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Entretien avec Rachid Koraïchi: «Plus tu donnes et plus le ciel te donne»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 02 - 11 - 2022


: Quelle a été la genèse du Vigilant ?
Rachid Koraïchi: Le département de la Seine-Saint-Denis souhaitait dans le cadre du 60e anniversaire de l'Indépendance, acquérir une de mes œuvres.
D'autant que le président de la République, Emmanuel Macron, avait appelé de ses vœux des commémorations sur le territoire français. Pour moi, vendre quoi que ce soit en hommage aux morts, il n'en était absolument pas question. Je trouve cela indigne. Quant au lieu qui l'accueillerait, je ne souhaitais pas que cela soit un musée. Qui irait la voir ? Par contre, l'idée de faire le don d'une œuvre, qui peut être visible par un grand nombre de personnes, dans un lieu ouvert, où les familles des martyrs pourraient se recueillir, déposer des fleurs ou pleurer un proche... C'est autour de cette symbolique que nous avons réfléchi avec les responsables du département au Parc de la Courneuve.
L.G.: Une partie de ce parc recouvre les anciens bidonvilles de la Campa qui a vu s'installer des centaines de familles algériennes dans les années 60... Les connaissiez-vous ?
R.K.: Oui. J'ai gardé un souvenir vivace de ces bidonvilles et de la misère des gens qui y habitaient, des ouvriers principalement, et parmi eux, de nombreux Algériens, dont quelques-uns venaient de la région des Aurès, celle qui m'a vu grandir. Pour ces gens-là et leurs familles dont certains habitent encore les environs, le Vigilant, c'est la possibilité de voir, lors de leur promenade dans le parc, une œuvre en l'honneur de leurs frères et de leurs pères, français et algériens, qui se sont battus pour l'Indépendance ici et là, qui sont aussi sortis manifester à Paris et ne sont jamais revenus. Il s'agit simplement de remettre les choses en place. A ma manière : celle d'un artiste.
L.G.: Pourquoi avoir choisi pour l'inaugurer le 1er novembre et non le 5 juillet, jour officiel de la commémoration de l'Indépendance de l'Algérie ?
R.K.: J'ai voulu aller à contre-pied ou plutôt au-delà de la décision du président de la République dont les intentions ne sont évidemment pas dépourvues d'intérêts politiques dans un contexte mondial marqué par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Le 1er novembre, c'est le jour du déclenchement de la guerre de libération. Mon père moujahid avait déjà rejoint le maquis des Aurès. Et puis c'est aussi le jour de la Toussaint. C'est ce jour de tous les Saints que j'ai choisi pour honorer ces morts.
L.G.: Vous avez réalisé Le Jardin d'Orient à Amboise, le Jardin d'Afrique à Zarzis. Mais avant encore, Les Jardins du Paradis, une installation présentée au festival de Chaumont-sur-Loire, en 1998, rendaient hommage au poète persan Farid Ibn ‘Attar. Aujourd'hui encore, un espace vert a votre préférence...
R.K.: Un autre jardin est cher à mon cœur, j'y travaille depuis vingt ans. C'est le jardin de la Méditerranée, sur l'île de Sainte Marguerite, au large de la ville de Cannes, où, depuis le début de la colonisation, les corps des prisonniers de la suite de l'émir Abd El-Qader et des combattants du Cheikh Mokrani gisent sans vraie sépulture. Ces jardins sont des lieux de recueillement. Comme le sera, je l'espère, « Le Vigilant ». A Amboise, les confréries soufies viennent de loin pour y prier et des jeunes en provenance de toute la France visitent régulièrement le lieu. Un cimetière musulman dans les jardins du château de François 1er, à côté de la tombe de Léonard de Vinci ! Eh oui, c'est aussi cela l'Histoire et la mémoire... De même, qu'aujourd'hui, beaucoup de familles ont appris qu'il y a maintenant à Zarzis un lieu de mémoire pour les leurs. Comme une première étape avant les jardins du Paradis. Avec une morgue, une table de prélèvement ADN, afin que le deuil puisse être fait.
L.G.: Vos œuvres semblent assez souvent vouloir réparer les liens entre les morts et les vivants. Créer des lieux de recueillement et de beauté, tisser des prières pour célébrer les absents. Vous en avez d'ailleurs dédié certaines à votre mère...
En 2013, l'exposition «Maqamate», à la villa algéroise de Dar Abdellatif exposait vos 80 lithographies en hommage à dix grands maîtres du soufisme...
Commémorer les morts est pour vous une évidence.
R.K.: Nous, les vivants, on ne veut pas voir les cimetières. Dans nos sociétés, on ne nous apprend pas ou on ne nous apprend plus vraiment à rencontrer la mort, à vivre avec elle.
Pourtant, c'est la seule certitude que l'on peut avoir dans la vie. L'existence reste floue, impossible à saisir, on peut la densifier et c'est ce que j'essaie de faire à travers la création. Quand je travaille, j'ai besoin d'écouter de la musique. Autant que de mon thermos de thé ! Je mets Oum Koulthoum, la Callas ou Farid al-Atrash. Ils m'accompagnent, ils sont vivants. Leurs tombes physiques, je les ai visitées... mais la voix, quand elle est là, elle est juste à côté.
C'est ce qu'on appelle être éternel. Et donc faire ces lieux, réaliser ces œuvres, c'est dire la mémoire de ceux qui ont construit la civilisation de l'humanité. Et je suis apaisé.
L.G.: Apaisé et en même temps toujours révolté...
R.K.: Et je suis aussi révolté, oui. Pour ces Algériens noyés dans la Seine, ceux tués à bout portant et à qui cette dernière pièce « Le Vigilant » rend hommage. Je suis révolté de voir encore aujourd'hui des corps dans une décharge publique, comme ceux que l'on a retrouvés dans la Méditerranée. A Zarzis, je suis devenu un artiste «fossoyeur».
Un artiste qui enterre dignement nos morts. Car un humain est un humain, quoi qu'il arrive.
L.G.: Vous faites souvent don de vos œuvres, vous financez vous-même vos projets. C'est une générosité qui n'est pas commune...
R.K.: Avant même la naissance, dès que le spermatozoïde touche l'ovule, le compte à rebours commence. Il faut donc vivre la vie comme un bonheur très fort, très puissant, car on ne sait pas ce qui peut arriver.
Dans ma famille, on ne se souhaite pas les anniversaires car c'est une année de vie en moins. Aucun ne part en ayant réglé toutes ses affaires mais on fait au moins et au mieux ce qui peut être fait.
C'est l'enseignement que j'ai reçu. C'est pour cela que j'ai l'impression de toujours courir derrière les secondes. Mais plus tu donnes, plus le ciel te donne également... Je l'espère!


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