L'autre jour en déambulant dans le souk, au beau milieu des vendeurs qui ont posé leurs étals dans ce grand marché hebdomadaire à la sortie de la ville de Boukadir dans la wilaya de Chlef, j'ai été attiré par une discussion très animée entre quatre personnes qui papotaient de téléphonie mobile. Une scène qui semblait être amicale entre un trio de jeunes et un homme d'un âge moyen autour d'un téléphone portable, que le bonhomme venait tout juste de s'acheter. L'acheteur semblait être perdu avec cet objet à la main, dont le fonctionnement lui posait un gros problème. En apparence l'homme ne savait ni lire ni écrire. C'est un homme rustique, il vend et répare l'outillage électrique, c'est un habitué qui fréquente régulièrement le souk pour faire ses petites affaires. L'acheteur était excité et il voulait coûte que coûte apprendre pour s'en servir et en profiter rapidement. Le groupe de personnes en question était assis sous un parasol tout près de leurs étals, et ils riaient à chaudes larmes avec cet homme qui partageait aussi leur joie amusante. Notre bonhomme, un peu benêt, voulait sauter rapidement dans le monde de la communication grâce à son smartphone d'occasion. L'un des jeunes invita le bonhomme à lui passer son téléphone pour lui montrer comment faire pour se connecter sur facebook. «Ouvre bien les yeux et regarde bien khouya comment je fais pour me connecter sur mon espace internet. Je vais d'abord partager avec toi ma connexion, comme ça, tu verras le monde fabuleux de l'internet et en même temps tu sauras comment faire fonctionner ton portable tout seul. Comme ça tu pourras après partager sur ton téléphone toi aussi avec tes amis les images et les vidéos que tu recevras sur ton espace», lui dit l'un des jeunes. L'homme suivait silencieusement les explications, la bouche ouverte et les yeux fixés sur l'écran du téléphone, il regardait sans broncher le jeune internaute surfer sur le web. Il était éberlué par toute cette technologie de la communication. Les doigts du jeune sautaient d'icône en icône pour laisser place à de nouvelles pages riches en images et pleines de couleurs sur l'écran du téléphone. Les autres jeunes écoutaient et lâchaient des fous rires discrètement de temps en temps à chaque réflexion de l'homme qui découvre l'inconnu. Notre bonhomme semblait être perdu au milieu de toute cette technologie de l'information via internet, et cela amusait les jeunes qui étaient autour de lui. Aussi, pour lui mettre l'eau à la bouche, le jeune fit défiler sur l'écran du portable des photos coquines et des vidéos provocantes partagées sur les réseaux sociaux, qui ont donné le sourire à notre bonhomme et des éclats de rire autour de lui. «Voilà, lui dit le jeune homme en lui remettant son portable, maintenant pour pouvoir naviguer, il te faut une connexion internet ou la connexion wifi à la maison pour te connecter». J'ai compris que le bonhomme n'avait rien pigé et qu'il n'avait rien retenu de la leçon du jeune. L'homme était lourd dans sa réaction. Il posait de drôles de questions qui étaient à côté de la plaque et cela soulevait des éclats de rires. «cha n'bartaji ?! Ne cessait-il de répéter. «Kifah navigui ? Ch'tahi wifi ?» Aussitôt, un dialogue de sourds s'installa entre les jeunes et l'homme égaré dans les méandres de l'internet. «Ha gouli cha n'bartagi ?» (Dis-moi qu'est-ce-que je vais partager). Un des jeunes essaya de lui faire un topo, mais sans résultat. «Chouf m'lih, t'rouh h'na » Les rires redoublaient de plus en plus fort. «Fahamni yerham babak cha n'bartagi fe l'portable ???». «Il faut que tu partages les vidéos et les images avec tes amis, comme ça les visiteurs vont devenir tes amis, «we dir like !». «liyah chart n'bartagi soualhi, we n'dir like ?» (Suis-je obligé de partager mon intimité avec les autres ?). Quel monde! J'aurai mieux fait de ne pas acheter ce bidule, il va me mettre la tête à l'envers »
