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Citoyenneté à la quête d'un Etat stratège
Publié dans La Nouvelle République le 29 - 05 - 2019

Le Hirak n'est pas un long fleuve tranquille. Il est sorti avec des revendications minimalistes (démission de Bouteflika) pour aller vers d'autres maximalistes cette fois (Dégagez-les tous !) par une technique d'envahissement, comme un cours d'eau dépasse paisiblement son lit sans jamais sortir des limites de sa crue habituelle, de sa Nation. Quel est le politiste qui aurait théorisé un tel rapport démocratique d'abord de rejet puis d'appropriation suivi d'une remise en cause, enfin de dépassement, le tout en une seule séquence temporelle de processus électoraux qui seront par la force des choses désormais compris non pas comme des modalités rituelles démocratique vides de sens mais comme une des conditionnalités constitutives d'une substance démocratique pleine et entière ? Le «Hirak» rentre dans la transition par une modernisation d'ordre politique puissante avec le surgissement non pas d'un peuple mais de citoyens et des représentations qu'ils se font de l'Etat. Force donc est de constater que le «Hirak» met en demeure ses élites civiles (partis politiques, associations syndicales) et militaires de se hisser au niveau de la modernité vertigineuse auquel il vient, par une de ces étranges accélération de l'histoire, d'accéder.
La transition politique est un processus qui se fiche éperdument des formes juridiques car elle est un phénomène avant tout d'essence politique porté par des changements sociaux profonds qui traversent toute la société algérienne sur le temps long. Ceux qui exigent de sortir de la Constitution, sous le prétexte fallacieux, que cela serait une condition commandant la transition, ne veulent pas voir que cette dernière est depuis longtemps inscrite dans la Nation, se posant avant toute chose comme un rapport social et politique entre le «Hirak» et ses élites dirigeantes civiles et militaires. La transition n'est pas formelle, elle est réelle et procède de la conviction intime, pour ainsi dire vécue, chez chaque algérien de tourner la page d'une histoire de l'Algérie indépendante et d'en ouvrir une autre. Cette opinion est forgée tous les jours par les évolutions de la société qui ont connu une phase de densification qualitative en raison de la massification de l'éducation et tout particulièrement celui de l'enseignement supérieur (chaque Wilaya ou presque possède son université), très largement féminin puisque 65% des étudiants diplômés sont des femmes. Des lors, il n'est guère de surprise à mesurer des évolutions sociales induites par une force productive féminine diplômée à défaut d'être qualifiée, qui cherche à concilier intégration au travail et obligations familiales posant de facto la question essentielle de l'élargissement de la sphère productive, contrainte par une économie outrancièrement rentière. Dans certaines sociétés paysannes, la pression démographique a pu être à l'origine d'innovations technologiques qui ont permis une élévation de la modernisation de l'ensemble de la société. Dans d'autres sociétés, la rareté de l'eau, a poussé à une modernisation des rapports sociaux vers des formes d'égalité inconnues jusque-là en raison des nécessités d'un partage équitable de cette denrée synonyme de vie. Dans le cas de l'Algérie, ce sont les pressions démographiques alliées à l'élévation des connaissances générales de la société concomitantes de la décroissance des revenus pétroliers par capita qui sont les facteurs déclenchant des modernisations en cours. Ce sont donc ces facteurs permanents à l'œuvre qui obligeront à mieux partager la décision politique avant de mieux distribuer la rente pétrolière comme ces berbères Zénètes d'Adrar ont inventé les fogaras de la vallée du Touat pour irriguer leur identité d'un cachet unique marqué par l'équité de leurs rapports sociaux, basés sur le principe de chacun selon ses besoins dans la distribution de l'eau, issu du consensus social démocratique qui leur était propre. Il n'est guère besoin d'aller chercher loin l'inspiration de réformes à venir dans les domaines politiques et sociaux lorsque de tels modèles, dont la survivance est encore vivace, rappellent à l'ordre les élites politiques et militaires en demeure de donner des réponses sur le long terme aux interrogations de la Nation. Aux côtés des facteurs permanents de la modernisation de la société, il y a également des facteurs conjoncturels qu'il ne faut pas négliger. En raison d'une très longue histoire de lutte radicale contre le colonialisme, dont la diplomatie fut une composante décisive, le Peuple algérien a acquis des réflexes innés en rapport avec la conjoncture internationale. Les guerres américaines contre l'Irak et la grande émotion provoquée par la chute de Saddam Hussein en particulier en Algérie, la descente aux enfers de la Syrie rappelant les affres de la décennie noire, l'éclatement de la Libye voisine sous les bombardements de l'OTAN, l'intervention néocoloniale de la France au Mali, arrière-cour de l'Algérie, la guerre américano-saoudienne contre le Yémen et ses tribus de longue civilisation le tout couplé à l'immobilisme d'une diplomatie autrefois brillante mais aujourd'hui paralysée par un AVC sont autant de facteurs internationaux, suffisamment inscrits dans le temps pour apprendre au Peuple algérien que reformer chez soi était une nécessité urgente s'il ne voulait pas connaitre le sort des Nations Arabes qui ont fait de la Palestine une cause centrale de leur politique étrangère. Comment expliquer autrement la présence permanente du drapeau palestinien dans toutes les manifestations du «Hirak», dans toutes les villes du pays, que par un degré de conscience particulièrement élevé des rapports de force internationaux ? De la naissance de l'individu…. Le «Hirak» n'est pas le Peuple, ce héros au sens que le FLN a longtemps voulu lui donner, niant dans la même foulée, pour des raisons idéologiques liées à la confiscation du pouvoir les différenciations multiples qui sont les siennes et les dynamiques contradictoires qui le traversent. Le «Hirak» ne relève pas de cette catégorie car il n'englobe pas, quelle que soit l'image qu'il donne de la multitude, tout le peuple. Le «Hirak» n'est pas non plus une catégorie sociale, exprimant des revendications corporatistes ou intéressées car en réalité il les inclue toutes à l'exception des voleurs qui ne se résolvent pas à débarrasser la table de la rente pétrolière. Le «Hirak» n'est pas seulement l'expression d'une génération mais de toutes les générations et ne se vit pas seulement à Alger mais dans toutes les villes et bourgades du pays. Le «Hirak», c'est une somme impressionnante d'individus unis autour d'un seul mot d'ordre qui se résume parfaitement par « Système dégage ! ». Le «Hirak», c'est la naissance de l'idée nouvelle de la personne revendiquant son existence autonome en tant qu'agent plus social qu'économique en raison des spécificités liées a l'économie rentière qui n'établit de rapport d'inégalités que dans la sphère de la distribution mais aussi l'éclosion du citoyen exigeant ses droits politiques pour qu'enfin la part de développement économique et social qui lui est du ne lui soit plus subtilisé par l'accaparement des retombées de la rente par quelques-uns aux détriments de tous. Le «Hirak», c'est un mouvement d'expressions individualisées comme le soulignent, le port des jeans déchirés des jeunes gens, les coiffures les plus improbables des jeunes hommes, jusqu'aux hidjabs colorés harmonieusement assortis aux tenues vestimentaires voire aux rouges à lèvres et ongles des jeunes filles ! C'est un immense lieu du « moi » traduit par le nombre impressionnant de petites affichettes, chacune exprimant un état d'âme très personnel voir des messages plus en rapport avec une aspiration relative aux droits des individus qu'avec l'actualité politique brûlante du moment, comme celle-ci sur laquelle on pouvait lire, « Chéri, je demande le divorce », dans une claire allusion au Code de la famille, maintenant inadapté aux évolutions de la société et des mœurs. En réalité, ce qui est dépassé, c'est le système juridico-politique dans sa globalité qui n'est plus en adéquation avec une société vivant plus dans le Monde sous sa forme numérique ou réelle grâce à la massification du transport aérien que dans la Nation qui se lamente d'occasions de déplacements longtemps limitées par la situation sécuritaire du pays mais aussi des territoire se réduisant très souvent aux visites de proximités géographiques et/ou familiales pour un pays dont la taille est…continentale qui a oublié de développer loisirs et tourisme. Ainsi le «Hirak» met en demeure l'Etat, de répondre à des aspirations irrépressibles dont le moteur essentiel est constitué par la mondialisation et ses corollaires de mobilités plurielles dont le téléphone portable est le symbole le plus emblématique. Aussi, il est vain de chercher dans le «Hirak» une quelconque représentation ou structuration qui est aux antipodes de sa nature profonde, travaillé qu'il est par des phénomènes d'individuation aussi bien philosophiques que sociaux qui ne sont pas prêts de s'apaiser. Il n'y a qu'à mesurer le succès d'une chanson comme celle de Soolking (Liberté), aux textes pourtant peu évocateurs si on osait la comparaison avec cet autre hymne à la liberté, celui de George Moustaki dont la fulgurance poétique le place au Panthéon des interprétations du genre, pour en prendre une pleine conscience. …à celle d'un Etat stratège Le «Hirak», parce qu'il place l'avis individuel au centre de ses préoccupations, constitue le meilleur levier de la modernisation des représentations politiques que se donnera le pays dans des processus en cours que personne ne peut plus arrêter. Cependant, cette modernisation de la représentation politique qu'elle devienne après des débats adéquats, présidentielle, semi-présidentielle ou parlementaire représentera une partie de la solution seulement, celle qui permettra aux citoyens de prendre la mesure des efforts qui leurs seront demandés dans un très proche avenir. En effet, il ne suffira pas d'aller vers des systèmes démocratiques pour répondre aux besoins anti-rentiers de la société car l'on ne peut plus se contenter d'imaginer des futurs dont l'intimité avec le présent rentier n'augurerait rien de bon. De même que la réunification des directions militaires et du renseignement - cette dernière enfin soustraite d'une position la plaçant en force d'appoint décisive voire arbitrale - sous une seule autorité est pleine d'une promesse de rapports plus apaisés entre les dimensions civiles et militaires de l'exécutif, participant avec les effets continus de la professionnalisation, à une nouvelle configuration des forces armées au sein de l'architecture institutionnelle en formation, il est désormais incontournable de réactiver le Ministère du Plan. En effet, on ne saurait sortir de l'économie rentière sans volontarisme étatique. Ce Ministère du Plan, dont il faudra nous expliquer les tenants et les aboutissants de sa liquidation qui s'est déroulée de manière parallèle au blocage de toute initiative permettant la valorisation de nos hydrocarbures, par des forces réactionnaires au sein de l'Etat, faisant de l'exportation du Nafta et de l'importation des carburants un commerce privé, doit à
nouveau être la pépinière de cadres de grande qualité qu'il était , pour présider aux impulsions de directions nécessaires, à une économie sous influence de puissants intérêts tant internationaux que locaux. Lorsque nous aurons dépassé la phase de reconfiguration politico-institutionnelle, désormais acquise au vu des processus de reclassements politiques et sociaux en cours, l'essentiel sera devant nous. La transition politique échouera si elle ne trouve pas de prolongements dans une transition économique qui appelle non seulement à une marche forcée et déterminée de reformes structurelles trop longtemps retardées par des forces rétrogrades rentières au sein de l'appareil politico-militaire mais aussi guidée sur le plan conceptuel par un Plan travaillant en étroite relation avec les secteurs publiques et privés et mise en œuvre par une transition énergétique intimement liée à une réforme fiscale organisant le transfert des rentes externes vers des rentes internes avant que nous ne soyons obligés de le faire par une finance internationale qui n'attends que cela pour contraindre la Nation. Le chantier est colossal et il ne pourra réellement être entrepris de manière sérieuse et systématique que si les institutions issues de la phase révolutionnaire que nous traversons sont marquées d'un sceau démocratique avéré, faisant du citoyen le décideur lors d'élections définitivement sincères. En effet nous avons encore devant nous deux à trois ans avant d'être contraint à des reformes dures socialement mais inéluctables. Il vaut mieux donc affronter la crise politique maintenant et la régler de manière satisfaisante, puis aborder la crise économique à venir plutôt que les deux en même temps, ce qui dépassera les capacités de notre jeune Etat.


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