Le grand discours du nouveau président américain à son investiture, mardi, a eu comme premier effet de consolider, dans l'esprit de beaucoup de gens à travers le monde, les espérances nourries par ses promesses pendant la campagne électorale. Barack Husseïn Obama prône une rupture sans ambages avec le passé, avec surtout la politique catastrophique de son prédécesseur : «En ce jour, clamait-il, nous sommes réunis parce que nous avons préféré l'espoir à la crainte, l'union au conflit et à la dissension .» Il n'a pas eu des mots plus nuancées pour pourfendre le président sortant, en enchaînant : «En ce jour, nous sommes venus proclamer la fin des doléances mesquines et des fausses promesses, des récriminations et des dogmes usés qui, pendant beaucoup trop longtemps, ont étouffé notre politique.» Avec un langage presque sans code, ni fioritures, il expose les grandes lignes de sa politique étrangère et n'a pas hésité à mettre en lumière ce qui le différencie de son prédécesseur. Obama a parlé d'un changement de cap dans la guerre en Irak et d'un «choix fallacieux entre notre sécurité et nos idéaux». Ces derniers mots visaient la position du gouvernement précédent sur les libertés civiques et la dureté des techniques d'interrogatoire (le spectre d'Abou Ghreib et de Gunanatamo). Le plus frappant, compte tenu de l'impopularité de Bush à l'étranger, c'est qu'Obama a déclaré à l'adresse d'un monde qui assistait à l'investiture avec autant d'intérêt que de passion : «Nous sommes de nouveau prêts à assumer notre leadership.» «Nous allons prendre nos responsabilités en Irak, promet-il, en laissant ce pays à son peuple. Nous allons établir une paix durement acquise en Afghanistan. Nous allons travailler sans relâche avec nos anciens amis et nos ennemis pour atténuer la menace nucléaire et pour lutter contre ce fléau qu'est le réchauffement de la planète.» Mais, ici, il va vire reprendre la rhétorique de Bush contre la mouvance islamiste affiliée à Al-Qaïda, en lançant, sans citer personne : «Nous n'allons pas nous excuser pour notre mode de vie, nous le défendrons sans relâche, et à ceux qui essaient de réaliser leurs objectifs en propageant la terreur et en massacrant les innocents, nous disons : à présent, notre résolution est plus forte et ne peut pas être altérée. Vous ne pourrez pas nous survivre, et nous allons gagner.» Un message diffus, puisqu'il ne précise pas à qui il s'adresse. Alors que, justement sur ce point, l'on attendait de lui une définition plus nuancée, plus actualisée, du concept du terrorisme. Il se contente de rester dans une perception plus globalisante : «Au monde musulman, lance-t-il, nous disons que nous cherchons une nouvelle voie, fondée sur les intérêts réciproques et le respect mutuel.» Un message qui semble avoir eu un écho favorable dans la région, au vu des réactions, même si la presse arabe attend de voir Obama à l'épreuve. Les dirigeants arabes ont, quant à eux, pris acte de cette profession de fois du président américain, mais se gardent de tout optimisme béat. A ceux-là, il fait cette déclaration un peu brusque : «A ceux qui s'accrochent au pouvoir par la corruption, la tromperie, en faisant taire l'opposition, sachez que vous êtes du mauvais côté de l'Histoire, mais que nous vous tendrons la main si vous êtes prêts à desserrer le poing.» Au sujet du conflit israélo-palestinien, qui intéresse actuellement l'opinion internationale, Barack Obama se fait moins tranchant, mais promet un changement. L'idée n'est pas faite pour apaiser les appréhensions de la presse israélienne. Le quotidien Haaretz souligne ainsi la «nouvelle stratégie qui repose sur une coopération internationale, l'adhésion à des valeurs et l'usage de la force uniquement de manière prudente et intelligente». Le quotidien israélien y voit un message : «Israël n'était pas mentionné dans le discours, mais ses leaders doivent entendre le message adressé depuis Washington hier. Il était impossible de se tromper : Obama veut mettre un terme à la politique de son prédécesseur, George W. Bush, qui a encouragé l'usage de la force plutôt que celui de la diplomatie.» Quoi qu'il en soit, gardant peut-être à l'esprit le fait que, pendant sa campagne, d'aucuns avaient remis en cause sa capacité à diriger en temps de guerre, il a veillé à contrebalancer son engagement à recourir à la diplomatie et la coopération dans ses relations avec le reste du monde par des paroles d'une résolution inébranlable. A ceux qui comptent porter tort à son pays, il a lancé : «Notre volonté est plus forte et ne saurait être brisée. Vous ne nous survivrez pas, et nous vous vaincrons.» C'est à ce nouveau deal que nous invite le président Obama.