Lyon De notre correspondant La vie recommence après 60 ans ? C'est un peu le cas pour Djamel Djenidi qui, depuis Montpellier, à 63 ans, relance sa carrière d'artiste amateur, en lui donnant des airs de professionnalisme. Pour le chanteur algérien, qui, toute sa vie, a compensé la vie laborieuse en la teintant de musique dans son temps libre, la passion pour Georges Brassens lui amènera le tournant dans son existence. Le disque qu'il lui consacre, De Sète à Alger, reprend onze chansons du grand auteur compositeur français, décédé en 1981. Deux ont été traduites en arabe : Une jolie fleur, qui devient Khad el warda, et Je rejoindrai ma belle (Twahacht h'bibti). Cette dernière bénéficiant de la meilleure transcription chaâbie, très agréable, même si l'ensemble des titres tinte au son d'Alger. «C'est la première fois que Brassens est traduit en arabe», nous confie-t-il. «Tout a commencé pour moi en 2007, lors d'un concert au palais de l'Unesco, le programme s'intitulait ‘‘Quand un poète enchante le monde !'' Avec Brassens dans toutes les langues et, là, un ami m'a demandé d'en faire une en arabe. Je pensais que cela avait déjà été fait. Il s'avérait que non. J'ai traduit Une jolie fleur. Je suis, selon les spécialistes de Brassens qui épluchent tout ce qui touche au chanteur, le premier à avoir traduit ses chansons en arabe. Les deux sont dans mon album. Il y a eu, par contre, des Algériens qui ont chanté Brassens façon algérienne, mais en français. Comme Amazigh Kateb qui a repris L'Auvergnat. Il y a aussi Baâziz qui a chanté Je me suis fait tout petit devant une poupée. Et en kabyle Idir a fait Les trompettes de la renommée». Drôle d'itinéraire pour ce sexagénaire qui avoue avoir «toujours fait de la musique de manière informelle, en amateur, c'est la première fois que j'enregistre quelque chose. Pendant trente ans, j'ai fait de la musique latino-américaine. J'étais un chanteur latin. A cette époque je tentais cependant d'introduire un peu de style chaâbi. Je voyais que cela avait un impact et l'idée, peu à peu, est venue de là. Ça prend bien !». Djamel Djenidi est totalement passionné par l'auteur de Les copains d'abord. «C'est le meilleur, et il est reconnu par ses pairs pour la qualité de ses musiques et de ses textes. Chacune de ses chansons est un vrai petit bijou de versification de poésie, de culture. Il occupe une place à part. Depuis sa mort, il n'y a pas de chanteurs qui sont autant célébrés dans nombre de festivals qui portent son nom. Avec chaque fois des tribus d'amateurs qui se déplacent. Je vais chanter bientôt en Belgique dans un festival annuel. Il y a un noyau de passionnés.» Pourtant, le chanteur reconnaît que tout Brassens n'est pas à mettre dans toutes les oreilles : «Je ne me lancerai jamais dans l'adaptation de chansons comme Fernande ou Le Gorille. Tout ce qui est trop cru fait partie de lui et il y a aussi les airs trop jazz que je ne pourrais pas transcrire en chaâbi. De plus, le style chaâbi est une écriture fine, précieuse pour toute la famille», explique Djamel Djenidi pour qui les références algéroises sont El Hadj El Anka et Dahmane El Harrachi, «qui a apporté la modernité avec des chansons plus courtes et qui parlent de choses quotidiennes en introduisant les chœurs féminins que je lui ai empruntées, il a été novateur. C'est une référence». Le public d'Alger pourra peut-être applaudir Djamel Djenidi un jour prochain avec son groupe El Djamila. «C'est mon rêve, j'ai été approché par l'Institut culturel français. J'aimerais bien faire connaître mon répertoire en Algérie. Des amis à Alger m'ont dit, ‘‘ton CD, il va être piraté''. J'ai dit que cela me ferait plaisir, cela prouverait au moins que des Algériens aiment mes interprétations de Brassens».