Le 8 avril 1871, Cheik Belhaddad, de son vrai nom Mohamed Ameziane Belhaddad, déclarait l'insurrection générale contre le colonialisme français, un samedi, jour de marché lors d'un imposant meeting populaire durant lequel il a harangué la foule en appelant à porter les armes pour bouter l'occupant hors du pays.«Nous allons le (l'occupant) jeter à la mer, comme je jette ma canne à terre», s'était-t-il écrié alors en joignant le geste à la parole, provoquant un délire d'enthousiasme, qui a vite fait écho dans toutes les montagnes environnantes et au-delà. Partout en effet, outre la vallée de la Soummam, les Bibans et le Djurdjura, l'Algérois, le Constantinois et les Aurès ont tous fait chorus pour rallier la cause et livrer bataille. Une armée de 200.000 hommes s'est alors levée, selon l'historiographe, Idir Hachi, qui, dans son livre «1871, une levée en arme pour l'honneur de la patrie» (2021), portant des coups sévères à l'armée coloniale, ébranlant notamment ses convictions quant à la pacification du pays. La révolte générale qui s'en était suivie apportait la preuve que la résistance gagnait en vigueur et n'en était que le prolongement de celles l'ayant précédée, notamment celle de l'Emir Abdelkader (1832-1847), des Zaâtacha (1849), de la Dahra (1845), de Fadhma N'Soummer (1847) et Ouled Sid Chikh (1864) dont l'avènement successif traduisait de façon éloquente le refus populaire de la présence coloniale en Algérie. L'engagement de Cheikh Belhaddad n'en a été que l'expression vive, proclamé pourtant à un âge avancé, à 80 ans, et sans avoir l'expérience militaire requise. Il était un chef spirituel, chef de la confrérie Rahmaniya, mais n'a pas hésité à appeler au port des armes sachant que l'entreprise allait être rude et dramatique. «Ça va être une énorme épreuve (El mahna tamokrant), mais on va y faire face», affirmait-il, convaincu de réussir. Pour mener à bien son projet, il s'est appuyé sur la fougue et la conviction de ses deux enfants, El Aziz et M'hand, qui l'ont résolu à précipiter la lutte armée et surtout, El Hadj-El-Mokrani, déjà au front depuis le 15 mars à la tête de 15 000 hommes. Le soulèvement a duré presque 12 mois, mais s'est soldé par des représailles inouïes, matérialisées par d'amples tueries et assassinats, la mise à feu de dizaines d'exploitation agricoles et les déportations de centaines de personnes vers les bagnes de nouvelle Calédonie dont ses deux enfants, selon l'historien Charles Robert Ageron Arrêté en juillet 1871 à Seddouk, Cheikh Belhaddad a été emprisonné d'abord à Béjaïa (Bordj-Moussa) puis au «Coudiat» à Constantine où il a été jugé et condamné à 5 ans de prison, malgré son état convalescent et son âge. Il rendit l'âme au bout de quelques jours d'incarcération et fut enterré à Constantine. Son corps a été réinhumé en juillet 2009 dans un mausolée à Seddouk, qui lui été spécialement dédié.