S'il fallait une preuve de l'inutilité des syndicats et de l'inanité de leurs modes d'action, elle nous est administrée par le nouveau Premier ministre, le camarade Sébastien Lecornu. À lui seul, sans tambour ni trompette, sans tapage ni tapinage, il a réussi à culbuter la réforme des retraites. À peine nommé à Matignon, le camarade Lecornu, sans disposé d'aucune carte d'adhérent syndicale ni de bataillons de militants syndicalistes, a imposé la suspension de la réforme des retraites à Macron. Or, aussitôt annoncée et officialisée, les syndicats se sont empressés de s'attribuer la paternité de cette suspension. «C'est une vraie victoire pour les millions de travailleuses et travailleurs qui se sont mobilisés et ont exprimé leur refus», a déclaré avec aplomb la CFDT. Pour sa part, la CGT, dans un tract diffusé sur son site, affirme avec impudence : «Grâce aux millions de manifestant.es, une première brèche dans les 64 ans, continuons vers l'abrogation !» Contrairement à ce qu'affirment ces deux centrales syndicales, la CFDT et la CGT, leurs mobilisations n'ont obtenu aucune victoire. Elles n'ont abouti à ouvrir aucune brèche. En 2023, les syndicats ont certes mobilisé leurs troupes durant plusieurs mois, mais c'est pour organiser la défaite du mouvement social contre la réforme des retraites. Hormis les journées d'inaction stériles et inutiles organisées durant six mois, programmées machiavéliquement jusqu'à épuisement des participants et, surtout, écœurement des indigestes manifestations, aucune autre méthode de lutte offensive et combative n'a été mise en œuvre pour faire plier le gouvernement Macron. Excepté les sempiternelles processions liturgiques et carnavalesques, les multiples pétitions, la parlementarisation de l'action ouvrière objectivée par les supplications obséquieuses adressées aux députés pour voter contre la réforme ou pour la mention de censure, ou les objurgations révérencieuses formulées à Macron pour le supplier de renoncer à sa réforme, aucune autre alternative de lutte n'a été suggérée ni imposée par les militants et protestataires cornaqués par la camarilla syndicale : pas d'Assemblées générales souveraines et décisionnelles, pas de coordinations, pas d'extension de la lutte à l'ensemble des secteurs industriels, administratifs et tertiaires. Il ne pouvait pas en aller autrement avec les syndicats d'Etat. Par crainte d'une «explosion sociale» et de «débordements», comme n'ont cessé de le marteler les pompiers dirigeants syndicaux viscéralement attachés à la défense de l'ordre bourgeois, l'intersyndicale a employé les vieilles méthodes de mobilisation en pointillés, incarnées par les fameuses journées d'action réitérées à intervalles éloignés, et par les fumeuses « grevettes » (portions de grèves) renouvelables » dans quelques secteurs isolés. Autrement dit, la même tactique épuisante et démoralisante, employée depuis des années lors des précédentes luttes, à l'origine des cuisantes défaites. Cette tactique de l'intersyndicale permet d'une part d'éviter les «débordements» de la lutte ouvrière, c'est-à-dire de neutraliser tout surgissement d'une authentique lutte de classe entraînant l'ensemble du prolétariat contre les capitalistes et leur Etat, d'autre part d'atténuer considérablement les dommages causés à l'économie bourgeoise. En six mois de mobilisation, jamais l'éco nomie n'a été réellement bloquée par des grèves ou occupations d'usine. En revanche, avec la complicité de la police, les syndicats ont délibérément orchestré les «débordements» de violences, pour discréditer la lutte ouvrière (associée à la violence), dissuader les manifestants, notamment des familles, à se joindre au mouvement de révolte (par crainte de la violence). Ainsi, les syndicats d'Etat organisent non seulement les défaites, mais orchestrent également les violences, commises par leurs compagnons de cortège, les black-blocs, ces spécialistes de la dégradation des biens comme les syndicalistes sont spécialistes dans la désagrégation des luttes ouvrières. Les premiers flambent les poubelles, les seconds jettent à la poubelle la lutte authentique prolétarienne. Cela étant, l'orientation pusillanime de l'intersyndicale est inhérente à la caractéristique sociale bourgeoise à la camarilla syndicale elle-même. Fondées sur la collaboration de classe, les organisations syndicales, légalistes et pacifistes, s'attachent systématiquement à démontrer leur respectabilité et loyauté capitalistiques par leur opposition à toute lutte qui ne s'intègre pas dans les principes du «dialogue social», ne respecte la «paix sociale», c'est-à-dire l'ordre établi bourgeois. C'est la raison pour laquelle ces appareils d'encadrement des salariés sont vraiment des organisations bourgeoises machiavéliques et scélérates. La preuve. Plus de six mois de mobilisations cornaquées par l'intersyndicale, caractérisées par l'absence totale de toute contestation des orientations programmatiques et méthodes d'organisation syndicale, auront accouché d'un 49.3, puis d'une doléance de médiation, enfin d'une validation de la réforme par le Conseil constitutionnel. Assurément, les caciques des syndicats d'Etat ont su intelligemment contrôler le mouvement de contestation, le manœuvrer, avec la contribution et la complicité des partis gauchistes, notamment la NUPES. Le long mouvement de contestation contre la réforme des retraites aura confirmé, si besoin est, la fonction contre-révolutionnaire des syndicats. Les syndicats organisent systématiquement l'échec des luttes des travailleurs. Le défaitisme est leur marque de fabrique. La fabrication des défaites est l'activité professionnelle des syndicats. Dans ce secteur du défaitisme ils excellent par leur technicité capitularde. Tout syndicat, appareil d'Etat d'encadrement et de contrôle des travailleurs, pour qui le sabotage de la lutte des ouvriers et le sabordage de l'émergence révolutionnaire constituent ses activités essentielles, ne peut, par définition, remporter quelque victoire, comme toute l'histoire du syndicalisme du 20ème siècle nous l'enseigne. Non seulement ils organisent systématiquement les échecs par leurs méthodes de lutte défaitistes, mais, en agents policiers de l'Etat, avec leur logique sécuritaire, au nom du pacifisme et de la défense de l'ordre établi, ils fustigent et condamnent les travailleurs désireux d'adopter des modes d'action de lutte radicaux. C'est-à-dire révolutionnaires. En tout cas, la suspension de la réforme des retraites par le camarade révolutionnaire Sébastien Lecornu vient, à point nommé, rappeler au prolétariat de France que, pour mener une lutte de classe victorieuse contre les classes dirigeantes, les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Et non sur la camarilla syndicale. Ou, pour le moins, ils peuvent dorénavant compter sur leur nouvel allié, le camarade Lecornu. Un Locurnu qui aura écorné l'image batailleuse de la camarilla syndicale. Il aura surtout ridiculisé les syndicats. «L'homme fort n'est jamais plus puissant que quand il est seul». À lui seul le camarade Lecornu aura fait plier Macron, arraché la suspension de la réforme des retraites. Pour paraphraser la CGT, les travailleurs peuvent proclamer «Grâce au camarade Lecornu une première brèche dans les 64 ans, continuons vers l'abrogation», la transformation sociale révolutionnaire !