Les grands médias internationaux sont décidément très discrets à la veille du sommet du G20 à Pittsburgh. Peu de déclarations tranchantes et encore moins d'analyses sur les éventuels résultats de cette réunion des vingt économies les plus avancées de la planète. Certes, les pays membres de l'Union européenne se sont, semble-t-il, accordés sur l'encadrement des bonus versés à leurs courtiers par les grandes banques. L'affaire est présentée comme une avancée majeure dans l'élimination des dysfonctionnements ayant donné naissance à la crise financière globale. Pour le reste, il ne sera pas question d'évoquer le rôle du dollar américain, ni de parler de politique de taux de change. Les déréglementations américaine et britannique à l'origine de la construction de la mégabulle financière qui a explosé à la mi-septembre 2008 ne seront pas remises en cause. La question des paradis fiscaux n'est pas non plus à l'ordre du jour ; elle serait en voie de règlement au moyen d'artifices juridiques formels. Aucune annonce n'est attendue d'une rencontre que d'aucuns tiennent, avant même sa tenue, pour un sommet intérimaire. Les chefs d'Etat présents dans la ville américaine auront l'occasion de discuter encore de l'éventuelle taxe «Tobin» sur les transactions financières sur laquelle travaille un groupe d'experts d'une soixantaine de pays. Mais sur le terrain de la sémantique et de la communication, le G20 devrait conclure un accord sur la coordination des déclarations publiques concernant les stratégies de sortie de crise. Les chefs d'Etat devraient en effet s'accorder pour coordonner à l'avenir toute déclaration sur les «stratégies de sortie de crise», en référence au retrait des mesures budgétaires et monétaires exceptionnelles décidées pour soutenir l'économie. En revanche, le calendrier de ces stratégies de sortie de crise ne sera pas discuté à Pittsburgh mais renvoyé au prochain sommet. La phase aiguë de la crise financière est donc considérée comme achevée et la récession en recul augure la reprise prochaine de l'activité dans les économies les plus développées. La réalité statistique du ralentissement de la récession n'est guère perceptible pour la plupart des citoyens de la planète, qui, à tort ou à raison, estiment que la persistance d'un taux de chômage élevé est l'indicateur décisif. Mais l'effondrement économique n'ayant pas - encore ? - eu lieu, les économistes gouvernementaux peuvent décréter la fin de la crise. La stabilisation réussie, au plus grand bénéfice des banques multinationales et des grands spéculateurs, permet d'éluder la remise en question de l'ordre économique du monde. Le statu quo est maintenu et les raisons profondes qui ont causé les convulsions financières restent en l'état. Le sommet de Pittsburgh confirme l'intangibilité du capitalisme sous sa forme actuelle, mais il représente malgré tout une avancée importante dans la démocratisation de la gouvernance économique mondiale. Les grands pays émergents, Chine, Brésil, Inde et Russie, ne sont plus sur des strapontins à la table mais participent pleinement au forum des décideurs. Le centre du capitalisme ne s'est pas encore déplacé mais il n'est plus aussi hégémonique qu'avant la faillite de Lehman Brothers. L'avenir dira s'il s'agit là d'un progrès réel dans la prise en compte des préoccupations de la majorité des habitants de ce monde ou simplement des habits neufs du libéralisme.