L'attachement au pays, la fierté nationale : ces notions qui avaient jadis un sens, un substrat fait de valeurs partagées autour desquelles s'est construite la nation algérienne et s'est forgé son avenir n'ont plus la même connotation aujourd'hui. A l'étranger, il ne fait pas toujours bon de décliner son algérianité. Les dégâts occasionnés par la décennie noire sur l'image de l'Algérie et des Algériens, perçus comme une nation de terroristes et d'égorgeurs, ont laissé des traces qui nous collent à la peau. Le mal est bien sûr en nous. Comment être fier d'un pays et de dirigeants qui broient leurs enfants, qui les poussent à l'exil, au péril de leur vie pour les jeunes harraga, parce que les conditions de vie, de travail, d'épanouissement social, de bien-être ne leur sont pas offertes chez eux ? On sait comment on en est arrivés là : par la force d'un système de gouvernance qui n'a produit que le désespoir, qui a trahi le serment des chouhada pour une Algérie forte, fraternelle, prospère, où règnent la justice sociale, les libertés. Les Algériens ont perdu jusqu'à leurs ultimes repères forgés dans la grandeur de leur Révolution. Quand un peuple ne vibre plus lorsque l'hymne national est entonné, avec le même sentiment de sacralité qu'autrefois, quand la célébration des dates historiques de la glorieuse Révolution de Novembre n'est plus un moment solennel de recueillement, de communion nationale autour des valeurs portées par les artisans de l'indépendance chèrement acquise, c'est que rien ne va plus dans le royaume d'Algérie. L'actuel ministre de la Culture, M. Mihoubi, avait cru trouver la solution pour raviver le sentiment national en berne en lançant, on s'en rappelle, à grand renfort de publicité, une opération de distribution massive de drapeaux aux citoyens pour orner leurs balcons à l'occasion de la célébration de la Fête de l'indépendance. L'initiative avait été un échec lamentable. L'amour de la patrie ne se décrète pas. Il se construit, se nourrit par un sentiment fort d'appartenance à une même nation, unie par un passé et un destin communs et ayant le souci de garantir à tous ses enfants une prospérité partagée. Au lendemain de l'indépendance, voire même bien plus tard, il n'y avait pas une famille algérienne qui ne disposait pas de l'emblème national, précieusement conservé et spontanément déployé aux frontons des foyers lors de la célébration des dates anniversaires du déclenchement de la Révolution et du recouvrement de l'indépendance. Bien que nos dirigeants aient tout fait pour amener les Algériens à détester leur pays et à se détester entre eux, la fierté d'être Algérien est toujours aussi profondément enracinée dans la conscience collective. L'épopée d'Omdurman, qui avait vu tout un peuple uni et solidaire derrière son équipe nationale de football face à l'Egypte dans une confrontation qui s'était déroulée dans un contexte foncièrement extrasportif, est la meilleure preuve que les Algériens font la différence entre le drapeau et le reste. Entre ces héros qui ont fait sortir l'Algérie de la longue nuit coloniale et ceux qui ont brisé ses rêves et hypothéqué son avenir en l'enfonçant dans un tunnel sombre et sans fin.