Et évidemment, Ankara veut absolument remettre le Turk Stream à l'ordre du jour, à propos duquel les discussions reprennent. Ceci dit, Moscou reste prudent, le porte-parole du Kremlin, Peskov, déclarant que la mise en place du gazoduc dépendra des « conditions financières et de la confiance politique ». Car ne nous leurrons pas, Vladimirovitch n'est pas naïf sur la fiabilité de cet électron fou qu'est Erdogan et ne peut faire comme si rien ne s'était passé, ne serait-ce que vis-à-vis de l'opinion publique russe, majoritairement hostile à tout rapprochement avec la Turquie. Relevons au passage une phrase extrêmement intéressante de Peskov : « Gazprom n'est pas resté sans rien faire (pendant le gel du projet), des routes alternatives sont considérées et sont discutées avec nos partenaires européens. » mmm... mmm... Un retour en grâce du South Stream ? Tout cela sera examiné dans quelques jours lorsque les deux présidents se rencontreront à Saint-Pétersbourg (à noter qu'Erdogan choisit la Russie pour sa première visite officielle à l'étranger depuis les événements du 15 juillet). Mais ce qui intéresse Moscou dans l'immédiat, c'est la Syrie. Qu'ils soient trop occupés à purger ou qu'ils aient définitivement abandonné leurs rêves fous (et Poutine va appuyer dessus), les Turcs semblent avoir lâché les coupeurs de tête «modérés», au grand dam de la mafia médiatique. Un rebelle se lamente : «D'habitude, les Turcs sont présents, rencontrant nos chefs, s'occupant de tout, vérifiant que chacun fait ce qu'il a à faire et respecte le plan. Et là, ils sont absents.» Il est vrai que le commandant d'Incirlik et le chef du département Syrie-Irak au sein de l'armée sont parmi les 150 généraux arrêtés. Devrait bientôt suivre le chef des services secrets, Hakan Fide, l'homme qui était en charge du recrutement et de l'approvisionnement des djihadistes. De fait, l'armée syrienne avance irrésistiblement à Alep, désormais complètement encerclée, avec, il faut le noter, la pleine et entière collaboration des YPG kurdes. Des groupes rebelles se débandent tandis que ceux qui résistent dans la ville même sont pris dans la nasse. Dans la province voisine d'Idlib, la guerre civile entre djihadistes a commencé. Et voici que tombe une nouvelle pour Fabius : Al Nosra vient de rompre son allégeance à Al Qaïda et a changé de nom pour paraître plus modéré. Les rats quittent le navire... Bref, même s'il ne faut pas vendre la peau du djihadiste avant de l'avoir tué, ça sent le piment fort pour la rébellion modérément modérée. Comme le résume parfaitement et joliment un opposant : «Nous avions tout parié sur un changement de régime. En réalité, tout a changé sauf le régime.»