Tébessa, ville frontalière marquée par son histoire et sa résistance, a vécu l'une des périodes les plus sombres de la guerre d'indépendance algérienne sous l'emprise des sections administratifs spécialisés (SAS) et des dispositifs opérationnels de protection (DOP). Entre 1955 et 1962, ces structures mises en place par l'armée coloniale française ont exercé un contrôle implacable sur la population, transformant certains quartiers en véritables centres de terreur. Les SAS, implantés à Bir Mokhadem et El Malabiod étaient présentés comme des postes administratifs chargés d'apporter assistance et développement aux populations rurales. Mais derrière cette apparence se cachait un rôle bien plus sinistre. Ces structures servaient de centres de renseignement, où les officiers des affaires algériennes (OAA) réalisaient des enquêtes, souvent sous la contrainte et la torture, afin d'identifier les maquisards du FLN et leurs sympathisants. Des témoignages d'anciens habitants racontent les pressions exercées sur les villageois, soumis à des interrogatoires incessants, forcés parfois à collaborer sous la menace de représailles. Les mouchards et informateurs recrutés sous la menace faisaient partie du système, accentuant le climat de suspicion et de peur. Si les SAS étaient perçus comme des centres de renseignement, le DOP, installé à Tébessa, dans le quartier du faubourg Saint-Germain, était quant à lui, craint pour sa brutalité. Cet ancien bâtiment militaire, transformé en base opérationnelle, est resté dans la mémoire collective comme un lieu de torture et de supplice. Des résistants y étaient conduits, souvent enlevés sans explication, puis soumis à des interrogatoires extrêmement violents. Les méthodes employées incluaient électrocution, simulation de noyade, passages à tabac et autres formes de sévices destinées à briser les prisonniers et les forcer à dénoncer leurs camarades. Les familles des détenus vivaient dans l'angoisse, certaines ne revoyant jamais leurs proches disparus dans les cellules du DOP. « C'était un enfer sur terre. Chaque nuit, nous entendions des cris. Beaucoup n'en sont jamais sortis », se souvient un ancien résident du quartier. Avec l'indépendance en 1962, ces structures ont été démantelées, mais leur souvenir reste vivace dans la mémoire des Tébessiens. Les sites où se trouvaient les SAS et le DOP sont aujourd'hui des lieux ordinaires, mais leur histoire est encore racontée par les anciens qui ont vécu ces années de souffrance. Alors que l'Algérie célèbre chaque année son indépendance, le devoir de mémoire s'impose pour que ces tragédies ne sombrent pas dans l'oubli. Des initiatives locales visent à documenter ces pages sombres, afin que les générations futures puissent comprendre les sacrifices et les douleurs de leurs aînés. Aujourd'hui, à Tébessa, l'histoire des SAS et des DOP demeure un chapitre marquant du passé colonial. Il rappelle les souffrances d'un peuple qui, malgré la répression et la violence, n'a jamais cessé de résister pour reconquérir sa liberté.