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Dahmane : après les pirates somaliens, «prise en otage» par IBC
Publié dans El Watan le 30 - 03 - 2012

Ses yeux bleus fixés vers la mer, Dahmane est redescendu sur terre. Drôle d'image pour un marin. De sa détention en Somalie, après la prise d'otage du MV Blida en janvier 2011, il n'a rien ramené. A part une arthrose. Pour l'instant, lui et ses camarades, restés onze mois captifs des pirates somaliens, n'ont perçu aucune indemnité. Depuis trois semaines, ils manifestent quotidiennement, avec d'autres employés d'IBC, devant le ministère des Transports. Ils exigent le versement de leurs arriérés de salaire et des engagements clairs et écrits sur leur avenir professionnel. «Il y a beaucoup de mensonges.
Et ils te préparent déjà le terrain avant de venir. Vous allez partir sur des remorqueurs, vous allez travailler, vos salaires sont clairs, mais il n'y a pas un écrit, que des paroles», s'insurge Dahmane. Assis sur un banc, face à la mer, à Bologhine, ce grand gaillard de 49 ans se souvient de ce 1er janvier 2011. Le jour où sa vie a basculé. Il se trouve alors à bord du MV Blida, navire d'IBC au large des côtes somaliennes. C'est le jour de l'an, les marins sont au repos, rien à signaler. A 14h, une embarcation rapide approche, chargée de pirates «armés jusqu'aux dents». Ils prennent possession du navire. C'est le début de onze mois d'enfer pour les marins. «Les deux, trois premiers mois, c'est un régime militaire. Tu dors à 18h, tu manges à 5h. De temps en temps, il n'y a pas à manger. Il n'y a plus de pain. Il n'y a pas d'eau. Pas de lumière non plus», raconte Dahmane.
Requins
Il ne donne pas beaucoup de détails, tous les jours se ressemblaient. A partir du quatrième mois, les marins ne peuvent toujours pas quitter le navire, mais ils peuvent circuler librement sur le pont et pêcher. Ce qui n'a cependant pas changé, c'est la peur au quotidien. Parfois, les pirates deviennent nerveux et menacent les otages : «On va vous tuer, on va vous égorger ! Vous jeter à la mer, les requins…» Encore aujourd'hui, Dahmane revit ces scènes dans ses cauchemars. Au cours de sa détention, il ne peut contacter sa famille que trois fois, par téléphone. Pour les pirates, il ne s'agit pas d'un geste d'humanité, mais d'un moyen de pression. Celui-ci se révèlera en quelque sorte efficace, car Dahmane et ses collègues assurent qu'une rançon a fini par être versée.
Pendant leur captivité, les marins observent plusieurs fois le même manège. Un certain nombre de navires et leurs équipages, pris en otages comme eux, sont restés plusieurs mois en vue du MV Blida. Parfois, un avion vient et largue un paquet à la mer. Des embarcations viennent le récupérer, et un bateau s'en va… Le soir du 1er novembre, alors que des rumeurs contradictoires circulent depuis quelque temps, le «boss» des pirates se rend à bord du navire algérien, accompagné d'un des négociateurs. Vers minuit, Dahmane et ses compagnons apprennent qu'ils vont être libérés le lendemain matin. Le marin se souvient de l'émotion suscitée par cette annonce : «Oh, quelle joie… On n'a pas dormi, excités, heureux. On a fumé des cigarettes, bu du thé. Même eux (les pirates), ils étaient heureux. Ils allaient prendre l'argent.»
équipe nationale
Le lendemain, rien ne se passe, la déception est immense. Les pirates donnent toutes sortes d'explications : il y aurait eu une tempête et l'avion de la rançon n'aurait pas pu venir. Bien loin des côtes somaliennes, sur son banc de Bologhine, Dahmane allume une cigarette et explique qu'il faut un moral d'acier quand on est pris en otage. Lui et ses compagnons ont tenu tout au long de leur captivité, mais un tel revirement de situation, une telle déception, c'était trop : «On était vraiment finis…» Finalement, le 3 novembre, au bout d'une nuit sans sommeil, trois embarcations pleines à craquer d'hommes en armes abordent le MV Blida. On annonce aux otages que l'argent sera livré à 10h, et qu'ils pourront partir ensuite. Pour Dahmane, les heures qui suivent sont interminables.
L'avion est en retard. A 13h, l'appareil arrive enfin. Après un premier passage pour prendre des photos, un sac est parachuté. Le MV Blida est prêt pour le départ, il peut reprendre sa route, avec onze mois de retard, vers le Kenya. A Mombassa, les ex-otages sont accueillis par des officiels algériens. Dahmane montre une photo de lui tout sourire, avec ses collègues, vêtus du maillot de l'équipe nationale. Ils passent ensuite six jours à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja. Tout semble rentrer dans l'ordre. Notre marin se rappelle qu'on leur promet alors le versement très prochain de leurs salaires et d'indemnités…
Tour du monde
La mer, elle, ne l'a jamais déçu. Quand Dahmane passe le concours de l'école des mousses de Beni Saf en 1978, il souhaite, sur les pas de son frère, embrasser une carrière maritime. Il a alors 15 ans. Comme ses voisins et ses amis du quartier de Bologhine, à Alger, il a grandi face à la mer. Celle-ci l'a toujours attiré. L'année suivante, son premier voyage l'emmène jusqu'au Canada. Pendant plus de trente ans, il parcourt les océans, de la Chine au Venezuela, à bord des bateaux de la CNAN. Avec fierté, mais sans exubérance, il résume : «J'ai fait le tour du monde.» La belle époque a duré jusqu'au milieu des années 1990. Dahmane en garde le souvenir «des amis, du travail fait ensemble». Il se rappelle de «bons officiers», d'un respect mutuel quel que soit le niveau hiérarchique, de l'investissement de chacun pour la «boîte».
Aujourd'hui, assis sur un banc, face à la mer, dans le quartier où il a toujours vécu, Dahmane a l'impression d'avoir été bien naïf. Ses yeux bleus ne mentent pas. Il a vécu, il en a vu d'autres, mais finir sa carrière dans un tel mépris, il ne s'y attendait pas. Cela fait déjà longtemps que les choses ont commencé à se gâter. Dès 1997, les conditions de travail se dégradent, des navires sont vendus, l'avenir s'assombrit pour les marins de la CNAN. Dix ans plus tard, le groupe est en crise, la privatisation bat son plein, et Dahmane, comme 359 de ses collègues, est détaché auprès d'un tout nouvel armateur, International Bulk Carrier (IBC). IBC est un partenariat entre CNAN Group et le groupe jordano-saoudien Pharaon/CTI. Nous avons plusieurs fois tenté de joindre IBC et la CNAN. En vain.
Arrêt cardiaque
Au premier abord, rien ne permet d'imaginer que Dahmane ait vécu pareille aventure. Il en parle peu, d'un air très détaché. C'est «du passé», et le présent ne vaut pas beaucoup mieux. A part un unique versement de 100 000 DA, le marin et sa famille affirment n'avoir rien touché depuis quinze mois. Dans l'unique pièce de leur logement, Dahmane, sa femme, sa fille de 8 ans et son fils de 4 ans «vivent au jour le jour» grâce à la solidarité du quartier, de la famille et de la mosquée. Le marin pense aussi à ses collègues d'IBC, qu'ils soient ex-otages ou non, tous dans la même situation. Il ne s'estime pas tant à plaindre. Deux employés de la compagnie sont décédés il y a quelques jours d'un arrêt cardiaque. Le personnel navigant d'IBC est en effet victime d'une situation qui le dépasse. La création d'IBC, présentée aux marins comme la meilleure solution aux difficultés de la CNAN, est loin d'avoir tenu ses promesses. Les huit navires de l'armateur, battant pavillon algérien, sont immobilisés dans différents ports, aux quatre coins du monde.
Les 260 employés restant sur 360 en 2007, alors que le contrat était censé assurer la pérennité de l'emploi, sont ainsi au chômage technique et n'ont pas été payés depuis plus d'une année. D'après le magazine Le Phare, avant même que la création d'IBC ne soit finalisée, ses navires ont été frétés «en coque nue» à Leadarrow, une filiale de CTI basée au Panama. Leadarrow louait ainsi les navires et leurs équipages et était chargé de «la gestion commerciale, technique et nautique». Mais la crise passe par là, et un premier contentieux voit le jour. Leadarrow souhaite vendre trois navires, ce que refuse la partie algérienne. En mars 2011, Leadarrow annonce vouloir mettre prématurément un terme au contrat qui le lie à IBC et restituer les navires à l'armateur. Des procédures d'arbitrage sont actuellement en cours à Paris et à Londres.
Depuis, les navires sont bloqués, les équipages ont été débarqués, et la CNAN, IBC et Leadarrow se rejettent la responsabilité du payement des salaires du personnel navigant. Alors aujourd'hui, non, Dahmane ne souhaite pas rembarquer. Il lui reste une année avant de pouvoir prendre sa retraite. Il ne désire désormais qu'une chose : «Rester avec sa petite famille.» Il sait cependant que rien n'est joué. A ses collègues qui reprendront la mer, il souhaite bon vent et de ne plus faire les mêmes erreurs. «Il ne faut pas être naïf, croire aux paroles en l'air. Il faut toujours exiger des écrits.» Ce dimanche, Dahmane n'est pas allé au sit-in. Sa fille de 8 ans est malade, et sa jambe lui fait mal à rester debout toute la journée. Pour lui, le voyage est terminé.


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