Car même disposant de réserves en devises conséquentes et de ressources dans le fonds de régulation des recettes (FRR) estimées à plus de 4000 milliards de dinars, la situation financière de l'Algérie est loin d'être confortable, surtout après l'annonce d'un nouveau plan de développement quiquennal de 286 milliards de dollars. Un programme dont peu d'économistes remettent en cause la possibilité de sa mise en œuvre, tant que les prix du pétrole seront au-dessus des 80 dollars. La tendance actuelle du marché pétrolier leur donne pour l'instant raison. Toutefois, ce plan, selon le professeur Kouider Boutaleb, «ne semble pas s'inscrire dans une stratégie nationale de développement tant le document de sa présentation n'est pratiquement qu'une simple liste de projets accompagnés d'affectations budgétaires». Le nouveau plan quinquennal censé démarrer en 2010 consacre encore une grosse part de financement à la réalisation des infrastructures, mais en comparaison, les investissements réservés à l'amélioration des capacités productives et exportatrices des entreprises nationales paraissent bien maigres. Des capacités qui ne se sont pas beaucoup améliorées, même avec l'entrée en vigueur des mesures contenues dans la loi de finances complémentaire de 2009. On se souvient, le gouvernement s'était fixé comme objectif de réduire la facture des importations de 5%, ce qui semblait bien parti au début de cette année avec une baisse de 5,4% durant les cinq premiers mois. Mais, à la fin des dix premiers mois de 2010, la baisse de la facture d'importation par rapport à l'année précédente n'était plus que de 1,78% et au rythme où elle est partie, elle ne devrait pas être loin des 40 milliards de dollars à la fin de l'année. De quoi s'interroger sur l'efficacité des mesures prises par le gouvernement pour réduire la facture d'importation comme la suppression du crédit à la consommation. D'ailleurs, selon certains économistes, ce n'est pas le crédit à la consommation qui a grevé la facture d'importation, mais plutôt le programme quinquennal de développement qui s'est traduit par la hausse des importations des biens d'équipement. D'ailleurs, une récente étude de l'Observatoire de l'information économique du Forum des chefs d'entreprise a relevé que « la part des biens d'équipements industriels dans les importations, durant la période 2002-2008, a augmenté de 36% à 42% en raison des besoins en équipements industriels induits par la mise en œuvre du programme de soutien à la croissance initié par les pouvoirs publics ». Le changement dans la continuité En 2010, l'Algérie a encore les hydrocarbures comme seule ressource fiable en devises et il serait peu probable que cela change à court ou moyen terme. Ce n'est pas le énième remaniement du gouvernement opéré en juin dernier qui risque d'y changer grand-chose. Le professeur Boutaleb n'y voyait d'ailleurs qu'une simple «permutation». Ce remaniement avait coûté sa place au ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, emporté par le scandale de corruption révélé à Sonatrach, entraîné une énième réorganisation du ministère de l'Industrie et de la Promotion de l'investissement auquel on a rattaché la PME (sous la houlette d'un nouvel arrivant Mohamed Benmeradi), et la mise à l'écart de Abdelhamid Temmar pour qui un nouveau portefeuille a été créé, celui de la prospective et des statistiques. Pour le professeur Boutaleb, ce changement «n'augure pas d'un changement de perspectives et de gouvernance sans doute moins encore», même si le retour au concept du tout Etat semble se confirmer de plus en plus dans la démarche des pouvoirs publics et la notion de préférence nationale de plus en plus ancrée. Le gouvernement a déjà fait savoir que l'aide va se poursuivre pour réhabiliter les groupes industriels publics dont certains ont déjà bénéficié de l'aide du fonds national d'investissement. Le gouvernement espère d'ici les 5 prochaines années doubler la part de l'industrie dans le PIB pour la porter de 5% à 10% à l'horizon 2014.
Il faudra sans doute attendre l'évolution des cours du pétrole pour savoir si cet objectif sera réalisé tant l'économie algérienne est étroitement liée à cette ressource énergétique rare et épuisable. Le FMI a bien résumé dans son rapport 2010 sur l'Algérie les enjeux pour notre pays : l'économie «reste trop tributaire des exportations d'hydrocarbures (et) le chômage reste relativement élevé», a relevé cette institution en soulignant que la «croissance hors hydrocarbures et la création d'emplois sont soutenues dans une large mesure par les dépenses publiques», d'où «la nécessité pressante d'accélérer les réformes structurelles pour diversifier l'économie et permettre l'émergence d'un secteur privé compétitif et orienté vers l'extérieur».