presse qui s'est très vite éclipsé de la tribune, la parole est donnée à Mme Safwa Aïssa. Sans introduction particulière, elle a dressé un état des lieux des droits de l'Homme au Emirats arabes unis. La présidente du CIJJH les a qualifiés de détériorés et inhumains tant le nombre de détenus, souvent tenu au secret et sans jugement, ne cesse d'augmenter que ce soit parmi les ressortissants émiratis ou de résidents étrangers dans ce pays. «Nous avons organisé cette conférence de presse pour rendre publique la déclaration des quinze organisations des droits de l'Homme qui se sont constituées en collectif en septembre 2014 afin d'attirer l'attention de l'opinion internationale sur ce qu'endurent les 204 détenus d'opinion. Parmi eux 68 émiratis emprisonnés pour avoir critiqué le régime sur les réseaux sociaux ou ayant fait des déclarations critiquant le régime auprès des représentants des Nations unies chargés des droits de l'Homme!» Mme Aïssa évoquera également le cas des disparus qui n'ont plus donné signe de vie et qui semble-t-il sont internés dans des prisons inconnues et non répertoriées pas le ministère de la Justice émirati. Ainsi, elle parlera de deux jeunes Qataris, Youssef Abdul Samad Abdul Ghani Mullah, 30 ans et Hamad Mohammed Ali Hamadi, 33 ans. Ils ne sont plus en contact avec leurs parents depuis des semaines. Safwa Aïssa évoquera aussi le cas de ce jeune émirati Osama Al-Najjar qui a été arrêté et condamné à trois ans de prison pour avoir critiqué le régime sur twitter. Son père, Hussein Al-Najjar a également été incarcéré pour délit d'opinion. «Les Emirats arabes unis sont membres du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU et je suis très étonnée que ce pays ne respecte pas ses engagements internationaux. Il doit d'ailleurs, au plus tôt lever ses réserves sur la convention sur la torture qu'il a signée!». L'auditrice critiquera la dernière loi promulguée par les Emirats en vue dedurcir la lutte antiterroriste. Elle qualifia cette loi d'anti-démocratique puisqu'elle renforce, selon elle, le sentiment de peur et de répression au sein de la population de ce pays. Dans une intervention courte, Khaled Aguili a souligné toute son inquiétude et sa préoccupation concernant l'arrestation de trente ressortissants libyens parmi eux neuf hommes d'affaires au mois d'août dernier. L'ONG Humans Rights est sans nouvelles concernant ces détenus malgré ses demandes officielles réitérées auprès des autorités émiraties. Quant à Mme Khadidja Nemar, la chargée juridique de l'ONG Al-Karama et responsable des affaires concernant la région du Golfe, elle n'a eu aucune hésitation à déclarer que «C'est le règne des services secrets qui dictent au gouvernement émirati les lois et les mesures répressives qu'ils décident sans concertation aucune. D'ailleurs, ces services recourent de plus en plus à la détention au secret et le contrôle systématique de la population!» Pour Mme Nemar, les Emirats arabes unis mènent une politique de répression qui va à l'encontre du respect du droit international en matière de protection et de respect des droits de l'Homme. «Dans ce pays, il existe au moins deux prisons secrètes où croupissent des «disparus». Dans ces geôles clandestines, ils sont interrogés et torturés en permanence. Les «disparus» ne réapparaissent par enchantement qu'après avoir signé des «aveux forcés» qui permettent à la justice émiratie de les condamner à de lourdes peines de prison.» Concernant la dernière condamnation à trois de prison du jeune Osama Al-Najjar pour avoir twitté sur les réseaux sociaux en réaction de la condamnation de son père Hussein Al-Najjar, inculpé dans l'affaire UAE94, Mme Nemar a l'intime conviction que «ce jeune de 25 ans a subi cette lourde peine non pas à cause de son tweet mais parce que il a rencontré Mme Gabriella Nols, le rapporteur spécial aux Nations unies, acte considéré comme impardonnable par les services secrets de ce pays!» A une question d'un journaliste qui relevait que l'ONG Al-Karama instruisait beaucoup de dossiers concernant des ressortissants des Emirats arabes unis et de l'Arabie Saoudite sans grande préoccupation pour les autres pays du Golfe et plus particulièrement le Qatar, pays de la région régulièrement critiqué par le médias internationaux, Mme Khadidja Nemar a répondu «Dans la liste des personnes détenues dans les Emirats arabes unis que nous avons rendu publique, nous citons les noms de citoyens qataris. Mais si vous voulez parler de détenus qataris dans leur propre pays, je citerai à titre d'exemple le cas du poète Mohammed Al-Ajami, alias Ibn Al-Dhib condamné à quinze ans de prison. Rarement notre organisation a été saisie de plaintes circonstanciées venues du Qatar. L'ONG Al-Karama n'instruit ses dossiers à charge que sur des bases objectives et documentées sans se soucier de politique étrangère ou régionale !» Mme Khadidja Nemar terminera son propos en soulignant que la loi antiterroriste promulguée en août 2014 «est une loi qui vise à criminaliser l'action de l'opposition et à la banalisation de la peine de mort. D'ailleurs, la liste des organisations classées comme «terroristes par le Conseil des ministres, non reconnues par le gouvernement de Suède, prouve la volonté du régime à réprimer les voix libres et modérées!» Et en conclusion, elle rappela aux présents que près de 204 détenus se trouvent dans les prisons émiraties et ce, depuis le procès d'opinion du groupe «UAE94», en juillet 2013. A la fin de la conférence de presse, Mme Amel Chowa, épouse de M. Amer Chowa détenu au Emirats arabes unis, a pris la parole et a lu un long discours en anglais pour relater l'histoire de l'arrestation et de l'emprisonnement abusif de son mari d'origine palestinienne et citoyen de nationalité turque.