Acteur incontournable dans les pratiques culturales de la filière phoenicicole, le grimpeur-élagueur de palmiers est en voie de disparition, faute de relève et à cause du vieillissement de la population active agricole, a constaté l'APS dans différentes palmeraies de la wilaya de Ghardaïa. Les rares grimpeurs-élagueurs existant dans la région sont des sexagénaires qui continuent à grimper traditionnellement les palmiers à chaque cueillette de dattes ou pendant la période de pollinisation, des traitements phytosanitaires ainsi que du nettoiement des palmiers. Le métier de grimpeur-élagueur du palmier dattier n'a rien d'une sinécure. C'est un métier traditionnel très éprouvant physiquement et qui, dans les oasis du sud algérien, se transmet de père en fils et de génération à génération, a indiqué Ammi Bahous, phoeniciculteur à Métlili. Désormais, la génération actuelle refuse de s'en tenir à ce métier ancestral, les jeunes étant devenus plus audacieux et préfèrent des carrières "plus lucratives" et à moindres efforts, a regretté Ammi Bahous. L'abandon de ces pratiques traditionnelles du monde agricole s'explique non seulement par le manque de revenus suffisants mais aussi par le constant mépris et la dévaluation du travail de la terre chez les jeunes, encouragés par les changements socio-économiques rapides qui ont entraîné un fort bouleversement sociétal, a-t-il ajouté. De son côté, hadj Abdelkader, propriétaire d'une palmeraie familiale à Hassi-Lefhal, estime que le métier de grimpeur de palmier dattier se fait au péril de sa vie, sans moyens de sécurité, montant sur les cimes des palmiers pieds nus et armé d'une manchette à lame courbée pour sabrer le régime, ainsi que d'une corde pour attacher le régime de dattes mures et le faire descendre soigneusement au bas du palmier. Métier harassant mais incontournable dans la filière Ce métier harassant est incontournable pour la réussite de la filière phoenicicole et la préservation du patrimoine dattier, a expliqué Abdelkader, précisant que ce métier implique plusieurs tâches à la fois, allant des traitements phytosanitaires à la coupe des palmes sèches, en passant par l'arrachage du "Iif" et des restes des hampes florales. Pour exécuter ces tâches, il faut être capable, physiquement, d'escalader un palmier jusqu'à sa plus haute cime avec, sur le dos et les épaules, un lourd attirail composé d'outils de coupe et de taille, a-t-il ajouté. Pour les ingénieurs forestiers de la Conservation des forêts de Ghardaia, le métier de grimpeur-élagueur nécessite un savoir-faire, une qualification et un équipement professionnel approprié pour mener à bien les taches fondamentales sur un palmier dattier haut de plus de 20 mètres, notamment harnais, cordes, longe de sécurité et sangle, un équipement qui ressemble à celui de l'alpiniste. Les propriétaires de palmeraies dans la wilaya de Ghardaïa éprouvent actuellement de sérieuses difficultés à trouver des grimpeurs pour récolter leur production de dattes, et craignent donc de ne pas pouvoir récolter toute leur production, ou de pouvoir la livrer à temps, après que plusieurs d'entre-eux eurent subi des pertes à cause des aléas climatiques (vent fort, chaleur, etc). "Nous éprouvons des difficultés pour l'opération de pollinisation, la récolte du pollen mâle +Dokkar+ et la transmission des épillets de pollen vers le palmier femelle qui se font de manière traditionnelle par des grimpeurs expérimentés", ont déploré des agriculteurs ghardaouis. Les jeunes ne veulent plus travailler la terre ou grimper un palmier et les régimes de dattes dépérissent dans les palmeraies, faute de main d'oeuvre suffisante et qualifiée pendant la campagne agricole, souligne, à son tour, Hadj Ishak, agriculteur à El-Atteuf. Ils préfèrent le secteur de l'externalisation et les métiers de chauffeurs ou d'agents de sécurité dans les compagnies pétrolières, en raison des salaires plus attrayants offerts, explique M.Ishak Cette "pénurie" de main-d'oeuvre agricole en général, et dans la filière des dattes en particulier, est présentée comme étant un problème crucial, un frein important à la production phoenicicole des oasis du Sud, s'accordent à dire les agriculteurs de Ghardaïa. Bien plus, la situation risque de se détériorer très prochainement, prévient un cadre des services agricoles de la wilaya, estimant qu'une bonne partie de la population active dans la filière phoenicicole dépasse les soixante dix ans d'âge. En plein essor, le secteur de l'agriculture dans la wilaya de Ghardaia est aujourd'hui aux prises avec un important manque de main-d'oeuvre même si la rareté de celle-ci est une donne largement partagée par tous les secteurs dans cette wilaya, et que certains en souffrent probablement plus que d'autres. Les agriculteurs de Ghardaïa comptent sur les immigrants subsahariens pour combler ces emplois qui nécessitent un savoir faire. Un professionnel de la région de Ghardaia estime que la cueillette de la datte nécessite des techniques singulières, notamment pour la récolte de la datte dite noble "Deglet Nour" ou pour le grappillage des dattes précoces mûres appelées "M'naguer" à forte valeur marchande. De nombreux agriculteurs préconisent d'introduire la mécanisation et autres moyens modernes pour la cueillette sans risque des dattes, telles que les nacelles hydrauliques mobiles, l'ouverture de filières de formation en rapport avec les spécificités agricoles de la région et la vulgarisation des techniques de gestion des palmeraies. Pour parer à la rareté des travailleurs qualifiés et au vieillissement de la population active agricole, des spécialistes préconisent le développement des pratiques novatrices et efficaces pour attirer et fidéliser la main-d'oeuvre qualifiée en investissant dans la formation de jeunes et la valorisation du travail agricole. La production dattière, qui constitue la principale activité agricole dans la wilaya de Ghardaïa, devrait atteindre cette année environ 575.000 quintaux, selon les services de la Direction des services agricoles. La wilaya compte 1.275.510 palmiers dont 1.123.846 palmiers productifs. Par Abdelkader Hadj-Benamane