Le président libanais se rend à la Basilique Notre-Dame d'Afrique à Alger    Persistance de la vague de chaleur sur des wilayas du Sud et de hautes vagues sur des wilayas côtières    Incendie à l'hôpital de Tamanrasset: Saihi rend visite aux malades et blessés    Le héros national, le Brigadier de Police Mellouk Faouzi s'en est allé    Ghrieb et Mouloudji à Tlemcen pour mettre en valeur les synergies entre secteurs    Les six raisons du faible impact de la revalorisation de l'allocation devises en Algérie de 750 euros sur le cours du dinar sur le marché parallèle    Le président libanais souligne la profondeur des relations historiques entre l'Algérie et son pays    Le président de la République décerne la médaille "Athir" au président libanais    Le président de la République déterminé à promouvoir les relations algéro-libanaises en un véritable partenariat    Ne pas transformer la Syrie en un théâtre d'affrontements !    Une solution à deux Etats possible ?    Le conseiller du président de la République chargé des affaires politiques s'entretient avec son homologue libanais    Être B.R.A.V.E en Occident décadent au XXIe siècle    « Notre objectif est de remporter le titre »    Signature d'une convention entre la DGSN et l'ONDA    Le président du Conseil de la nation reçoit l'ambassadeur de Hongrie en Algérie    La ministre de l'Environnement appelle à la valorisation des algues marines dans le cadre de l'économie circulaire    Tamanrasset : Entame imminente des procédures liées à l'ouverture des services de l'hôpital de 240 lits    ENSIA: Baddari visite un centre de données spécialisé dans les applications de l'intelligence artificielle    Jeux scolaires Africains/Badminton: l'Algérie décroche la médaille d'or par équipes    Mascara: inhumation du Moudjahid Mohamed Missoum    Revue "ECHORTA": numéro spécial à l'occasion du 63e anniversaire de la création de la Police algérienne    Jeux scolaires Africains: programme culturel et touristique diversifié pour les délégations participantes à Annaba    Le Premier ministre reçoit l'ambassadeur du Pakistan à Alger    Jeux Africains Scolaires (JAS-2025): L'Algérie toujours en tête au tableau des médailles après la 2e journée de compétitions    CHAN-2024 (décalé à 2025)/amical: les Verts poursuivent leur préparation avant la Mauritanie    Le président de la République honore les champions du BAC et du BEM 2025    Scandale explosif en direct    «L'Algérie adhère pleinement aux efforts internationaux pour garantir la durabilité»    « Des visions d'horreur qu'on n'a pas l'habitude de rencontrer, même dans les conflits les plus durs »    Première édition des Jeux africains scolaires Un héritage qui inspirera les futures générations de sportifs africains    De nouveaux tracas    L'artisan de la scène culturelle    Hidaoui souligne l'importance d'encourager les jeunes dans le domaine des médias numériques    Les inscriptions sont lancées    Mohamed Meziane installe le nouveau secrétaire général du ministère    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Nazim hikmet, les symboles et allégories de la vie
Pour les beaux yeux de la dulcinée et l'amour de la patrie
Publié dans El Watan le 06 - 01 - 2005

N'est pas enragé qui veut. Mauvais endroit, mauvais chien, le hasard vous attrape et ne vous quitte pas. Parfois, c'est embêtant parce qu'on n'a même pas été mordu, mais seulement léché. Alors, on remet vite sa main mal léchée au fond de sa poche, on se terre comme un ours et on attend. Trente- deux jours après, on sait qu'on n'est pas enragé si on est encore vivant. Entre-temps, il faudra se munir d'un manuel de médecine et vérifier les symptômes. Il s'appelle Ahmet et n'a pas voulu attraper la rage mais, mauvais endroit, mauvais chien, et le voilà en quarantaine dans une cabane en bois à Smyrne, au bord de la mer Egée. La vue est imprenable, mais Ahmet n'a pas le loisir d'en profiter. Son esprit est pris par le souci de la rage. Chaque jour, une barre. A la trente-deuxième, il saura. Ahmet est enragé. Il aurait pu aller se faire vacciner en urgence dans un hôpital à Istanbul, s'il ne savait pas que les chiens politiques de la police l'attendaient sur le quai. Alors Ahmet compte les barres qui décomptent le solde de son existence sur la porte de la cabane en bois, au bord de la mer Egée. Au premier symptôme de la rage, il compte sur son ami Ismaïl pour l'abattre comme un chien.
La dent de sagesse
Un jour, quand il était plus jeune, Ahmet a renoncé à tout, femmes, bonne chère et autres plaisirs terrestres. En cet instant de grâce, le jeune homme ne regardait pas le ciel mais le plus beau pays du monde : l'Anatolie. Il regardait et il se disait, lui le fils d'un pacha : « Je ne serai ni député ni ministre. » La main sur le cœur, Ahmet a juré qu'il ferait de la politique dans le mauvais camp, celui des hommes qui rêvent d'un monde meilleur parce que leur pays est beau et que ce pays, l'Anatolie, le plus beau pays du monde, mérite d'être servi au mieux, comme il le mérite. Cela s'est passé comme je vous le dis, aussi simplement. Ce ne sont ni les livres, ni la propagande, ni sa situation sociale qui ont amené Ahmet là où il est. C'est le paysage de l'Anatolie qui l'a fait échouer là où il est, dans cette cabane en bois, en quarantaine au bord de la mer Egée. Il enrage, il aurait pu aller se faire vacciner mais... les chiens sur l'autre rive, dans l'autre camp... Les chiens sont lâchés. Vingtième barre. Ismaïl ne rentrera pas ce soir. Le camarade a été arrêté et conduit à la direction de la police politique d'Istanbul. Sur le mur de sa cellule, Ismaïl trace une première barre. Ismaïl a de l'expérience. Il sait ce qu'il doit faire au moment de la torture. Comme un enragé, il se rue sur ses bourreaux, plus nombreux, plus costauds. C'est idiot mais ça fait rien, mon vieux, ça fait du bien d'être enragé, ça te donne de la force, la douleur a du mal à traverser ta colère. A Istanbul, les barres s'alignent sur le mur de la cellule d'Ismaïl. Combien de barres ? Beaucoup, mon vieux. Cela fait plusieurs mois qu'Ismaïl a été arrêté. Torturé, il s'estime heureux. Son camarade Ziya a été brûlé à la cigarette, enfermé dans une cellule où tu ne peux tenir que debout, crucifié sur le mur de sa prison, comme l'autre, celui qui voulait sauver le monde. Mais il faut croire que ces deux-là, doux agneaux, n'étaient pas assez enragés. Trentième barre. Ahmet a de la fièvre. Premier symptôme de la rage peut-être. Il ne doit plus compter sur Ismaïl pour l'abattre. Il place le pistolet sous son grabat. Il délire. Il est sur une montagne d'Anatolie, il chevauche aux côtés de Keuroglou, le cavalier vengeur. Le père de Keuroglou est mort en prison, les yeux crevés par un bey tyrannique et cruel. Depuis ce jour, Keuroglou chevauche sur son cheval argenté il vengera son père, il libérera son peuple de la tyrannie.
Les chevaliers de la soif
Tous les paysans d'Anatolie, tous les soirs, aperçoivent le cavalier et sa monture, ils voient Ahmet, oui, mon vieux, Ahmet en personne, la crosse à la main, chevauchant sur sa cervelle pour défendre le pays qui lui a pris son cœur d'un seul coup et pour toujours. Ni les livres ni la propagande. Le fils du pacha est enragé. Trente-deuxième barre. Ahmet trace un grand X sur toutes les barres. Il sourit, il n'a pas la rage. Bon endroit, bon chien. Mauvais camp. Bonne raison. Tu as raison Dulcinée est la plus belle du monde Bien sûr qu'il fallait crier cela A la figure des petits marchands de rien du tout. Bien sûr, ils devaient se jeter sur toi Et te rouer de coups, Mais tu es l'invincible chevalier de la soif...
Condamné à 56 ans de prison, Nazim Hikmet en a purgé 17. Combien de barres pour le poète emprisonné ? Beaucoup. Inutile de compter, ou alors il faudrait rajouter celles de la Bastille ou de Pretoria. Beaucoup de barres. Jamais assez de romantiques, des enragés qui se font mordre par leur pays, à mort. A la trente-deuxième barre, tu ne meurs pas, mon vieux. C'est là que tout commence, à la trentaine. Le meilleur âge pour être tout amour des pieds à la tête, debout, crucifié dans une cellule-cercueil. Invincible.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.