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Une bataille rangée
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 31 - 01 - 2013

Il neige. Ou plutôt, il se déverse une pluie de glace, de celles qui dardent les visages et les cranes mal protégés. C'est le matin, à peine un peu plus tard que l'heure habituelle de l'embauchage. Sur les trottoirs, les grains de sel et de sable crissent sous les pas prudents des passants. Parfois, l'un d'eux glisse, manque de tomber puis se redresse. Personne ou presque ne fait attention à lui. Sous ce méchant crachin, c'est chacun pour soi. Une vieille dame le sait bien, elle qui se traîne centimètre par centimètre, chacune de ses chaussures étant enveloppée dans une chaussette de laine sombre. Non, ne riez pas. Une étude de scientifiques britanniques vient de prouver que c'est la meilleure protection contre les glissades. Ça et, bien sûr, le fait de rester chez soi.
Le jeune homme, un peu rond pour son âge, mal rasé, a une tête de geek, c'est-à-dire, à en croire une pré-adolescente présente lors de la scène qui va se jouer, un passionné d'informatique. Il a de gros souliers à crampons qui lui permettent d'avancer à grands pas. Le feu est vert pour les voitures mais il n'hésite pas à s'engager sur le passage protégé. N'est-il pas un piéton parisien ? N'a-t-il pas, comme tous les cyclistes de la capitale, tous les droits (merci la bande à Bertrand…) ? Bref, il s'engage sans trop prêter d'attention à la berline qui arrive sur lui à allure modérée. Pour qui est resté prudemment en arrière, il est évident que la voiture va stopper. A ce jeu-là, même en ayant le code de la route pour lui, le conducteur a tout à perdre.
Oui, mais voilà. Il ne freine pas. On dirait même qu'il accélère tandis que l'arrière de son véhicule semble chasser un peu à cause du verglas. La collision est évitée de justesse car l'instinct de survie a commandé au geek de stopper son élan. Peut-être a-t-il croisé le regard du conducteur et compris à qui il avait affaire. Mais, indigné et certainement effrayé il ne peut s'empêcher de donner un coup du plat de la main sur le toit de la berline. Fusent aussi quelques gros mots où il est question du plus vieux métier du monde et d'un organe proche de la matrice. Du coup, la suite est prévisible. Le conducteur freine, sa voiture dérape un peu, s'arrête et le voilà qui en descend en hurlant. C'est un quadra finissant à l'allure lourde et il empoigne par le collet l'impudent qu'il dépasse de deux bonnes têtes.
«C'était vert pour les piétons !» se défend ce dernier, flageolant et devenu pâle comme un tas de flocons. «Tu mens ! Et tu touches pas à ma bagnole !» lui répond l'autre en s'énervant de plus belle. Dans la voiture, restée sagement assise, une jeune fille se demande s'il lui faut rire ou pleurer. Mais, pour le plus grand bonheur du geek (et le déplaisir de certains témoins), la bagarre ne dure guère. De bons samaritains se sont très vite interposés. «Monsieur, ça se fait pas de se battre comme ça dans la rue. En plus à votre âge et devant votre fille…», sermonne l'une des grandes âmes, un bonnet bleu sur sa tête et, à la main, un journal gratuit roulé comme s'il devait servir de matraque. «Moi, je trouve qu'il a raison. Cognez bien monsieur, ça leur fait du bien», lance de son côté, un peu dépité, un concessionnaire de voitures de luxe.
Le geek s'éloigne sans demander son reste. Le quadra remonte dans sa voiture mais l'affaire est loin d'être terminée. Alors qu'un bus klaxonne à tout va parce que cette petite embrouille l'empêche d'avancer, le bonnet bleu décide de s'en prendre au vendeur de cabriolets. «Vous devriez avoir honte d'inciter à la violence comme ça. C'est pas parce que vous vendez des bagnoles pour riches que vous avez le droit de semer la zizanie !». L'autre ne semble pas réaliser que c'est à lui qu'on s'adresse. Il en est encore à dire pis que pendre à propos d'une génération qui se croit tout permise quand il comprend enfin. Il fait un pas vers son contempteur, hésite, puis recule. «Tu veux que j'aille le chercher, c'est ça ?» demande-t-il alors. «Chercher quoi ? Votre chien ? Votre fusil ? Vous vous croyez en Amérique ? Et puis d'abord qui vous autorise à me tutoyer ?», s'époumone le bonnet bleu, la mine vaguement inquiète. L'autre reprend confiance et redresse le torse. «C'est pas un fusil mais c'est un truc qui te fera bien réfléchir», claironne-t-il. «Le genre d'instrument qui t'envoie une bonne décharge électrique. Tu vois ce que je veux dire ? En visant bien, je peux même rendre service à ta femme et à la France !».
L'homme au bonnet bleu ne se démonte pas. Il recule, va sur le trottoir d'en face, ramasse de la neige sur le capot d'une voiture, la tasse dans ses mains et, en riant, se met à bombarder le concessionnaire. «Allez, vas-y ! Va chercher ton joujou» lui crie-t-il sans s'arrêter de jeter ses boules de neige dont certaines font mouche tandis que d'autres s'écrasent avec un bruit sec sur la vitrine du garage. Assis sur le banc de l'arrêt de bus, trois jeunes adolescents sont pris par un fou rire. Quant au concessionnaire, un temps décontenancé, il se met à ramasser lui aussi de la neige sale et à répliquer à l'assaut. Il est très vite rejoint par les ados qui bombardent tout ce qui bouge, la vieille dame exceptée.
Cela dure quelques minutes puis la récréation se termine car une voiture de police pointe le bout de ses phares. Les deux batailleurs se calment. L'un s'éloigne à pas rapides, l'autre rentre dans son garage. «Tout ça à cause d'un daltonien qui n'est même pas là pour voir ce qu'il a provoqué», soupire l'un des ados en s'étirant. Dans la rue devenue boueuse, des flocons ont enfin remplacé la pluie glacée.


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