Décès de l'ancien journaliste à l'APS Djamel Boudaa: le ministre de la Communication présente ses condoléances    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha supervise l'exécution d'un exercice tactique avec munitions réelles à In Amenas    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie auprès de Saint Kitts et Nevis    CIJ: l'Algérie appelle à sommer l'entité sioniste à accorder l'accès humanitaire à l'UNRWA dans les territoires palestiniens occupés    Ligue 1 Mobilis/USMA-ASO: les "Rouge et Noir" sommés de réagir    Arkab examine avec l'Ambassadrice de Bosnie-Herzégovine les opportunités de coopération bilatéral    CHAN2025/Algérie-Gambie: les Verts poursuivent leur stage à Sidi Moussa    Sonatrach et le Groupe Suhail Bahwan examinent le plan de développement de la société algéro-omanaise d'engrais    L'ONS désormais sous la tutelle du Haut commissaire à la numérisation    CIJ: poursuite des audiences sur les obligations humanitaires de l'entité sioniste en Palestine occupée    Ghardaïa: 5 morts et 14 blessés dans un accident de circulation près de Mansoura    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Premier festival de la cuisine halal    Meurtre d'un jeune musulman en France: Retailleau accusé d'attiser l'islamophobie    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Patriotisme et professionnalisme    Le CS Constantine ne peut s'en vouloir qu'à lui-même    L'USMH conserve la tête, l'IRBO relégué en Inter-Régions    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    La DSP et les gestionnaires des EPH joignent leurs efforts pour une prise en charge des patients    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Présentation à Alger des projets associatifs subventionnés par le ministère de la Culture et des Arts    Hadj 2025 : poursuite des réservations en ligne des chambres d'hôtels à La Mecque    Constantine commémore le 64e anniversaire de la mort en martyr de Messaoud Boudjeriou    Gymnastique/Coupe du Monde-2025: 2e médaille d'or pour Kaylia Nemour au Caire    Santé: rencontre de coordination pour évaluer la performance du secteur    Colloque scientifique à Alger sur le manuscrit d'Avicenne "Le canon de la médecine"    Saâdaoui annonce la propulsion de trois nouvelles plate-formes électroniques    Les renégats du Hirak de la discorde    Mise au point des actions entreprises    Ça se complique au sommet et ça éternue à la base !    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    Sept produits contenant du porc illégalement certifiés halal    Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    Un art ancestral transmis à travers les générations    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un salarié
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 01 - 10 - 2009

L'homme a du mal à s'endormir. Malgré les cinq ou six cachets. Malgré les deux verres de whisky avalés d'un trait avant d'aller au lit. Rien à faire, les images passent et repassent en boucle. Comment les décrire, il y a tellement de choses à dire et à redire. Tant de sentiment, de frustration et de haine à ressasser. Tout à l'heure, demain, c'est sûr, il va… Mais, non, il y a peut-être un peu d'espoir. Dans quinze ans la retraite. Dix ou cinq, il ne sait pas vraiment, pour un départ anticipé, un plan de reclassement. Tenir. Au moins cinq ans. Ne serait-ce que pour les enfants qui ont encore besoin de lui. L'aîné qui passe son bac cette année. Sa cadette en seconde et la benjamine qui entrera en sixième l'année prochaine. Il faudra les marier, les aider. Tenir…
Quand est-ce que tout cela a commencé ? Il l'ignore. Il se rappelle à peine son malaise, le jour, c'était il y a bien longtemps, où on lui a annoncé que les bureaux étaient supprimés et que désormais tout le personnel serait réuni sur un seul plateau, sauf les grands chefs, bien entendu. C'était un jour de novembre, gris comme de l'acier. Personne n'avait vraiment protesté. C'est moderne, ça augmente la productivité. C'est très convivial, vous verrez, ça va vous plaire, avait dit son patron de l'époque, un jeune loup aux dents longues, parti depuis sous d'autres cieux, toujours plus hauts.
Et puis le bal des consultants avait débuté. Petits jeunots, petites minettes, costards impeccables, tailleurs de marque, des cernes sous les yeux, l'air sérieux et attentif, gros classeurs sous les bras. Process, processus, méthodes, fiches d'évaluation, matrice BCG, juste-à-temps,… On veut vous aider, disaient-ils sans vraiment regarder les gens dans les yeux. Notre mission est de trouver la meilleure organisation, la meilleure cohésion en adéquation avec les objectifs de rentabilité et de lean management. Vous comprenez, n'est-ce pas ? Non ? Attendez, c'est simple. La gestion par objectifs va vous garantir des circuits de validation plus courts, une meilleure visibilité pour vos opérations et le choix des meilleurs indicateurs pour la mise en place de votre tableau de bord décisionnel ! Croyez-nous, au début c'est difficile mais ensuite, c'est une appropriation qui va gommer toute résistance au changement.
Petits cons, petites connes, à peine diplômés, qui prétendaient lui expliquer le métier avec leur novlangue à la gomme. Mais il s'était laissé faire. Il avait donné des informations, des idées et tout cela avait abouti quelques mois plus tard aux premiers coups de hache. Sur le plateau, des têtes avaient soudainement disparu. Puis d'autres visages étaient apparus, venus de filiales diverses. C'était ça ou le ‘chomdu', lui avait expliqué son nouveau voisin en le dévisageant avec intérêt. Dis donc, t'as fais comment pour survivre ici ? Il n'avait pas répondu. Il avait survécu ; il était coupable. C'est sûr, à l'époque, il aurait dû en buter quelques uns de ces consultants, discrètement, bien sûr. Les choses auraient été différentes. Ou peut-être pas.
Un matin, le nouveau patron de la filiale réorganisée quelques semaines plus tôt en ‘pôle-division', était venu parler sur le plateau. Dix minutes de discours consacré à l'actionnaire et à l'allégeance sacrée qui lui était due. Oubliez le client, le banquier, votre femme, vos enfants, c'est d'abord à l'actionnaire que vous devez penser. C'est pour lui que vous devez créer de la valeur. La valeur… Le patron avait prononcé ce mot au moins une quarantaine de fois. Quatre fois par minute. La valeur, sa création, sa chaîne, son amplification, l'EVA… Il n'a jamais rien compris à ce charabia malgré les séances de formation obligatoire où le seul moment agréable était la cigarette qu'il pouvait fumer à la pause tandis que ses collègues s'agglutinaient autour du café, thé, jus et viennoiseries.
Il a bien essayé de s'adapter, achetant des livres, s'abonnant à l'Essentiel du Management. Mais rien à faire. Impossible de capter si ce n'est que la valeur a très vite signifié la guerre et la violence. Si tu veux garder ton job, tu as deux gars de ton service qui doivent partir de leur plein gré à la fin du semestre. Tu te débrouilles, tu t'arranges pour qu'ils s'en aillent sans rien réclamer. Au fait, on va changer l'intitulé de ton poste. Tu n'es plus chef de service, mais field-ops manager. Félicitations. Fais ce qu'on te dit et je te garantis que tu n'auras pas à t'en faire.
Il avait flingué. Il avait harcelé, cherché la petite bête, tendu des pièges, fait pleurer l'une, fait craquer l'autre. Et plus il dézinguait et plus il savait que, tôt ou tard, son heure viendrait. On l'avait convoqué un vendredi matin, une semaine avant Noël. Ecoute, je ne peux rien pour toi. On restructure, on absorbe, on fusionne. J'ai un poste, c'est à prendre ou à quitter. A six cent bornes d'ici. Vas-y, fais du bon boulot et tu pourras rebondir. Ecoute, moi aussi j'ai mes problèmes. T'es pas le seul à avoir des crédits. Toi au moins, tu manges. Dehors, il fait froid.
Déménagement, évaluation, formation, entretien d'évaluation. Le nouveau plateau est peuplé d'intérimaires, de CDD et d'autres contrats dont il n'a jamais entendu parler. Il y a six mois, on lui a retiré ses dossiers, ses cartes de visite n'ont pas encore été imprimées. Il n'a plus de ligne directe et son ordinateur n'est branché à aucune imprimante et n'a plus d'accès à internet. Personne ne lui adresse la parole. On attend de lui qu'il comprenne. Qu'il transige. Allez, tope-là, six mois d'indemns c'est généreux, non ? Tu pourras t'acheter un camping car. Non ? Fais gaffe, c'est une offre qui n'est pas éternelle. On peut-être méchant, tu sais... D'ailleurs, tu vas nous expliquer par écrit pourquoi tu as utilisé le photocopieur pour tes besoins personnels.
Il est six heures. Il est déjà en route. A la radio, une journaliste à la voix grave annonce un nouveau suicide dans une entreprise, là-bas, du côté de Chambéry. Il coupe le son. Des larmes silencieuses coulent sur ses joues. Tenir, se dit-il. Surtout ne pas leur donner prise. Tenir juste un peu…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.