L'intérêt national, avant tout    Journée d'information et de sensibilisation au profit des commerçants du détail    « Votre partenaire de confiance pour des études à l'étranger »    Une impérieuse nécessité ou un luxe de confort ?    L'appel d'Antonio Guterres    2e tour des éliminatoires du CHAN 2024    «Tout faire pour nous qualifier à la phase finale»    Hommage au doyen Kaddour M'Hamsadji    Foot /Coupe d'Algérie (U19-garçons) : le CRB renverse le MCA et arrache le trophée    38e Congrès de l'UIPA: les participants appellent à des décisions audacieuses pour relever les défis auxquels la nation arabe est confrontée    Hadj 1446H : départ du premier groupe de pèlerins samedi prochain    Déclarations attentatoires aux symboles et aux constantes de la nation: le dénommé Belghit Mohamed Amine placé en détention provisoire    "Les massacres français du 8 mai 1945 : mémoire nationale et positions internationales", thème d'un colloque international mercredi et jeudi à l'Université de Guelma    Opep+: l'Algérie et sept autres pays annoncent une nouvelle augmentation de leur production pétrolière à partir de juin    La stratégie algérienne de lutte contre le cancer repose sur "la prévention et le traitement"    L'Algérie est une et unie, son identité nationale n'est pas une matière à surenchère    ADE : signature de cinq conventions pour la modernisation des services d'eau    Le président de la République accorde un intérêt majeur à la presse nationale et aux métiers de l'information et de la communication    Le Commandement des Forces navales organise des portes ouvertes sur le Service national des Garde-Côtes    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 52.495 martyrs    1ers Jeux scolaires Africains 2025 : réunion des chefs de mission les 19 et 20 mai à Alger (CASOL)    L'ONU appelle l'entité sioniste à cesser "immédiatement" ses attaques contre la Syrie    Batimatec: tenue de la 27e édition du 4 au 8 mai à Alger    Accidents de la route: 12 morts et 516 blessés en 48 heures    Recueillement à la mémoire des martyrs de l'attentat terroriste du 2 mai 1962 au port d'Alger    CHAN 2024: la sélection algérienne A' à pied d'œuvre à Banjul    Poursuite du stage à Sidi Moussa avec l'intégration des joueurs du CSC    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    Le projet de loi présenté à l'APN    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Présentation à Alger des projets associatifs    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La viticulture dans la wilaya d'Aïn Témouchent
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 02 - 2019

Aujourd'hui, la wilaya d'Aïn Témouchent perd de jour en jour sa réputation de région à vocation viticole car le secteur de la viticulture a enregistré une nette régression pour plusieurs raisons économiques, politiques et de surcroit idéologiques.
Historiquement, les colons européens ont largement investi dans la plantation de la vigne, étant donné que le vin était considéré comme du pétrole rouge. Ils se sont enrichis et devenus de puissants bourgeois ayant une force sur le pouvoir politique et l'administration française. Selon les informations recueillies, le climat semi-aride de la région était favorable à la culture de la vigne, ainsi une superficie de 56 000 ha étant plantée en différentes variétés de raisin dont en très grande proportion en raisin de cuve destinée à la vinification. Le climat sec diminue les maladies cryptogamiques par rapport aux autres spéculations, la vigne, en revanche, est beaucoup plus résistante. On comprend dès lors pourquoi les européens préféraient un hectare de vigne à dix hectares de blé. La production a atteint 500 000 q de raisin produite dans le millier de fermes et destinée aux 420 caves de transformation. La production du vin a avoisinait les 110 000 hectolitres en 1960.
Les principales caves dont on en cite quelques-unes à titre illustratif et non limitatif : Kéroulis, Dufaud, Meyer, Karsenty, Chouraqui, Benatar, Dahom ou la viticoop de Sidi Saïd. Les autres viticulteurs moins aisés se constituaient en coopérative de cave. Pour le seul domaine des Keroulis appartenant à la société Germaine, la récolte en 1960 était d'environ 110.000 hectolitres de vin à plus de 13°C, soit 140.000 q de raisin. Un rendement de plus de 100 q à l'hectare. La moyenne étant estimée à l'époque à 78 q/ha ou 60 hl/ha. Les Keroulis possédaient une superficie de 1.400 ha d'un seul tenant. Grâce à une main-d'œuvre qualifiée et expérimentée, la vignoble arrivait plutôt bien que mal à maintenir la tradition.
La campagne des vendanges, elle seule offrait des emplois occasionnels durant trois mois à tous les Témouchentois et les ouvriers venus de toutes les régions du pays et du pays voisin le Maroc y compris la gent féminine et les collégiens travaillent pour préparer la rentrée scolaire amenant ainsi le taux de chômage à presque zéro, et ce, jusqu'à la fin des années 70. L'odeur de la vinasse se répandait partout jusque dans les maisons des villages témouchentois. Sur le plan économique, la viticulture était un secteur vital très névralgique ayant contribué au développement économique créateur d'emplois et de richesse. Le travail de la vigne embauchait des milliers d'ouvriers dans différentes spécialités à longueur de l'année auxquels s'ajoutent les centaines générés par les caves. Ce qui incite un Français du contingent qui a écrit un volumineux ouvrage sur la vie des paysans de l'arrondissement d'Aïn Témouchent : «La vigne a chassé le blé, elle a chassé le mouton, elle a chassé la forêt et le palmier nain... »
Des lustres durant, le raisin a constitué l'épine dorsale de l'économie locale. On dit même que la plantation du raisin remonte à l'époque romaine. Au lendemain de l'indépendance, la viticulture a changé de maître. Une nouvelle politique de l'agriculture a été intronisée. La nationalisation des terres agricoles et leur attribution à des domaines autogérés. La viticulture a tenu jusqu'à la fin des années 80 avant la réforme agraire et l'attribution des terres agricoles du secteur de l'Rtat aux ouvriers sous forme d'exploitation agricole collective (EAC) puis individuelle (EAI). Les nouveaux exploitants agricoles avaient la liberté de gestion. Alors a commencé l'arrachage massif des cépages. Et le plan national de développement agricole n'était pas respecté plutôt ignoré..
Il est à souligner que cette période a coïncidé avec la montée de la mouvance islamique et la naissance de l'islamisme politique. Un expert agronome de la région affilié un parti nationaliste a conféré : «La viticulture était une grave erreur parce que la production du vin est interdite dans notre religion musulmane. En principe cette terre devrait être exploitée selon nos valeurs culturelles et religieuses. La céréaliculture est une meilleure solution. Alors si elle est exploitée comme le veut le schéma technique, elle créera des richesses et des emplois à longueur de l'année et peut supplanter la vinification.»
Il est à rappeler l'impact effectif des fetwas portant interdiction la production du vin, sa consommation et sa commercialisation. Par conséquence, les exploitants agricoles ont reconverti d'intenses superficies de vignes en céréaliculture ou dominent les diverses variétés de céréales dont le blé dur pour lequel l'état a injecté de budgets colossaux pour le soutien des agriculteurs. Le pays fort de la manne pétrolière et privilégiant l'industrie ne tarda pas à sacrifier les ceps de vigne sur l'autel de la politique. Les opérations d'arrachage finiront par réduire à sa portion congrue le secteur de la vinification. Des millions d'hectares de cépage furent reconvertis en champs de blé, particulièrement dans les anciens fiefs de la colonisation comme la Mitidja(Centre) ou le Souf-Tell (Ouest). Et des caves furent démolies purement et simplement. La campagne des vendanges a presque disparu et ne dure qu'à peine une semaine. La région d'Aïn Témouchent plus que toute autre, dut subir de plein fouet une décision qui s'avérera par la suite infructueuse, voire ruineuse.
Le pays fort de la manne pétrolière et privilégiant l'industrie, ne tarda pas à sacrifier les ceps de vigne sur l'autel de la politique. Les opérations d'arrachage finiront par réduire à sa portion congrue le secteur de la vinification. Des millions d'hectares furent reconvertis en champ de blé, particulièrement dans les anciens fiefs de la colonisation comme la Mitidja ou le Souf-Tell
A l'aube de l'année 2000, un nouveau plan national de développement agricole(PNDA) mis en œuvre au niveau local a préconisé la réhabilitation de la vocation viticole de la région. L'Etat algérien a encouragé les agriculteurs avec un soutien financier et la vulgarisation technique en plus des facilités pour l'acquisition du matériel et machines agricoles. Ainsi, lorsque la replantation fut décidée, le potentiel vitivinicole avoisinait les 9.000 ha.
Les moyens de transformation de leur côté, tels que les caves, quand elles ne furent pas cédées aux puissants qui les ont revendues à coups de milliards, se trouvaient dans un état de délabrement très avancé. Les opérations de plantation entre 2.000 et 2.005 touchèrent près de 2.500 ha de terre pour la vigne de table et 15.000 ha pour ce qui concerne la vigne de cuve dont l'extension s'est faite en priorité dans les zones de piémonts (Berkeche, Hassasna, Aoubellil) afin de réhabiliter le label VAOG. (Vin d'appellation d'origine garantie). Le potentiel viticole en place a été évalué à 24.909 ha contre 97.160 ha pour les céréales. La campagne de vinification mobilise une vingtaine de caves, compte tenu des déboires vécus par la corporation des viticulteurs, les prévisions ont été revues à la baisse. Moins de 200.000 q, il y a dix ans.
Dérisoire par rapport aux premières années de l'indépendance. Pis encore la moindre quantité de vin produite ne trouvera pas d'acheter et par conséquent le vin est reste stockée dans les caves. Les transformateurs prives de raisin de cuve ont abandonné le terrain. Le PNDA (plan national de développement agricole) a permis donc de replanter une superficie de près de 16.500 hectares. Un autre coup blessant, l'acheteur potentiel l'Office national de commercialisation du vin (ONCV) refuse désormais de prendre le raisin jugé de mauvaise qualité, entre autres la variété «Merseguerra» qui a pourri sur pied dans certaines zones, faute d'acquéreurs. Les deux autres espèces Alicante et Cinsault occupent également des superficies sans commune mesure avec les besoins de l'encépagement vu les normes admises dans l'élaboration des vins d'assemblage.
Les cépages dits double fin sont actuellement prédominants à hauteur de 60% alors que leur valeur organoleptique est infime. Ils n'entrent dans la composition du vin que pour ajouter du volume, mais les viticulteurs soucieux d'abord de rentabilité l'écoulent frais sur le marché. Une précaution inutile puisque la surproduction a fait chuter les prix. Les vinificateurs s'étant montrés plus exigeants. Les nouveaux cépages tels que le Cardinal, Merlot, le Pinot ou le Cabernet Sauvignon réputés plus savoureux, sont enlevés à des tarifs plus intéressants. En définitive, la mort programmée du vignoble risque d'ôter à la contrée une de ses richesses historiques.
Les conditions de vinification du raisin ne sont plus les mêmes qu'il y a trente ans car le fait de jouir d'un micro- climat ne suffit plus, empêche le sucre dont le raisin algérien est particulièrement riche, de se transformer en alcool. Dans ce cas-là, certains ajoutent du sucre pour élever le taux d'alcool ou pratiquent le mouillage des vins quand ceux- ci affichent plus de 12°. Le cep de vigne, en outre, n'est pas gourmand en eau, un minimum de 350 mm par an et une pluviométrie idéale se situe entre 600 et 650 millimètres/an. Autre atout surprenant, la sécheresse pallie par deux avantages, primo elle augmente la teneur en eau du raisin, et secundo elle diminue les maladies et donc des frais de traitement préventifs du vignoble. La vigne a aussi la caractéristique de puiser, grâce à ses racines profondes, dans les réserves d'eau que ne peuvent atteindre ni le blé ni l'herbe.
En aval, il faut savoir que les caves ont besoin de beaucoup d'eau à la fin de l'été. Finalement, le développement de n'importe quelle filière agricole demeure l'affaire des agriculteurs, de leur volonté de prendre en compte les aspects novateurs, conditionnant la production dont ils sont les principaux responsables. Cette dimension technique a été à l'évidence mal appréhendée par nos fellahs et peu encouragée par les pouvoirs publics qui se sont limités à délivrer des aides. D'autres considérations d'ordre politico-religieuses ont probablement influé sur l'état de rabougrissement de la vini-viticulture, en accusant les services agricoles d'avoir imposé des cépages non conformes, les viticulteurs ou du moins certains d'entre eux, ont trouvé un alibi à leurs velléités pour masquer la finalité des aides consenties ou simplement faire l'impasse sur une question qui dérange leur spiritualité.
Ils se sont rabattus sur le raisin de table, notamment le dattier et le cardinal, vendus actuellement au prix de 300 dinars le kg, pour augmenter leurs bénéfices sans trop d'efforts. Et dire que durant la période faste du vignoble la majorité des autochtones n'achetaient pas leur raisin. Il suffisait d'aller le cueillir ou d'attendre le passage des remorques qui sillonnaient la contrée pour remplir le petit panier «cabasso». Cette situation a suscité la réaction des économistes. La grande superficie agricole a été allouée à des exploitants agricoles qui ne veulent pas investir car ils sont persuadés qu'ils sont que des locataires pendant une durée de 40 années, selon le système de concession des terres agricoles. La plupart d'entre eux n'ont pas la culture, le profil d'agriculteur. Pour cette raison, ils se contentent de semer les céréales et rester chez soi ou dans les cafés. Pis encore, l'Etat n'a pas imposé un plan de culture qui soit rigoureusement suivi par l'ensemble des partenaires de l'agriculture.
Mais la grande interrogation demeure posée. Peut-on se passer du vignoble ? Si c'est oui, il est temps alors de se mettre à niveau pour devenir concurrentiel et tirer le maximum du raisin et de ses dérivés. Dans le cas contraire, il faudra repenser la stratégie préconisée et réfléchir sérieusement à un substitut de la vigne. Actuellement, la viticulture enregistre un important tournant de son histoire. Elle n'est plus considérée comme une richesse du bled.
Victime des atermoiements des politiques, plombée par les tabous culturels, la vigne a du mal à se refaire une santé dans cette contrée témouchentoise au sein de laquelle elle entretenait pourtant des rapports intimes avec la population. Le chômage a pris une pente inquiétante avec la régression de la viticulture et la vinification, beaucoup d'emplois au même titre de l'industrie base des produits vitivinicoles tels que les alcools, les vinaigres, les engrais, sont dissipés.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.