Dans l'interview exclusive qu'il a accordée à l'APS, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a tenu avant tout à rassurer les Algériens, ce qui est une bonne chose dans un contexte où les Algériens sont parfois soumis à un vent de rumeurs mêlées à des analyses qui tendent à ancrer dans l'opinion publique le pessimisme. Notre pays tient bon, malgré «la brutalité du choc qu'a subi l'économie algérienne en pleine reconstruction après deux décennies de récession économique et de troubles sécuritaires». Les prévisions de recettes qui étaient mauvaises ont été confirmées par les résultats des 10 premiers mois de cette année, a fait savoir Abdelmalek Sellal. «Notre pays a vu ses recettes extérieures réduites presque de moitié en quelques mois.» Sellal est affirmatif : «Malgré cela on tient bon !» La preuve en est que l'Algérie dispose d'une marge de manœuvre financière qui lui évite le recours à la contrainte de l'endettement. Il explique cette sérénité par les «décisions courageuses et visionnaires du chef de l'Etat» qui font que les niveaux des réserves de change et des ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR) demeurent corrects. Il s'appuie sur les chiffres qui traduisent mieux que les discours la réalité économique : l'inflation, d'abord, qui a pu être maîtrisée pour se situer à 5% ; les dépenses publiques et les importations, qui ont eu tendance à s'emballer fortement ces dernières années, ont subi des opérations de rationalisation; elles ont connu une réduction de 5%, pour les dépenses publiques (alors que, fait-il remarquer, les ressources ordinaires du budget progressaient de 9,3%) et les importations ont diminué de 11,3%. Par contraste, le Premier ministre cite les crédits à l'économie qui ont continué de progresser (+22,7% par rapport à 2014) et les niveaux de liquidité appréciables, qui ont été maintenus au niveau des banques avec plus de 730 milliards de DA. Concernant la croissance du PIB, il a été pratiquement identique entre 2014 et 2015, pour se situer à 3,8%. Il rappelle que l'objectif pour 2016 est un taux de 4,6% qu'il estime difficile à atteindre, mais tout est fait, ajoute-t-il, pour le réaliser. Les propos rassurants de Sellal ne sont pas destinés, il insiste sur ce point, «à justifier le statu quo ou l'attentisme qui nous serait fatal». Au contraire, «on doit bouger maintenant et ensemble pour opérer la mue de notre économie vers la création de richesses et d'emplois, car même si les prix des matières premières reviennent à des niveaux élevés dans le futur, ils ne suffiront pas à couvrir le développement socioéconomique futur de notre pays». Pour le Premier ministre, la démarche algérienne a ses constantes liées au modèle politique et social qui se résume en une phrase : un Etat souverain dans ses décisions et solidaire des plus faibles. Il n'est pas question, souligne Sellal, de revenir aux années de pénuries ou d'interrompre les projets de développement socioéconomique en cours de réalisation à travers le pays. Il y a des mesures à prendre pour maintenir le niveau de vie des Algériens et leur pouvoir d'achat, alors que les ressources extérieures, tirées de l'exploitation de nos richesses nationales, s'amenuisent. Cela nous impose de «chercher la croissance ailleurs, c'est-à-dire dans la sphère économique réelle où l'entreprise, publique ou privée, est la clé de voûte». Premier enseignement : «Les investissements productifs devront être, dans le futur, réalisés par les opérateurs économiques et non pas par l'Etat qui devra assurer les missions de régulation et de solidarité avec les couches les plus défavorisées de la population.» C'est la voie pour arriver à l'édification de cette économie émergente, dont Abdelmalek Sellal tient à rappeler qu'elle est un élément central du programme présidentiel, «unique référence de notre gouvernement» qui travaille avec une vision globale et cohérente, jusqu'en 2019 avec une réflexion pour l'élargir à l'horizon 2030, souligne le Premier ministre. Dans ce sens, «chaque ministre, sous la coordination du Premier ministre et l'autorité directe du chef de l'Etat, s'attelle à la mise en œuvre de cette feuille de route dans les limites de ses prérogatives sectorielles». Sellal rappelle les fondamentaux de cette démarche, en quelque sorte la «ligne rouge» : le droit de préemption, la règle du 51/49 ainsi que les engagements sociaux des pouvoirs publics. Dans le même esprit, il précise que «les réajustements tarifaires prévus pour les produits énergétiques, ne toucheront en aucun cas les petits consommateurs ou les habitants des régions Sud». Les dépenses de fonctionnement et la bonne l'exécution du budget de l'Etat supporteront les économies à réaliser. Le Premier ministre évoque l'indispensable «unité nationale autour de cette démarche économique de renouveau». Elle est fondée sur la solidarité nationale et sur le dialogue serein et sincère avec tous les Algériens sans exclusion. Le Premier ministre a fini par quelques mots sur la conjoncture marquée par le terrorisme qui confirme «la pertinence des analyses et des positions algériennes sur nombre de sujets tels que le terrorisme, le recul critique sur ce qu'on a appelé le "printemps arabe", le danger de la déstructuration des pays ainsi que l'importance de l'intégrité des Etats et de la souveraineté des peuples loin de toute ingérence». Il rappelle la position de l'Algérie concernant l'assèchement des sources de financement du terrorisme et l'encouragement à l'émergence de gouvernements forts et légitimes dans les pays soumis aux bandes de brigands et de criminels. Quant à l'Algérie, «les autorités concernées par la sécurité nationale et particulièrement l'Armée nationale populaire et les services de sécurité, restent totalement mobilisées et engagées pour préserver la sécurité des biens et des personnes sur l'ensemble du territoire national», conclut Abdelmalek Sellal.