‘‘Le péché de la réussite'‘, de la jeune metteure en scène tunisienne, Mériam Bousselmi, a résonné, mardi soir à l'ouverture de la 5ème édition du Festival international du théâtre de Béjaïa (FITB), comme un cri de colère d'une femme furieuse contre l'ordre phallocratique et les injustices faites à ses semblables. La pièce, une coproduction algéro-allemande interprétée par un patchwork de comédiennes arabes (algérienne, syrienne, tunisienne, marocaine et égyptien), croque, en effet, sans ménagement, les archaïsmes, les machismes et les mépris. Bref, les esprits rétrogrades qui caractérisent encore quelques sociétés arabes et qui empêchent de par leur rigorisme, la femme de s'émanciper, s'élever, réussir, voire s'affirmer, en tant qu'être intelligent et entier. Œuvre quelque peu autobiographique, puisant sa substance de faits réels endurés par des femmes artistes, la pièce lance en effet un cri rageur sur la condition réservée aux femmes. Prenant prétexte d'un incident anodin, où un homme monte sur un podium à la place de la vraie récipiendaire pour recevoir une distinction qui ne lui était pas destinée, elle monte en épingle un flamboyant réquisitoire sur les arbitraires et les exclusions subies. ‘‘Pourquoi n'est-t-elle pas montée sur le podium pour recevoir son prix ? A-t-elle été empêchée ? Et si elle l'avait fait, serait-elle pour autant une héroïne, une femme à succès ? Tant de questions, déclamées sur le ton de l'absurde par les femmes qui l'entouraient et qui passaient leur temps à ‘‘ pérorer ‘‘ sur les raisons de l'échec ou le succès des femmes, de leur mérite, mais tout en s'affichant dans des postures basses ou assises, synonyme supposé de leur statut réduit en société. La scène, qui rappelle à beaucoup d'égard, le hammam et les discussions qu'il favorise, est presque nue, dépouillée et faiblement éclairée. Elle est grandement habitée par ces femmes délirantes, sans humour, mais qui ne manquent pas pour autant de pertinence, de discernement et de sagesse. Dans un arabe châtié, elles disent des choses et leurs contraires, et dissertent à perdre le souffle, de l'esprit bédouin, et des référents historique qui le fondent, tout en se gardant de ne pas donner de réponses prêtes à penser, craignant ‘‘ d'ouvrir la boite à pandore ‘‘. ‘‘Meriam a joué sur le registre des caricatures et des paradoxes. Elle y prêche le faux pour faire éclater ses vérités'‘, a commenté le commissaire du festival, Omar Fetmouche, visiblement séduit par le spectacle. La pièce, malgré toutes les paraboles qu'elle comporte, est d'un réalisme renversant. Et le cri qui en échappe, reste, en définitive, malgré sa furie, un plaidoyer à la vie, comme le corrobore sa chute, consacrée entièrement aux expériences et aux épreuves amères vécues par chacune des comédiennes distribuées dans leurs pays respectifs.