Avec la mise sous contrôle judiciaire de quatre autres cadres dont un chef de service et un chef de centre qui s'ajoutent aux 21 autres, objet de la même mesure judiciaire, l'affaire de la Société de l'eau et assainissement Tarf et Annaba (Seata), prend une autre tournure. Des responsables centraux dépêchés par le ministre des Ressources en eau dans le cadre d'une enquête interne à Seata ont constaté que l'opération de ravalement du centre de Mexa dans la wilaya de Tarf a été réalisée en totale contradiction avec le code des marchés. Il est également confirmé que les promotions hors normes dont ont bénéficié des agents uniquement pour leur affinité avec le premier responsable par intérim de l'entreprise ou pour «service rendu», il en a résulté d'autres actes anormaux de gestion. Au-delà du détournement de 130 millions de dinars à l'agence de la Ménadia Annaba, de la disparition de 4 500 compteurs d' eau portant sigle Seata, l'utilisation des moyens de l'entreprise à des fins personnelles et, régionalisme oblige, des promotions d'agents totalement illettrés à des postes de responsabilité, il y a aussi des centaines de fuites d'eau non réparées dans les deux wilayas. Et pour cause, les agents chargés de cette mission étaient beaucoup plus préoccupés à réaliser, pour leur profit personnel, de centaines de raccordements illicites d'habitations nouvellement construites sur le réseau de distribution. C'est dire que le détournement des 130 millions de dinars, montant confirmé par les experts, a fait l'effet d'un véritable tsunami. Il était intervenu avec la dissolution de l'entreprise et la réaffectation de plus de 2 300 de ses salariés à l'Algérienne des eaux (ADE). D'autres anomalies de gestion ont été découvertes au fil de l'enquête judiciaire. C'est que, comme s'il s'agissait d'une école où l'on apprend beaucoup plus à détourner les moyens matériels et financiers et à apprendre comment promouvoir des incompétents à des postes de responsabilité, la direction générale avait organisé... l'anarchie. Tant et si bien que des agents et cadres jetèrent leur dévolu sur les compteurs à eau. Importés à coups de milliards, 4 500 de ces compteurs disparaîtront des stocks de la Seata. Les éléments de la brigade économique de la sûreté de wilaya de Annaba en découvrirent des dizaines chez des promoteurs immobiliers privés. D'autres compteurs portant sigle Seata imprimé à chaud, avaient pris la route de la Tunisie. Le volumineux dossier en charge d'un juge d'instruction près le tribunal de Annaba devrait être déposé dans les prochains jours au niveau de la chambre d'accusation. Il est reproché aux 25 cadres dont deux femmes, le détournement de deniers publics, l'utilisation des moyens de l'entreprise à des fins personnelles, trafic d'influence et faux et usage de faux. Même si l'instruction du dossier est achevée, il est difficile au crépuscule de toutes les dépositions de tirer une quelconque conclusion. Le dossier s'enrichira de l'affaire du ravalement du centre de Mexa réalisée par le gérant d'un petit commerce de quincaillerie. Il se serait transformé en peintre et en fournisseur de matériaux de peinture en contrepartie d'une somme qui, normalement, aurait dû imposer le recours à un avis d'appel d'offres. Pour éviter cette procédure, la direction générale aurait sollicité ses unités de Annaba et Tarf. Chacune d'entre-elles devait prendre en charge la moitié du montant de la facture. Des sources proches du ministère à Alger, ont révélé la décision du ministre de procéder à la nomination d'un directeur général ayant siège à Sétif. Ce dernier aura pour mission de superviser l'ensemble du réseau de gestion de l'eau et de l'assainissement des régions de l'Est du pays, notamment à Annaba, Guelma et Tarf qui disposeront chacune d'un responsable local. La démarche démontre la volonté du ministère de tutelle de mettre un terme à la gestion archaïque qui a caractérisé la gestion de la Seata depuis sa création. Il faut dire que le régionalisme a fait long feu avec des promotions à des postes de cadres de gestion d'agents sans niveau intellectuel ou professionnel. C'est le cas de ce jardinier qui s'est retrouvé chef de département et d'un autre tout aussi illettré parachuté chef de centre.