«Cette semaine, nos partenaires ont expédié suffisamment d'aliments thérapeutiques pour traiter plus de 1 200 enfants souffrant de malnutrition aiguë», a précisé M. Haq. Les cargaisons incluent aussi plus de 32 000 pots de nourriture pour bébés, de quoi nourrir 760 enfants pendant deux semaines. À la faveur du cessez-le-feu, la vie reprend timidement dans la bande de Ghaza, où les équipes humanitaires de l'ONU s'efforcent de remettre en marche les services essentiels : l'accès à la nourriture, à l'eau et aux soins. Au milieu des ruines, la survie s'organise. Deux semaines après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, l'enclave palestinienne tente de se relever – à petits pas et dans un climat hanté par deux ans de guerre. Les convois humanitaires de l'ONU s'enfoncent chaque jour un peu plus au nord du territoire, sur des routes qui étaient il y a peu impraticables, pour y livrer farine, carburant et kits de survie. «L'ONU et ses partenaires continuent de renforcer la réponse humanitaire, conformément à notre plan de réponse de 60 jours », a indiqué vendredi Farhan Haq, le porte-parole adjoint du Secrétaire général, lors du point de presse quotidien de l'ONU à New York. Derrière la sobriété du propos se dessine en réalité un effort colossal : un million de repas chauds distribués chaque jour, six boulangeries soutenues par l'ONU qui ont repris leur production de pain, et des centaines de milliers de litres de carburant destinés aux cuisines communautaires et aux hôpitaux. Dans le Nord, coupé du reste du territoire au cours des derniers mois par une offensive terrestre israélienne de grande ampleur, les distributions de vivres ont timidement repris : riz, conserves, huile de cuisson. Les équipes du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l'UNICEF installent de nouveaux points de nutrition, plus de 150 fonctionnent désormais à travers la bande de Ghaza, contre à peine la moitié avant la trêve. Et 20 équipes mobiles sillonnent les zones les plus difficiles d'accès pour soigner les enfants émaciés, apporter du lait infantile, de la nourriture thérapeutique et quelques espoirs de reprise. Les chiffres, à eux seuls, ne disent pas tout. L'eau reste rare, les abris précaires, la fatigue immense. « Au cours de deux jours cette semaine, nos partenaires ont distribué environ 600 000 couches, 11 000 jerrycans, 5 800 kits d'hygiène et 280 kits pour personnes handicapées », a détaillé le porte-parole. Les réservoirs d'eau sont récupérés un à un aux points de passag, plus de 140 cette semaine –, pour tenter de réduire le recours aux camions-citernes. À Kerem Shalom et à Kissufim, les deux seuls points d'entrée pour l'instant opérationnels, 127 camions coordonnés par l'ONU ont pénétré dans la bande de Ghaza , chargés de farine, de tentes, de matériel médical et de carburant. La logistique, dans ce territoire assiégé, relève toujours de l'équilibrisme diplomatique. « Plus est nécessaire, et plus peut être fait », a insisté M. Haq, appelant l'Etat sioniste à ouvrir d'autres passages, notamment vers le nord, et à faciliter l'accès pour les ONG dont les convois attendent encore à la frontière. Depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 10 octobre, les habitants se remettent à bouger prudemment, souvent à pied. Selon le bureau onusien des affaires humanitaires, plus de 435 000 mouvements ont été signalés du sud vers le nord. Sur les routes, des volontaires offrent de l'eau, des biscuits, des soins rudimentaires. Mais pour ceux qui demeurent déplacés, seuls 10 % dans des centres collectifs. Les autres s'abritent dans des campements improvisés, souvent à ciel ouvert. Dans ce paysage d'abris de fortune, les données humanitaires prennent la mesure d'une humanité à reconstruire. Aide humanitaire sur fond de hausse de la malnutrition infantile Les chiffres communiqués par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sont glaçants : au moins 57 enfants seraient déjà morts de malnutrition, selon les autorités sanitaires locales, un nombre probablement inférieur à la réalité. L'aide humanitaire a enfin atteint les entrepôts des Nations Unies à Ghaza, suite à la levée partielle, en début de semaine, du blocus imposé par Israël à l'enclave palestinienne, où les agences onusiennes constatent parallèlement une dégradation alarmante de l'état nutritionnel des enfants. Près de 200 camions transportant une aide vitale sont entrés dans la bande de Ghaza par le point de passage de Kerem Shalom, dans le sud d'Israël, dont environ 90 ont pu atteindre les entrepôts de l'ONU. Une course contre la montre est désormais engagée pour distribuer leur contenu auprès de la population. Malnutrition en forte hausse Il s'agit, selon le porte-parole des Nations Unies, « d'une goutte d'eau dans l'océan des besoins » des Ghazaouis. Mais après 11 semaines de blocus humanitaire, la nouvelle a été saluée, jeudi, comme un tournant par Tom Fletcher, le chef des opérations humanitaires de l'organisation. Grâce à l'arrivée de l'aide, la boulangerie Al-Banna, à Deir El Balah, dans le centre de Gaza, a pu rouvrir ses portes après 40 jours de fermeture, faute de réserves de farine de blé suffisantes pour la fabrication du pain. Pour l'instant, le pain produit dans cette boulangerie devrait être distribué à des cuisines communautaires, au sein du réseau du PAM, ainsi qu'aux plus démunis. En attendant une arrivée massive de l'aide, la faim continue de gagner du terrain dans l'enclave palestinienne. Selon les dernières données de l'OCHA, le bureau des affaires humanitaires de l'ONU, une proportion « nettement plus élevée» d'enfants de moins de cinq ans souffre de malnutrition. Durant la première quinzaine de mai, près de 3 000 enfants parmi les 50 000 dépistés présentaient des signes de malnutrition aiguë, contre un peu plus de 2 600 sur 60 000 au mois de février. Les cas les plus graves sont pris en charge dans l'un des quatre centres de stabilisation surpeuplés que compte la bande de Gaza. Celui de Kamal Adwan, seul établissement encore fonctionnel dans le nord de l'enclave, a cependant suspendu ses activités le 20 mai, à la suite d'un ordre de déplacement israélien. Les enfants qui y étaient hospitalisés ont dû être transférés vers la ville de Ghaza, un trajet jugé dangereux dans leur état. Et la tendance pourrait empirer. Le dernier rapport du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), qui catégorise les niveaux de faim à Ghaza en fonction de leur gravité, anticipe que 71 000 enfants de moins de cinq ans pourraient souffrir de malnutrition aiguë dans les onze mois à venir, si aucune aide massive n'était distribuée. À Rafah, Khan Younès et dans le nord de l'enclave, de nombreux partenaires ont été contraints de suspendre leurs activités, faute de fournitures et d'accès sécurisé. De plus, les itinéraires fournis par les forces israéliennes seraient, selon M. Fletcher, « inappropriés » pour le déplacement des marchandises. Entre le 2 mars et la journée de lundi, aucune marchandise, commerciale ou humanitaire, n'a été autorisée à entrer dans Ghaza, aggravant une crise alimentaire déjà dramatique. L'assouplissement récent du blocus israélien, bien qu'attendu, ne parvient pas pour l'instant à enrayer l'urgence. À cela s'ajoute un contexte sécuritaire explosif. Plus de 80 % du territoire se trouve désormais en zone militarisée ou fait l'objet d'ordres d'évacuation. Près d'un tiers de la population a été de nouveau déplacée le mois dernier, selon l'OCHA, dont plus de 160 000 personnes en une seule semaine, privées de tout refuge.