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Brexit et déconstruction européenne: La fin d'une utopie ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 06 - 02 - 2020


«Dieu et mon droit. Honni soit qui mal y pense»
Vendredi 31 janvier 2020, 23h, heure de Greenwich. Voté le 13 juin 2016 par 51.9% des électeurs, prévu le 29 mars 2019, le Brexit a été acté fin janvier de cette année. Le Royaume-Uni, après 47 ans de vie commune, devient le premier pays à quitter l'Union Européenne.
S'ouvre une période de transition de 11 mois de négociations à l'issue incertaine que Londres refuse d'ores et déjà de prolonger. Une épreuve de force qui ne met pas seulement aux prises la Grande Bretagne et ses partenaires continentaux. Sa sortie va accentuer et approfondir les divergences internes dans une Union qui a du mal à faire converger économiquement, financièrement et politiquement ses membres et à digérer un élargissement trop rapide dans un contexte international instable.
La Grande Bretagne se retire de l'Union mission accomplie : l'Europe n'est plus fermée aux marchés, à la mondialisation et à l'Amérique. Les Européens s'étripent -à quelques restrictions près- comme cela se pratique de manière ordinaire dans la jungle extra-muros que constitue désormais l'économie mondialisée. Là où même l'OMC (comme la plupart des institutions internationale) est de plus en plus décorative. Le tout complété par le retour de la France au sein du système militaire sous commandement américain en compagnie de la plupart des ex-pays de l'Est, alors que le Pacte de Varsovie a disparu depuis près d'une vingtaine d'années.
Avant qu'un ancien directeur général de la banque Rothschild déguisé en président ne lui ouvre les portes en 1973, le général de Gaulle s'était fermement opposé à l'entrée de la Grande Bretagne dans l'Europe alors à six. Il craignait pour la Politique agricole commune (PAC) et évidemment pour les agriculteurs français. Il redoutait de voir la Communauté économique européenne (CEE) transformée en une vaste zone de libre-échange. Il voyait surtout dans la Grande-Bretagne un cheval de Troie des Etats-Unis : l'adhésion britannique aurait, selon lui, fait de l'Europe européenne une Europe atlantique. Il inclinait pour un approfondissement du Marché commun plutôt que pour son élargissement.
Rétrospectivement, qui prétendrait que les craintes du Général n'étaient pas justifiées ?
Ecoutons-le converser avec MacMillan Premier ministre de sa Majesté :
« Au point de vue économique, vous, les Britanniques, dont l'activité repose principalement sur de larges échanges avec les Etats-Unis et sur un système de ventes et d'achats préférentiels avec le Commonwealth, accepteriez-vous vraiment de vous enfermer avec les Continentaux dans un tarif extérieur qui contrarierait gravement votre commerce américain et exclurait vos anciens dominions et vos colonies d'hier? Vous, qui mangez pour pas cher le blé du Canada, les moutons de Nouvelle-Zélande, les bœufs et les pommes de terre d'Irlande, le beurre, les fruits, les légumes, d'Australie, le sucre de la Jamaïque, etc., consentiriez-vous à vous nourrir des produits agricoles continentaux en particulier français, nécessairement plus coûteux ? Vous, dont la monnaie est celle de la vaste zone sterling, comment la débarrasseriez-vous des hypothèques, dettes et obligations que comporte ce caractère international, pour la ramener au rang modeste d'une bonne livre simplement anglaise ? »[1]
Le 14 janvier 1963, le général de Gaulle appose son veto à la demande d'adhésion du Royaume-Uni, évoquant le caractère incompatible des intérêts économiques continentaux et insulaires.
Est-il si surprenant qu'un Jean Monnet résolument anti-gaullien exprime un avis opposé ?
« Certains pensent et disent que l'Angleterre, une fois dans les institutions européennes, freinera tout naturellement le développement de l'Europe. Je ne le pense pas. Je crois que ce sera le contraire. Au lieu d'être un frein, l'Angleterre sera un élément actif et constructif. Ma raison est que le Gouvernement anglais s'est rendu compte que les grands problèmes internationaux ne pouvaient être influencés que par une force plus grande que la Grande Bretagne, c'est-à-dire l'unité européenne et l'association avec l'Amérique. L'Angleterre sera naturellement amenée, une fois qu'elle en fera partie, à développer l'unité européenne. » Lettre de Jean Monnet (président du Comité d'action pour les Etats-Unis d'Europe) à Jaap A. W. Burger (03 août 1961)
C'est dans cette logique que B. Obama se trouvait lorsqu'il fit une visite le 21 avril 2016 à Londres à deux mois du référendum sur le Brexit. Il a plaidé avec force pour le maintien de son allié britannique au sein de l'Union, dans cette fonction de Cheval de Troie que redoutait tant la France Gaullienne. Pas plus que ses prédécesseurs, Obama ne s'en cachait pas. « Le Royaume-Uni excelle lorsqu'il aide à diriger une Europe forte ». « Certains pensent peut-être qu'il y aura un accord de libre échange USA/Royaume-Uni mais cela n'arrivera pas de sitôt (...) Le Royaume-Uni sera en queue de peloton », avait menacé le président américain lors d'une conférence de presse commune avec le Premier ministre britannique David Cameron. « Nous sommes concentrés sur les négociations avec le grand bloc » européen, a-t-il insisté.
Dans une tribune publiée par le Daily Telegraph il argumentait : «L'Union européenne ne diminue pas l'influence britannique - elle l'amplifie».
Hélas ! Les électeurs Britanniques ne l'ont pas écouté. Et ce n'est pas D. Trump qui les en a blâmés.
Lors de cette visite, Nigel Farage, le leader du parti xénophobe Ukip, avait laissé tomber, prémonitoire : « Heureusement, il quittera ses fonctions bientôt ».
Ce que l'Europe va perdre : que pèse la Grande-Bretagne ?
- 6% de la superficie européenne ;
- 13.2%% de sa population ;
- 18% de son PIB ;
- La Grande Bretagne est un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. L'alignement systématique de Londres sur Washington dans la gestion des crises relativise cette perte pour l'Europe, mais en affaiblit assurément l'image.
- La GB dispose d'un armement atomique, même si celui-ci ne peut être utilisé sans l'aval des Etats-Unis du fait de la fourniture, en octobre 1962, des fusées Polaris américaines aux Britanniques, découlant de l'accord MacMillan/Kennedy à Nassau, à l'origine de la rupture franco-britannique.
Ce que la Grande-Bretagne va espérer gagner : « Singapour sur Tamise »
Jeu à somme non nulle : l'Union perd un membre et s'inflige un concurrent. La perspective évolution appréhendée par Bruxelles est connue depuis longtemps : la Grande Bretagne va accentuer sa politique d'avantages comparatifs en matière sociale et fiscale.
La position européenne est claire mais inefficace : si Londres voulait un accord douanier avantageux ouvrant le marché européen à ses produits et inversement, il ne pourrait pas s'affranchir totalement des normes communautaires et créer ainsi un concurrent dérégulé et déloyal aux portes de l'Union.
« Le Premier ministre dit à l'Union européenne: No, Non, Nein! », résume le Sunday Express la position de B. Johnson. Selon le quotidien britannique, le Premier ministre britannique compte faire à ses anciens alliés une « offre à prendre ou à laisser », proposant à Bruxelles rien de moins que le choix entre un « accord de libre échange similaire à celui conclu avec le Canada ou un accord comme avec l'Australie », qui se rapprocherait d'un « no deal ».
Ce qui revient à un Brexit sans Brexit.
Le Brexit c'est la continuation de la guerre par d'autres moyens...
Ce sera la guerre au moins pour une raison : l'Union devra prouver à tous les citoyens européens qui accusent Bruxelles de la dégradation de leurs conditions sociales et économiques et qui ont vu les Britannique fêter leur sortie de l'UE, que quitter l'Europe ne saurait être un succès.
Si les Européens ne parviennent pas à faire cette démonstration, alors il est à craindre que la Grande Bretagne ne soit que la première étape d'un processus de déconstruction dont personne ne peut prévoir les conséquences ultimes.
Le problème est que B. Johnson va pratiquer une politique de déficit public très importante à la D. Trump[2] destinée à relancer l'activité, notamment par l'investissement dans les infrastructures, recherche et innovation, avec création massive d'emplois.
Dès le mois d'avril le smic britannique va augmenter de 6% pour dépasser le salaire minimum français. Nationalisation d'une compagnie régionale ferroviaire dans une région travailliste qui a voté conservateur lors des dernières législatives. Opportuniste ? Tactique ?
Si cette politique aboutissait à plus de croissance, plus d'emplois, plus création de richesses, alors les tenants de la politique monétariste européenne auraient des soucis à se faire. Même si elle pourrait être discutable en raison de ses conséquences à long terme, il suffirait qu'elle aboutisse à de bons résultats à court terme pour accentuer les contraintes sociales et politiques en Europe continentale.
La Grande Bretagne ne manque pas d'alliés : même si on oublie la reconstitution impériale improbable servie à la nostalgique opinion britannique, les Etats-Unis sont à ses côtés, résolus depuis longtemps à la destruction d'une Union tentée par une illusoire autonomie.
Les rêves calédoniens
Lors du premier referendum d'autodétermination de l'Ecosse qui s'est déroulé le jeudi 18 septembre 2014, et qui a été perdu de peu, on avait dit aux Ecossais « si vous voulez votre indépendance, alors vous devriez sortir de l'Union Européenne ». Aujourd'hui, la donne est inversée : « Votre indépendance vous permettra de demeurer dans l'Union » et Londres ne pourrait alors opposer son veto. L'« Union Jack » serait alors une bannière en péril. « L'Ecosse reviendra au cœur de l'Europe en tant que pays indépendant », a tweeté la Première ministre indépendantiste écossaise Nicola Sturgeon, déterminée à lutter contre le refus de Londres d'autoriser un référendum sur l'indépendance. A Edimbourg, le drapeau de l'UE continuera de flotter après le Brexit devant l'assemblée locale, où des centaines de personnes se sont réunies vendredi soir 31 janvier pour affirmer leur opposition au départ de l'UE.
Géographie irlandaise à dimensions
L'UE, veut à tout prix éviter que le Royaume-Uni ne cherche à obtenir un accès « à la carte » au marché unique et à l'espace douanier européen, sans les obligations qui lui sont liées.
Michel Barnier avait insisté pour que l'Irlande du Nord seule reste dans l'union douanière et le marché unique, sans date limite, si aucune meilleure solution n'est trouvée dans les futures négociations sur la relation post-Brexit entre l'UE et Londres. Mais ce « filet de sécurité » (« backstop » en anglais) créerait une nouvelle frontière de fait, cette fois-ci entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni, proteste les unionistes nord-irlandais.
Ce serait une « annexion permanente de l'Irlande du Nord, qui sortirait du Royaume-Uni, et nous laisserait pour toujours soumis à des règles écrites sans que nous ayons notre mot à dire », a déplorait sa dirigeante, Arlene Foster, dans une tribune du Belfast Telegraph.
Inversement, la frontière irlandaise permettrait-elle à Londres de sortir de l'Union par la porte et d'y faire rentrer ses marchandises par la fenêtre ?
L'Union prise à son propre piège. « La clause de la nation la plus favorisée »
Il n'y a aucune raison, pensent non sans pertinence les Anglais, pour que l'UE ne consente pas à signer avec la GB un pacte similaire à celui qu'elle a signé avec les Etats-Unis et le Canada. « Nous reprenons le contrôle de nos lois, ce n'est pas pour nous aligner avec les règles de l'Union européenne », a averti le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab sur Sky News.
« Je suis sûr que l'UE voudra respecter son engagement en faveur d'un accord de libre-échange du type de celui conclu avec le Canada », a-t-il ajouté, voyant dans cette option le « meilleur (accord) de sa catégorie » et une « opportunité d'obtenir un résultat avantageux pour tous ».
Redistribution de cartes en Europe. Divagations françaises
Contrairement aux bénéfices présumés du Brexit régulièrement annoncés à son opinion publique, la France sera peut-être un des plus grands perdants du départ de la GB que la proximité géographique ne fera que renforcer.
- Beaucoup de bruit a été fait autour du profit que la France escomptait tirer du Brexit. En réalité, les transnationales, notamment américaines, ne semblent pas avoir été si effrayées que cela par le Brexit. Et, pour s'en tenir à celles qui ont déménagé ou dédoublé leurs sièges, c'est moins Paris que Amsterdam et Francfort qui en ont le plus bénéficié.
- La France en déficit commercial structurel (supérieur à 60 Mds€) va perdre un des rares pays avec lesquels elle dégage un excédent : le troisième au monde avec 3,5 milliards d'euros avec ce pays.[3]
- Plus que tout autre pays européen, les problèmes de la pêche affecteront davantage les marins français sous la menace d'interdiction pour un accès dans les eaux britanniques où les pêcheurs français réalisent 30% de leur chiffre d'affaires. Des milliers d'emplois sont en jeu.
- Selon les circonstances la France affirme hautement son ouverture à l'Europe, mais elle se garde bien de partager certains atouts qu'elle possède.
De plus, les Français ont du mal à se dépêtrer de la réputation de donneurs de leçons. Les Lumières (des Encyclopédistes à Charles de Gaulle, chacun fera le tri qui lui convient) qui pourraient justifier cette image ont bien pâli. Deux exemples tirés de la brûlante actualité :
Le voyage du président Macron en Pologne ce lundi 03 février a été précédé par des échanges polémiques entre les deux pays. Paris ne rate pas l'occasion de contester la politique polonaise dès l'arrivée au pouvoir en 2015 du parti conservateur nationaliste Droit et Justice (PiS). Depuis son élection, Emmanuel Macron a critiqué Varsovie pour ses réformes controversées de la justice - encore durcies cette année par une loi du 23 janvier. Mais ce ne seraient que des prétextes à une fâcherie dont on ne discerne pas avec précision la réelle portée.
Les Polonais ne supportent plus l'attitude des autorités françaises renvoyées à leurs propres difficultés intérieures. D'autant moins qu'au-delà de Varsovie, ce sont tous les ex-PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale) qui refusent le statut informel de membres mineurs de l'Union « qui devraient se contenter des Fonds Structurels nécessaires à leur développement ». On les dit intégrés par charité après la Chute du Mur de Berlin, après avoir contribué à la destruction de l'Union Soviétique, ils refusent de servir de supplétifs contre la Russie de Poutine.
L'Espagne, le Portugal et la Grèce éprouvent des ressentiments similaires.
Ce ne seront pas les pays des Balkans, la Macédoine en tête, interdits d'Europe du fait de l'opposition que E. Macron a brandie, qui le contesteraient. Certes, l'élargissement a été fait dans la précipitation sous la pression des Etats-Unis. Certains soupçonnent, non sans raisons, ces nouveaux membres d'utiliser l'Union comme antichambre de l'OTAN et pour le seul bénéfice des subventions communautaires. Il est tout aussi vrai que l'Allemagne et son industrie en tirent un meilleur parti que la France.
La perte d'influence française dans le monde au cours des trois derniers quinquennats, en particulier en Europe, en Afrique et au Proche-Orient est un fait indéniable. Le président français perd pied aussi bien dans son pays qu'à l'étranger où l'image de son pays s'est notablement dégradée.
Vendredi 31 janvier au matin un message a été placardé, sur les portes des quinze étages de la tour Winchester située à Norwich. Il a été adressé aux nombreux résidents, quelques heures avant l'officialisation tant attendue de la sortie du Royaume-Uni hors de l'Union européenne.
Voilà son contenu : « Alors que nous récupérons enfin le contrôle de notre pays nous pensons qu'une règle en particulier doit être clairement établie parmi les résidents de la tour Winchester. Nous ne tolérons pas ceux qui parlent une autre langue que l'anglais dans les appartements. »
Avec une menace à peine voilée : « Si vous tenez vraiment à parler la langue du pays duquel vous venez, nous vous suggérons d'y retourner et de rendre votre appartement afin que des Britanniques puissent y vivre et que les choses reviennent à ce qui était la norme avant que vous ne veniez infecter cette île qui jadis fut grande ».
Le message se termine par un « God save the Queen » retentissant.
Que la sortie de la GB hors d'Europe soit saluée et accompagnée d'une flore et une faune extrémiste de ce genre, exprimant une volonté de clôture et de repli sur soi ne distingue pas les Britanniques des autres Européens dont ils se sont séparés. Ce phénomène est le lot de tout le continent qui érige des « murs » tout autour de lui.
Le plus inquiétant est peut-être que cette injonction en faveur de la langue anglaise est reprise à leur compte paradoxalement par tout les pays de l'Union, y compris par celui, la France où la défense de la langue et de la culture françaises ne relève plus de l'« exception » qu'elle imposait fermement à ses partenaires.
« L'anglais n'est plus une langue étrangère » déclarent les « élites » de ce pays qui espèrent sans réellement y croire attirer des étudiants étrangers, naturellement venus d'Europe et d'Amérique du Nord. C'est ironique, au moment où la GB quitte l'union.
Ceci a pour conséquence une perte de l'enseignement du français dans les ex-pays de l'Est et dans le reste de la francophonie qui n'a plus qu'une valeur médiatique.[4]
Des voix s'élèvent pour profiter du départ de la GB pour réhabiliter les langues européennes et multiplier leur enseignement dans toute l'Union.[5]
« La langue de l'Europe c'est la traduction », disait Umberto Ecco.
Ces voix prêchent dans le désert. C'est d'autant plus singulier que l'anglais n'a jamais été international que par la grâce de la puissance américaine.
*Le torchon brûle entre Paris et Berlin
Ce même lundi 03 février deux informations tombent :
- La première est la démission avant terme de Jan Wörner, directeur de l'ESA qui évoque des « jeux très sales » des « mensonges » et des « rumeurs », qui se sont propagés dans la presse « intentionnellement afin de me faire du mal » et, « en même temps », de « blesser la constitution démocratique de l'ESA ». (La Tribune, L. 03 février 2020) Lors du Sommet de Séville, Jan Wörner avait bénéficié d'un très fort soutien de la délégation allemande et de ses alliés. Mais Paris très peu satisfait du directeur général de l'ESA a été très réservé sur la question. CQFD[6]
- Un tabou est brisé : l'Allemagne doit « envisager une coopération avec la France en ce qui concerne les armes nucléaires », demande le vice-président du groupe parlementaire de l'Union démocrate-chrétienne (CDU), Johann Wadephul dans un entretien au quotidien Tagesspiegel ce même lundi. Le pays « devrait être prêt à participer à la force de dissuasion nucléaire avec ses propres capacités et moyens », poursuit cet élu du mouvement de la chancelière.
Cette demande est ancienne mais jusque-là discrète, seulement proférée dans des salons cossus off the record. Elle est proposée dans un cadre européen pour mieux faire passer la pilule, mais vise en fait un cadre bilatéral. Elle porte sur l'armement nucléaire, mais elle portait aussi sur le siège de la France au Conseil de sécurité, par exemple en alternant Français et Allemands.
Les méchantes langues rapprocheraient la situation de la France de celle de la Grèce en 2015, au moment où se négociait le sort de Athènes en que se murmurait l'hypothèse d'un Grexit. Elles rappelleraient la proposition allemande qui fit scandale d'échanger la dette grecque contre quelques îles... Hélène en a tant...
La France déficitaire n'a plus beaucoup d'avantages comparatifs, en dehors de ses bombes atomiques et de son siège au Conseil de sécurité aux Nations Unies... Et les Allemands ont tant que comptes à régler avec leurs voisins si imbus d'eux-mêmes...[7]
Le laboratoire britannique
Toutes proportions gardées, il en est de la souveraineté comme de l'amitié (anthropomorphisme cynique) que l'homme s'imagine avoir avec son chien. En Chine ou en Afrique on l'assaisonne, en Grande Bretagne on le fait courir. Serait-ce à cette attachante et traditionnelle empathie que Anthony Blair avait mérité l'insigne qualité de meilleur « caniche » de Bush ? Depuis, les chenils américains débordent de candidats.
Derrière l'image il y a le déclin de l'empire de Sa Majesté sur lequel le soleil s'est irréversiblement couché. L'entre-deux guerres n'a pas été tendre avec l'Europe et avec la Grande Bretagne. On peut tenir 1931 pour une date historique qui a marqué la fin de la Livre Sterling et celle et du souvenir de l'Empire de la Reine Victoria.
La rencontre dans le plus grand secret le 14 août 1941, à bord d'un navire de guerre au large de Terre-Neuve, entre le président américain Franklin D. Roosevelt et le Premier ministre britannique Winston Churchill, accoucha de la Charte de l'Atlantique et du début d'un processus qui fit de la Grande Bretagne la « plus grande amie » de l'Amérique. Ce faisant, cette rencontre passablement minorée a jeté les fondements de l'ordre politique international de l'après-guerre.
Travaillistes comme conservateurs (Churchill, Mc Milan, Heath, Thatcher, Major, Blair, Brown... Johnson) avec quelques nuances mineures, ont suivi fidèlement cette ligne de conduite en s'illusionnant sur la portée des « special relationship » auxquels ils étaient seuls à faire semblant de croire.
Leur argument? L'inoxydable conjecture chevènementiste du papillon qu'on priait de rentrer dans le bocal pour le faire bouger. Et, invariablement, la fixité du bocal est inversement proportionnelle à la vaine agitation du papillon.
Certes, on peut faire mine de comprendre que le pacte UKUSA (pointe avancée d'un Occident judéo-chrétien réformé obnubilé par des menaces millénaristes), relativise et compense entre alliés les pertes ou gains de souveraineté. La mobilisation d'un Occident inquiet d'abord face à la menace communiste, engagé ensuite dans un « choc des civilisations » face à la multitude d'un monde méridional divers et populeux, peut justifier un « containment » salutaire qui incline à au resserrement des rangs. Les Britanniques pouvaient se consoler à se sentir membres d'un Tout et non supplétifs d'une partie. Ce n'est malheureusement pas le cas.
Le recours aux désordres extérieurs, des cités grecques à la Ligne Maginot, en passant par la Muraille de Chine, a toujours été agité pour domestiquer les vassaux et conforter l'ordre intérieur. Ce qui fait problème au fond n'est pas la perte de souveraineté, mais les concessions unilatérales qu'aucune alliance n'impose. Que c'est dur de continuer à paraître quand on a été.
Le laboratoire britannique prend ici l'allure d'un paradigme.
Partout, les nations et les pactes régionaux explosent ou menacent de dislocation. Pour ceux qui ont éclaté, surtout à l'Est ou en cours d'éclatement : la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, Chypre, la Libye, l'Irak, la Syrie, le Cameroun, le Soudan, l'Ukraine... Demain : l'Espagne, l'Italie, la Belgique... La Grande Bretagne ?
Le GATT, 1947/48 (aujourd'hui l'OMC depuis 1995) a toléré la CEE, mais uniquement dans la mesure où elle participait du Plan Marshall qui devait accoucher d'une Europe atlantiste, c'est-à-dire américaine, avec une multitude de Monet pour tenir la chandelle.
D. Trump ne dissimule pas ses objectifs : de l'extérieur et de l'intérieur, avec la collaboration de certains Européens qui n'osent pas encore le déclarer publiquement, tout sera fait pour mettre un terme à cette expérience, à cette utopie qui n'a que trop duré.
Le Brexit doit être appréhendé comme l'annonce d'une redistribution de cartes (géopolitiques) de première grandeur qui dépasse le cadre du Royaume Uni.
Rien ne devra s'interposer entre l'Empire et les tribus.
« J'ai enfreint la règle de Noé : prédire la pluie ne compte pas. Ce qui est important, c'est de construire des arches. »
Warren Buffett
* Professeur associé à la retraite. Université de Strasbourg.
Notes :
[1] Charles de Gaulle. « Mémoires d'espoir ». Tome I: Le renouveau (1958-1962). Paris: Plon, 1970, p. 230-232.
[2] N'oublions pas la coïncidence historique : Trump et Johnson sont au pouvoir dans leurs pays, comme en 1979-1980, Mme Thatcher et R. Reagan y arrivent en même temps pour pratiquer une politique similaire.
[3] Le Royaume-Uni est le quatrième partenaire commercial de la France. En 2017, la France y a exporté pour 32 milliards d'euros (soit 7% de ses exportations). En 2019 3.5Mds€ de moins vers son voisin. En outre, la chute de la livre après le Brexit a eu pour conséquence de réduire la compétitivité-prix des produits français, vendus en euros. C'est le cas des médicaments, par exemple, que le Royaume-Uni prévoit d'importer des Etats-Unis.
[4] Lire : « Abdou Diouf dénonce le désintérêt de la France pour la francophonie ». Le Monde, S. 30.06.2012.
[5] Lire la tribune publiée dans le Figaro par Astrid de Larminat, mercredi 27/03/2013.
[6] Cf. Abdelhak Benelhadj : « L'astronautique européenne relancée à Séville ». Le Quotidien d'Oran, J. 05 décembre 2019.
[7] Cf. Abdelhak Benelhadj : « Divergences franco-allemandes ». Le Quotidien d'Oran, J. 09 février 2017.


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