Il était caché derrière un rideau, un après-midi d'un lundi pas comme les autres. Il voyait sa nuque, son dos, ses mains qui parlaient, comme toujours. Puis, il a dégoupillé sa grenade et tiré en direction de la scène. Le spectacle était fini et le rideau est tombé pour l'éternité. 26 ans plus tôt, Boudiaf, au pouvoir depuis presque 5 mois et demi, est assassiné en live, devant les yeux de millions de téléspectateurs algériens. On l'avait sorti de sa retraite marocaine, appelé à reprendre du service pour sauver le pays. Selon la légende, il n'a pas hésité un instant à tout laisser tomber, à tourner le dos à sa vie et reprendre son nom de guerre. Puis Boumaarafi est passé par là, assassinant le début d'espoir nourri par un peuple fatigué d'un pouvoir cannibale et insatiable. L'homme n'a pas eu le temps de tout analyser, d'avoir peut-être pris des décisions hâtives mais son allusion à la mafia politico-financière a enclenché le compte à rebours des jours qu'il lui restait à vivre. Le procès a conclu à un acte isolé de Boumaarafi qui voulait solder les comptes avec celui qui est derrière les camps du Sud, selon la thèse officielle. Une lecture vite réfutée par la famille du défunt président qui exige que la vérité se fasse. Mais voilà, le combat est sans espoir. Boudiaf a parlé et il est mort pour ses convictions. «Où va l'Algérie ?», son livre, qui lui survivra, s'interrogeait déjà en 1964, année de sa parution, sur l'avenir de ce pays. Une question toujours d'actualité que les générations se posent sans même l'ombre d'une réponse à l'horizon. Aujourd'hui, plus que jamais, l'héritage politique de Boudiaf doit être repris, brandi en étendard et les Algériens de s'inspirer de son action. Boudiaf n'avait aucune prétention en revenant en Algérie sauf celle de servir son pays et il a payé de sa vie son engagement. Aujourd'hui, plus que jamais, alors que le présent de l'Algérie s'écrit au conditionnel et que ses lendemains se déclinent à l'imparfait, il est impératif de faire les choix qui s'imposent. Les bons choix. Les derniers événements qui ont ébranlé les cimes du pouvoir suggèrent que quelque chose d'important se prépare et que les équilibres en présence sont en train d'être fragilisés. Une situation qui risque de déborder à tout moment et le seul à payer la facture reste, comme à chaque fois, le fils du pauvre. 26 ans après l'assassinat de Tayeb El Watani, la mafia politico-financière est toujours là mais peu d'hommes de la trempe de Boudiaf.