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Derek Walcott, l'art des métaphores
Publié dans El Watan le 25 - 05 - 2006

Que de poètes ont suivi sa trace pour subir, volontairement, les mêmes charmes ! L'Antillais, Derek Walcott, prix Nobel de littérature 1992, en est un parmi tant d'autres. Toutefois, la poésie, pour lui, se veut une quête d'identité. On ne devient pas poète aussi facilement dans cette région du globe à la merci des vents contraires, surtout lorsqu'on est métis, chevauchant sur plusieurs langues, savantes et vernaculaires.
Homère devient, pour Derek Walcott, Omeros. Un nom composé selon l'explication même donnée par notre poète. Il y a le (O) qui est, par essence, une espèce d'invocation naturelle contenue dans une coquille, marine, cela s'entend. Il y a, ensuite, la (mer) qui signifie, à la fois, mère et océan dans le patois des Antilles. Et puis, il y a le (Os) qui fait allusion, d'une manière tranchante, à la vague blanche qui vient, dans un mouvement perpétuel, se briser sur le rivage. Omeros est donc Homère dans la vision de ce grand poète des Caraïbes. Oui, c'est une trouvaille de poète ballotté entre la langue anglaise, la langue française et, bien sûr, le créole et les différents patois de Sainte-Lucie, son île natale.
Omeros est le titre d'un long poème de Derek Walcott et quel poème ! Il s'étend sur pas moins de 325 pages, sans le moindre essoufflement. Il faut dire que l'intonation de cette voix, si singulière, ne se complaît pas toujours à notre goût et pour cause.
Quelle connaissance avons-nous de cette poésie, en marge de la poésie elle-même ? Le rythme chaud et délié de toute la vie de l'Amérique latine nous arrive par bribes. On croit saisir le message d'une Gabriela Mistral, (1889-1957), d'un Juan Rulfo, (1918-1986), d'un Heitor Villa Lobos, (1887-1959) ou d'un atahualpa Yupanqui, (1908-1992), en fait, tout échappe à notre entendement. Pourtant, Derek Walcott fait usage de la langue anglaise et se considère, lui-même, comme le résultat d'une multitude d'influences. «Je n'ai pas, avait-il dit à la suite de l'obtention du Nobel, la moindre gêne à dire que ma voix est un mélange de voix des poètes que j'ai aimés». Surprenante et exubérante, à la fois, que cette littérature de l'Amérique latine ! Contrairement à celle de l'Amérique du Nord qui, de l'avis des écrivains américains eux-mêmes, a mis du temps pour voler de ses propres ailes, elle a réussi à se soustraire à l'emprise de l'Espagne et du Portugal et se faire aussi foisonnante et luxuriante que la jungle de l'Amazonie.
Avec Walcott, nous avons droit à un corpus d'images inhabituelles. Philoctète et Achille, ces deux personnages de la Grèce classique, se mettent dans la peau de quelques pauvres pêcheurs des Antilles. Bien que violents vis-à-vis d'eux-mêmes et portant des stigmates à longueur d'année sur leurs corps de vieux marins, il leur arrive de nous gratifier de quelques images à même de nous dérouter. L'homme, aux prises avec une quotidienneté inhabituelle, donne naissance, automatiquement, à un langage qui n'a rien à voir avec les tournures qui se digèrent très mal. Walcott «voit avec ses oreilles». Et, il faut bien le croire. Le voilà encore à parler à un arbre : «Tu ne peux être que canoë, rien d'autre». Ce n'est pas sa faute si nous butons à quelque impropriété de sa part. Le poète, en lui, tire les ficelles à sa manière.
Il n'hésite pas en cela à faire des transpositions linguistiques des plus étranges. Son but premier, c'est de détruire ce qui lui paraît comme susceptible de nuire à son propre équilibre. Or, et c'est là qu'il est difficile parfois de suivre sa trace, le processus inverse, c'est-à-dire le respect de l'environnement langagier tel que nous le concevons, semble ne pas se faire normalement. Walcott, avait-il besoin d'aller emprunter aux Grecs la base de son imagerie alors que la luxuriance des Caraïbes l'invitait à faire l'économie de ce déplacement ? Lui qui se sent quelque peu trahi par la langue, puisque, de son propre aveu, il lui a toujours été difficile de faire le mariage entre les différents dialectes en usage aux Antilles, compose ses vers en anglais tout en macérant le tout dans une eau dont il est seul à en connaître les propriétés chimiques et les réactions. Les critiques littéraires ont souvent évoqué ses «tracasseries linguistiques», son «isolement», étant anglophone dans un pays francophone. Or, sa poésie, même se cantonnant dans langue précise, en l'occurrence l'anglais, se fait généreuse en abritant toutes les langues du terroir. Ce faisant, c'est une poésie qui refuse d'assassiner la langue, car c'est de l'être humain qu'elle se préoccupe au plus haut degré.
En lisant Derek Walcott, on se met dans la position d'un aventurier frayant son chemin dans une jungle luxuriante.
Il faut, à chaque mouvement des yeux sur la page imprimée, dégager d'un coup de machette les lianes et les herbes folles, pour mieux apprécier le paysage qui s'offre à notre regard. Il s'agit, bien sûr, d'un paysage prêt à livrer ses secrets et sa beauté intrinsèque, mais sous réserve d'accepter certaines audaces langagières.
On croit s'abreuver à la source du poète lui-même et c'est toute l'Amérique latine qui se découvre à nous. Alejo Carpentier, (1904-1980), voisine avec Derek Walcott, surtout dans ses romans épiques qui retracent l'histoire de Cuba au XIXe siècle. La même luxuriance langagière, le même intérêt pour l'être humain, la même vision du monde. Ce n'est guère la politique qui triomphe, mais bien la littérature et rien que la littérature. C'est pourquoi, Derek Walcott reste un poète extravagant, un poète debout sur une terre ferme qui n'a pas encore livré toutes ses richesses.


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