C'est la question de fond : les élections sont-elles vraiment nécessaires dans certains pays ? La formule de consultation populaire n'a-t-elle pas montré ses limites ? C'est que l'assassin se modernise : aujourd'hui, on ne fraude plus comme avant. On le fait avec les mains propres et les poches vides. L'expression « propres et honnêtes » est entrain de subir un attentat sémantique pour se glisser vers le comique. En clair, cela veut dire des élections bien contrôlées et une population bien roulée. Cela se fait dans des labos de simulation, avec des schèmes et modèles et des études de réactions et de conditionnement. On ne fraude plus comme des coupeurs de routes, mais comme des ingénieurs du mensonge. On ne vote pas à la place du peuple, mais on le fait voter pour rien par exemple. On le laisse voter, mais pas choisir. Les méthodes deviennent nombreuses et les régimes pas démocratiques se sont accommodés à cet usage international de bonnes mœurs. Désormais, il y a un manuel de la fraude technique : émiettement électoral, inflation multi partisane, conditionnement par les réflexes de bases etc. On se trouve, du coup, amené à se poser la bonne question, celle qui ressemble à une réponse raciste : les élections sont-elles utiles avant la démocratie ? Peut-on voter démocratiquement pour aller à la démocratie ou seulement après l'avoir eue, justement, par la révolution ? N'y a-t-il pas contradiction de fond quand on dit qu'un régime va démocratiser alors que justement sa nature de régime va le pousser à sauver sa peau, pas celle de la démocratie ? Questions personnelles que le chroniqueur s'est posé : comment voter quand le vote est drivé par un ministre de l'Intérieur (Régime), dans des urnes achetées par le régime, avec des lois du régime, un personnel payé par le régime et des comptables de voix et des statisticiens et des magistrats employés du régime ? En restant chez soi. C'est un choix qui découle d'un constat mathématique : le mode électoral est une arnaque dans les systèmes sans contrepouvoirs. Il sert, autant que les fameux observateurs étrangers, à valider une fraude qu'à frauder une élection. C'est ainsi, partout où la démocratie est une réforme, les élections ne sont pas un changement mais un sursis. La raison de ce pessimisme post-élection ? Le rapport final de la CNISEL, la commission nationale de surveillance des élections. Il vient d'être remis. On y lit, selon les extraits, l'essentiel. Excès, dépassements, procurations par vrac .etc. Le rapport a eu l'audace rare d'épingler Bouteflika pour son appel le 08 Mai 2012 à un vote FLN et d'évoquer des cas précis comme celui-ci, hilarant : «Le procèsverbal établi après le dépouillement des bulletins dans la commune d'Oum Ali, à Mila, donne les résultats suivants : nombre d'électeurs inscrits, 3 071 personnes ; nombre de votants, 1 900 ; nombre de voix gagnées par le FLN, 3 848». D'où la question : ce rapport sera-t-il suivi d'actes et d'actions ? Les deux ministres objet d'un dépôt de plainte en pénal par la CNISEL vont-ils sourire et se moquer ou se présenter et être jugés ? Le rapport va-t-il servir à la démocratie ou au maquillage national et international du cas algérien ? Des doutes. La même question : à quoi sert de voter librement quand on est enfermé, réellement ?