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Le pr?curseur de la litt?rature r?volutionnaire en Russie
Alexandre Radichtchev (1749-1802)
Publié dans La Nouvelle République le 09 - 10 - 2008

«Les intentions de ce livre se font jour à chaque feuillet, l'auteur est absolument contaminé par les divagations (de la Révolution française de 1789). Tous les moyens et tous les prétextes lui sont bons pour discréditer le pouvoir et les autorités et pour soulever le peuple contre ses chefs et ses supérieurs.»
Telles furent les annotations portées de sa main , en 1790, par la tsarine et impératrice de toutes les Russies, Catherine II la Grande (1729-1796), après qu'elle eut terminé la lecture de ce récit de voyage ahurissant. Ahurissant et tout à fait inattendu en cette dernière décennie de ce siècle tumultueux, en Europe, qui voyait naître des idées nouvelles qui allaient révolutionner profondément la vie de ses peuples dans toutes les aires géographiques. Les pouvoirs réactionnaires assistaient avec effroi et impuissance au déferlement à travers tout le Vieux-Continent des idées libérales portées par le soulèvement du peuple de France et du tiers-état emmenés par une bourgeoisie audacieuse et résolument décidée à en finir avec le pouvoir royal féodal incarné par le roi Louis XVI et sa femme, Marie-Antoinette reine de France mais ancienne princesse de la cour d'Autriche.
Bien qu'isolée et fort loin des Etats de l'Europe de l'Ouest, la Russie de la dynastie des Romanov, dirigée d'une main de fer par un pouvoir royal des plus réactionnaires, n'allait pas être épargnée par les idées et l'influence du siècle des Lumières qui se répandaient avec une grande rapidité de ce côté de ce grand continent.
Déjà, à la fin du siècle précédent, le plus célèbre des monarques russes, Pierre le Grand (1672-1725), avait pris conscience du grand retard de son immense pays par rapport aux autres nations européennes qu'il avait visitées longuement. Il avait entrepris, dès lors, de faire avancer quelque peu cet immense empire rigide mais ses efforts n'aboutirent pas, tellement le fossé était grand et ses réformes ne servirent pas à grand-chose.
Mais comme les idées ne connaissent pas de frontières et les choses spirituelles pouvant franchir tous les obstacles, la Russie quand même fut touchée par l'influence qui parvenait des terres situées à l'ouest de ses frontières. Paradoxalement, ce fut à une reine, symbole du despotisme le plus primaire, à qui échut le projet de faire aboutir plus ou moins les idées réformatrices de son illustre prédécesseur à une époque où fut suivie la politique du despotisme éclairé. Catherine la Grande, d'origine prussienne et qui devint impératrice du pays du froid en épousant le tsar Pierre III qu'elle n'aimait point et qu'elle fit assassiner rapidement, en 1728, a profondément marqué l'histoire russe. Séduite par les idées des grands esprits de ce siècle aux idées résolument novatrices, elle entreprit d'appliquer certaines d'entre-elles se croyant investie de la mission de faire sortir son immense empire de son isolement et de conduire ses peuples dans la voie du progrès. Elle devait le regretter amèrement, plus tard, quand elle s'aperçut des ravages que cela a engendrés dans la société russe et surtout son élite dans tous les rouages de l'Etat et de l'administration qui rêvait de libertés et d'émancipation. Justement, notre auteur objet de cet article, en faisait partie.
Alexandre Radichtchev, fils de propriétaires nobles, était né, en 1749, dans la région de Saint_Pétersbourg. Bénéficiant d'une bourse royale, il fut envoyé avec quelques jeunes Russes pour étudier en Poméranie orientale (Allemagne). Là, il effectua de bonnes études dans les domaines de lettres étrangères, de l'histoire, du droit et de la médecine. et revint plus tard dans son pays où il mena une carrière de fonctionnaire impérial des Douanes, à Saint-Pétersbourg (qui fut baptisée, après la révolution bolchevique de 1917, Leningrad, avant de reprendre maintenant son appellation historique d'origine). Parallèlement à sa fonction, il mena une activité littéraire intense. Entre-temps, un violent soulèvement populaire, qui eut lieu en 1773, a déferlé à travers les territoires de cette Russie immuable et paralysée par des siècles d'inertie et d'obscurantisme. Cette grande révolte était conduite par un personnage alors inconnu issu des couches les plus modestes de la société, un Cosaque du Don (grand fleuve de l'Ukraine) qui portait le nom de Pougatchev (1742-1775). Il réclamait l'abolition du servage séculaire et de la noblesse parasitaire, en se faisant, pour frapper les esprits, passer pour le tsar, Pierre III, qui, comme on l'a vu précédemment, était l'époux de la reine Catherine II. Ce soulèvement généralisé faillit mettre en péril l'existence même de l'Etat russe car Pougatchev tint tête aux armées envoyées contre lui pour mater la résistance des populations qui s'étaient mises instantanément à son service afin d'arracher quelques libertés et certains droits élémentaires. Cette révolte violente quoique de courte durée (son chef, trahi par les siens, fut pris et décapité) marqua profondément les esprits et amena la célèbre tsarine à faire marche arrière dans ses projets de libéraliser les institutions russes.
C'était un peu trop tard et ne fit que reculer les échéances.
Quand parut le Voyage de Pétersbourg à Moscou d'Alexandre Radichtchev, en 1790, ce fut dans l'esprit de l'impératrice «une révolte pire que celle de Pougatchev». Elle s'empressa, donc, de faire interner son auteur qui fut condamné au bagne à perpétuité et envoyé passer sa peine en Sibérie, comme c'était la coutume en ces temps-là quand les souverains russes voulaient se débarrasser de leurs dangereux opposants.
Comment expliquer une telle réaction violente de celle qui gouvernait – à sa guise – ce grand pays et qui était toute puissante? Il faut savoir, tout d'abord, que Radichtchev a réussi à publier son œuvre avec la complaisance d'un censeur distrait à qui il présenta une version autrement différente de celle qu'il projetait d'éditer, car les mailles officielles étaient difficiles à passer et la vigilance des fonctionnaires gouvernementaux difficiles à tromper.
Quoi qu'il en soit, le livre fut imprimé et diffusé avant que la police ne fasse main basse sur ses exemplaires et son auteur – un haut cadre de l'Etat de surcroît ! – découvert et condamné illico presto. Pourquoi une telle terreur s'est-elle emparé des milieux étatiques ? Pour comprendre cela, il faut savoir que cet ouvrage au titre anodin contenait des idées dangereuses pour le système politique, social et économique en place. Ce n'était ni plus ni moins qu'une dénonciation virulente et audacieuse des institutions locales et des iniquités qui étouffaient la société russe de l'époque. C'était la description sans complaisances de l'état réel du pays, de la vilénie de la noblesse et de l'aristocratie russes, de la corruption de la justice et de la prévarication des fonctionnaires dans tous les rouages de l'Etat et à tous les niveaux.
Se présentant sous la forme de courts récits, de dialogues émouvants et de description, ce livre de trois cent pages environ relatait indirectement la situation de la paysannerie et ses conditions inhumaines de la vie qu'elle menait alors que les classes privilégiées menaient une vie dorée basée sur les efforts discontinus et la misère des couches humbles et populaires.
Avec un style court et élancé, Radichtchev portait un regard indigné sur la situation sociale inique des enfants du grand peuple russe lui qui croyait profondément que tous les hommes étaient égaux en droits et en devoirs.
D'ailleurs, il écrivait dans son livre ceci : «Dans le domaine de la vérité, au royaume de la pensée et de l'esprit, aucun pouvoir terrestre ne peut ni ne doit décider, ni le gouvernement ni encore moins son censeur, qu'il porte le froc ou la dragonne.»
Radichtchev avec un courage inouï critiquait le pouvoir en place et remettait en cause l'ordre établi avec un verbe violent et un ton jamais utilisé auparavant. Ce pamphlet mettait à nu les vices de la société russe et de l'ordre imposé depuis des siècles ainsi que les traditions ancestrales et les institutions archaïques et montrait la voie aux réformes pour un ordre social plus juste et plus généreux. C'était en quelque sorte un combat pour l'égalité et la justice sociale au milieu d'un océan d'iniquités et d'absolutisme. Allant plus loin, cet auteur audacieux dénonçait même la traite des Noirs aux Etats-Unis d'Amérique, l'esclavagisme pratiqué à grande échelle par les nations puissantes surtout dans les colonies où elles s'étaient imposées par la force et la violence des armes.
On comprend, maintenant, la réaction épidermique de la tsarine et de sa cour quand ils furent mises au courant de ce «sacrilège» émanant, de surcroît d'un fonctionnaire qui devait, en principe, défendre leur cause. Radichtchev, comme précisé plus haut, fut condamné au bagne dans cette lointaine et impitoyable Sibérie dont il ne fur libéré que dix ans plus tard, après la mort de Catherine, par le tsar Alexandre Ier qui l'a gracie. Malade et découragé, surveillé tout le temps et toujours sous la menace d'internement, Radichtchev qui proposait des projets trop libéraux pour la disparition du servage séculaire dans son pays, fut acculé, finalement, au suicide en 1802. Son livre restera dans l'histoire de son pays comme la première œuvre révolutionnaire qui a ouvert la voie à d'autres écrits de la riche littérature russe.


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