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Je savais que j'allais quitter Cuba, vivant ou dans un linceul
Lakhdar Boumediene
Publié dans El Watan le 29 - 05 - 2009

Racontez-nous vos retrouvailles avec votre famille…
Je me suis senti être humain une nouvelle fois lorsque je suis arrivé à l'aéroport militaire français près de Paris et que j'ai revu ma femme et mes deux filles. Ma femme m'a raconté ensuite que ma fille, Rahma, qui avait 18 mois la dernière fois que je l'ai vu, ne m'a pas reconnu de loin (j'étais à 50 m d'eux) à ma descente d'avion. Elle a dit à sa mère : « Ce n'est pas papa ! Celui-là est trop vieux ! ». En fait ma fille s'était habituée à ma photo qu'on voit sur internet. Même ma femme ne m'a pas tout de suite reconnu, jusqu'à ce que je sois à 3 m d'eux. C'est un instant sans pareil, très émouvant. Imaginez que vous revoyez, sept ans après, des gens que vous aimez tant ! Nous avons beaucoup pleuré.
Pensiez-vous sortir un jour de prison ?
Je ne m'attendais pas à ce que ce moment arrive, jusqu'à ce que je reçoive la visite nocturne, le mercredi 13 mai, d'un fonctionnaire français. « Vous quitterez Guantanamo ce vendredi. Votre épouse (qui habite Mascara) a eu son visa et prendra jeudi après-midi le vol pour Paris d'Oran » m'a-t-il dit. Je tiens à dire que le gouvernement français nous a offert beaucoup de facilités. Le consulat d'Oran a envoyé le 10 mai des personnes à Mascara pour aider mon épouse dans les démarches pour le visa et c'est le consul lui-même qui l'a accompagnée à l'aéroport.
Pourquoi c'est la France et non l'Algérie qui a fait toutes ces démarches ?
Mon transfert en France s'est déroulé avec l'accord des autorités algériennes. Mon but absolu était de revoir mon épouse et mes deux filles n'importe où, même sur la lune ! L'option de la France offrait le plus de commodités. J'ai pu signer l'autorisation paternelle pour que mes filles puissent quitter le territoire algérien grâce à l'ambassade d'Algérie à Paris, qui m'a envoyé le document à signer via internet à Guantanamo. Je n'ai donc aucun problème sécuritaire ou judiciaire en Algérie. Je ne suis pas un réfugié politique en France, j'ai un certificat de résidence. C'est pour moi et ma famille une période de convalescence. Je rentrerai en Algérie dans un deuxième temps, à Saïda pour voir le reste de ma famille.
Que représente pour vous ces sept années passées à Guantanamo ?
Un cauchemar noir. Sept ans de cauchemar du 17 janvier 2002 au 15 mai 2009. La torture et puis la grève de la faim que j'ai commencé le 25 décembre 2006. Ils essayaient de me nourrir de force par les narines. Comme j'avais une fracture au nez, ils ne pouvaient m'introduire le tuyau d'alimentation que par une seule narine. Avec le froid – j'étais interdit de couverture – cela me faisait encore plus mal. A un moment, ils ne pouvaient même plus me nourrir de force. Je suis passé par six camps selon le degré des punitions et des interrogatoires, sauf par le camp n°4, le camp médiatique que les médias pouvaient filmer. Depuis ma grève de la faim, je me suis fréquemment retrouvé en isolement. Le 2 janvier 2009, on m'a transféré au camp Iguana, le moins dur. Mais je tiens à préciser que j'ai été libéré alors que j'étais encore en situation de punition, au camp 3, cellule 20. Interdit de shampooing, de savon, de dentifrice…
Comment se passaient les interrogatoires ?
La première année, je parlais beaucoup. Je pensais que les Etats-Unis étaient un pays démocratique, avec des moyens technologiques et des capacités de renseignement qui permettraient de conclure à mon innocence rapidement. Surtout après que la justice bosniaque m'ait innocenté. Mais… (silence), c'était le sommet de la bassesse ! C'était cela l'Administration Bush ! Alors j'ai décidé de ne plus parler. Les enquêteurs semblaient s'amuser. Ils me posaient des questions sur les organisations de bienfaisance en Bosnie, les « Arabes » de Bosnie alors que je ne connaissais que Sarajevo. En 2006, j'ai compris que ma seule défense, c'était la grève de la faim. C'était de l'auto-défense. J'ai été interrogé presque 120 fois par plus de 75 enquêteurs qui se présentaient comme agents du FBI, de l'antiterrorisme, du renseignement, etc. Certains utilisaient la violence, d'autres venaient me chuchoter : « Parle-nous et on te donnera une couverture » ou « parle-nous et on arrêtera de t'empêcher de dormir. »
Avez-vous flanché ?
D'abord, je suis un musulman, un croyant. Je sais que ce qui m'est arrivé était écrit bien avant ma naissance. C'est le destin, avec ses hauts et ses bas. Je savais que j'allais quitter Cuba, vivant ou dans un linceul. J'ai commencé à reprendre espoir grâce, d'abord, à mes avocats américains qui me soutenaient. Ensuite, il y a eu cet enquêteur, le seul qui a été franc avec moi. Il me disait : « Toi 10005 (on m'appelait ainsi à Guantanamo), ton problème, ce n'est pas le terrorisme mais la politique. Il faudrait mener des négociations avec les gouvernements bosniaque et algérien pour ton transfert ». En effet, un délégué du gouvernement bosniaque m'a rendu visite, sans suite. Un autre visiteur officiel algérien n'est venu que pour s'assurer de la nationalité algérienne de certains détenus.
Avez-vous été en contact avec les autres détenus algériens ?
Vous savez, Guantanamo est d'abord géré par des docteurs psychologues, puis ensuite par des enquêteurs. Si un détenu est transféré d'une cellule à une autre ou d'un camp à un autre et se trouve à côté d'un autre détenu, c'est une stratégie étudiée pour espionner ce qu'ils se disent. Je n'ai pas rencontré de « Bosniaques- algériens », sauf un que je ne connaissais pas. J'ai aperçu quelques Algériens. Sans plus. Je sais qu'ils étaient 24 à Cuba – et moi j'étais le 25e. Il en reste une dizaine.
Pour revenir aux accusations américaines, ne pensez-vous pas que vos voyages au Yémen, en Arabie Saoudite, au Pakistan, en Albanie et en Bosnie avaient nourri leurs soupçons ?
(Rires). C'est le destin ! Quand j'ai voyagé au Yémen je ne savais pas qu'il y aurait une guerre entre le Nord et le Sud après mon arrivée ! Il m'a fallu un mois pour quitter le Yémen. Ensuite je suis arrivé en Albanie… Trois ans avant le déclenchement de la guerre. Je travaillais à l'époque pour le Croissant-Rouge des Emirats arabes unis. J'avais demandé à quitter ce pays et on m'a proposé l'Indonésie. J'ai dit que c'était trop loin. On m'a proposé alors la Somalie, mais c'était un pays en guerre. Enfin ils m'ont proposé la Bosnie. Ce n'était pas trop loin de l'Algérie ! Au Yémen j'étudiais la langue française à l'université de Sanaâ et au Centre culturel français. Est-ce qu'un terroriste irait s'inscrire dans ces établissements pour étudier le français ? Mon diplôme est signé par l'ambassadeur de France sur place ! Mais les Américains ont confisqué tous mes documents : mes diplômes, ma carte d'identité, mon passeport, ma carte consulaire délivrée à Rome, ma carte du service national, mon permis de conduire bosniaque, mes certificats de travail, les actes de naissances de ma famille… Il ne me reste que Lakhdar Boumediene, né le 17 avril 1966 à Aïn Soltane…
Rappel
Arrêté en 2001 avec quatre autres Algériens en Bosnie, Lakhdar Boumediene avait été remis aux autorités américaines sous le soupçon qu'il fomentait un attentat contre l'ambassade américaine de Sarajevo, puis transféré à Guantanamo. Après des années de bataille judiciaire, la Cour Suprême reconnaît dans un arrêt du 12 juin 2008 nommé « Boumediene vs. Bush » le droit d'Habeas Corpus aux détenus de Guantanamo, un principe fondamental permettant à un juge de se prononcer sur la légalité d'une détention. En novembre 2008, il est définitivement innocenté. Le 15 mai dernier, il rejoint la France où l'attendaient sa femme, Abassia Bouadjimi et leur deux filles, Radjaâ, 13 ans et Rahma, 8 ans. Le gouvernement français s'est engagé à donner à l'ex- détenu les moyens pour qu'il s'intègre : formation, aide à la recherche d'un travail… La France est le premier pays de l'Union européenne à accueillir un détenu libéré de Guantanamo qui ne soit ni un résidant ni un citoyen français.
Adlène Meddi, Mélanie Matarese


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