La plupart des artistes raï ont le parler «soul» et cherchent, dans leur musique, à toucher le cœur du public. L'idole des jeunes des années 80, Djillali Amarna, en fait partie et représente cet air de jouvence joignant le melhoun aux paroles des rues. De l'avis des mélomanes, «il a su incarner ce cri, ce credo de s'ouvrir à une société dont l'oralité est au centre, reliant les voix depuis les chouyoukh de grande envergure -à l'exemple de Cheikh Madani, Cheikh Hamada, Cheïkha Remitti-, jusqu'à Boutaiba et d'autres au langage cru accompagné d'instruments hérités de l'aventure de la pop-music. C'est ce métissage folk qui devait donner naissance à cette lignée de chebs dont Djillali Amarna qui, du haut de la scène, vêtu d'un saroual, des karkabous en main, s'illustrait par ses «heddates» en entonnant l'hymne bélabésien «Ya Zina», entouré du groupe Raina Rai. La légende était né. Djillali, féru du «klam trab», enfant de Sfisef, rayonnera ensuite pendant une dizaine d'année à travers des tournées en Algérie mais aussi ailleurs. Des Halles de Paris en France jusqu'à San Francisco, le bled des plus grands chanteurs pop. C'est d'ailleurs là qu'il découvre ce que sont les studios, les managers, les plateaux, les galas et tout le jargon du star-système. Après la période faste, Djillali Amarna devait faire sa traversée du désert. Il est traqué par la maladie, l'indigence. Mais son cœur reste intact. Il sent en lui la capacité de remonter la pente. Dans les années 2000, il revient sur la scène avec, il est vrai, moins d'éclat. Mais sa hargne du dire est la plus forte et il hurle ses «mhayane» avec des morceaux tels «Nya ya Nya» et «Madertou walou», explosions lyriques dans une expression directe qu'on applaudit pour son ton de vérité. L'idole se sent abandonné et comprend ce que veut dire «Essohba». Il se laisse couler dans le train-train quotidien en s'occupant de sa famille. Et il découvre la face cachée du «fen» et ses horreurs. Djillali Amarna, un nom nostalgique, continue à être présent malgré ses séances de chimiothérapie. Il explique à son entourage qu'une fois guéri «Inchallah», il remontera sur scène avec cette fois des «oughniates» tirées du terroir sur plus de supports musicaux. N'oublions pas la fameuse cassette aux côté de Lotfi Attar dans laquelle est sorti l'éternelle ritournelle de Cheikh Makalech, «Khalouni nebki» (Laissez-moi pleurer mon bonheur) qui au fond a été prémonitoire et traduit bien le sentiment actuel du chanteur bélabésien. Et quand on sait que le phénix renaît de ses cendres, on dira que Djillali Amarna est de retour.