« L'Algeria » était bourré du monde du cinéma, venu découvrir le dernier opus de Sid-Ali Fettar. Entre curiosité et solidarité inter-cinéphile, le fil était ténu. C'est donc à une rencontre festive réalisée le lundi 23 juin 2016 pour la découverte de «Les Tourments» du réalisateur «d'Amour Interdit» que nous avons été conviés et il faut dire que voir le dernier né d'un réalisateur, ici bas, est toujours une rencontre festive. Co-produit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) avec Amine Intaj production avec le soutien du ministère de la Culture (Fdatic), Sid-Ali Fettar aura voulu installer, sur quelques 100 minutes, une réflexion sur une proposition esthétique qui se veut comme un plaidoyer politique et social à travers le cinéma. Il se manifeste pour une saga filmique qui emprunte à la télévision ses codes d'images et de dialogues. D'emblée, on décroche après avoir vu une vingtaine de minutes d'une qualité filmique d'excellence, la caméra est « vivante » elle poursuit de ses ardeurs le visage des protagonistes, se fait savante dans les champs et les contrechamps, et ose dans des contre-plongées intéressantes d'être intimiste malgré une qualité de projection qui laisse à désirer. Ainsi l'intrigue s'installe doucement à travers ce père de famille qui suit de près la destinée de ses enfants, sur le fond allégorique d'une Algérie perdue dans les affres d'une politique d'incurie dont le Climax reste le terrorisme... Dans sa scène d'ouverture, sous l'apparence d'une scène anodine à la plage, une fille nage avec le haut d'un bikini, sa mère elle est en hijab quasiment et sur eux, la vie continue, avec l'épée de Damoclès d'hélicoptères qui veillent au grain. Ce n'est qu'après cela que le film bascule dans la totale désarticulation. Outre une belle image et des prises de vues signées Mohamed Ouadha et Hanafi Layachi et des plans de caméra éloquents, le film se perd dans la surcharge d'informations rédhibitoires et de montage qui frise le malentendu. Hamoud Loukal, le père de famille, est envahi par le doute en ces périodes de vaches maigres et de terrorisme meurtrier, son fils Mahmoud devient terroriste avec son ami, le raccourci est vite trouvé pour le lancer dans la dramaturgie toute timide de Fettar qui en oublie de gérer ses comédiens, les laissant en roue libre, penser qu'ils jouent juste. Le problème, c'est que l'on n'y croit pas une seconde...le rythme du film s'étiole au fil de la narration qui subit les conséquences d'une écriture approximative de Sid-Ali Fettar en compagnie de Lamine Merbah qui donnent un allant poussif à une surcharge d'informations qui, en vrac, veulent installer un point de vue multiple : les femmes étudiantes, les mères éplorées, le terrorisme, la réconciliation nationale, les clichés du plouc qui veut réussir, le terrorisme en collusion avec les hommes d'affaire, le chômage, la sorcellerie, les arnaques à la petite semaine...on s'arrêtera là car «Les Tourments» porte bien son titre tant il décroche le spectateur après vingt minutes d'élaboration laborieuse, faite de dialogues étriqués qui volent à la télévision ses défauts. C'est bien dommage, notre ami aurait pu faire mieux avec l'avalanche de sentiments et de complicités qu'il aurait pu établir avec le regardeur qui ne demande pas mieux que de revoir dans le rétroviseur ce qui s'est passé dans la décennie rouge avec l'assortiment de tourments que l'on a tous vécus et dont on aurait notre effet miroir et notre catharsis. Mais voila, dans la grandiloquence de son propos voulu, Fettar s'est empêtré les pellicules dans un capharnaüm d'images stéréotypées ou une chatte avisée n'y aurait pas trouvé ses petits, au point où l'on s'emmêlait les pinceaux entre les familles, avec des incohérences fondamentales comme montrer des tablettes alors qu'elles n'étaient pas encore d'époque, ou un tueur en plein attentat qui demande à sa proche de saluer ses parents... et tutti quanti. Le réalisateur dans sa farouche volonté de poser des postulats et de tout raconter en même temps sur vingt ans s'est cru dans une saga cinématographique à la Eisenstein alors que, pour « Les Tourments », il ne s'agit que d'une production un peu télévisée et beaucoup téléphonée. Dommage pour les puristes, le scénario et le film tombent à côté dans la nostalgie vieillotte et les clichés éculés d'un manichéisme hélas, hélas très douteux... «Les Tourments», sortie nationale, juin 2016, réalisation Sid-Ali Fettar : scénario, Sid-Ali Fettar, Lamine Merbah, Directeurs Photo, Mohamed Ouadha, Hanafi Layachi, son Mohamed Hadj Naceur, Salah Hirèche, musique Mohamed Rouane, montage Islem Abrouche avec Hamoud Loukal, Younes Laroui, Réda Laghouati, Abdelkader Tadjer, Messaoud Zouaoui...