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Apprendre en agissant
Publié dans El Watan le 08 - 06 - 2014

Puis, lentement, sont venus le tableau noir et toutes les merveilles de «l'enseignement par l'aspect», on a dit alors aux élèves : «Ecoutez, voyez, observez.» Aujourd'hui, c'est l'introduction de l'expérimentation directe, l'enseignement par l'action.
L'enfant est tout oreilles et tout yeux, il est aussi tout action : il manipule, il utilise pratiquement à l'école les poids et les mesures, il fait des métrés et des cubages, il apporte pour les leçons de sciences l'insecte, la fleur ou l'objet qu'il examinera, analysera, disséquera…, un moyen de pratiquer le «learning by doing». Apprendre en agissant, c'est augmenter la part de «l'exercice», qu'il parle, qu'il compose, qu'il résout des problèmes, qu'il dessine, qu'il fasse «un devoir écrit» qui soit une production plutôt qu'une reproduction, il agit, il réalise, il se fait en faisant.
En effet, l'activité de l'enfant, dans notre enseignement du 1er degré, est essentiellement pratique. Il ne faut jamais perdre de vue que les élèves de l'école primaire n'ont pas de temps à perdre en discussions oiseuses, en théories savantes, en discussions scolastiques.
Certains de nos enseignants débutants, non formés, hélas, recrutés dès leur sortie de l'université, ignorent les sciences de l'enseignement : la pédagogie, la psychologie de l'enfant, la psychopédagogie. Et il faut ajouter à cela la législation scolaire, un autre volet important dans la formation de l'instituteur qu'ils méconnaissent.
La nécessité d'aller vite, de gagner du temps les conduit à user de la méthode la plus économique à cet égard : le didactisme.
Ils procèdent donc par leçons et exposés, donnant un enseignement «ex cathedra» et une éducation toute fondée sur son autorité intellectuelle, appuyée au besoin sur son autorité disciplinaire. C'est le règne de la parole et du livre, de l'abstraction et du verbalisme, de la mémorisation, du «savoir par cœur, du bourrage de crâne», dénoncé par Montaigne, de la contrainte et de la passivité. L'élève essaie de retenir ce qu'il entend, d'amasser tout ce qu'il peut.
La psychologie de l'enfant et des lois du fonctionnement de l'esprit sont nécessaires à la formation de nos enseignants débutants. Ils se rendront compte que l'enfant est un être en continuel devenir, présentant à chaque stade de son développement des possibilités particulières, des traits différents de caractère, des incapacités aussi devant lesquelles il convient de s'incliner.
Pour bien enseigner ce qu'il n'est pas permis d'ignorer, il faut savoir choisir et doser, suivant leur âge, les connaissances qu'ils auront à assimiler.
Pour une classe vivante
«Point de ces leçons qui tombent comme la pluie et que l'enfant écoute les bras croisés», disait Alain. «Faire la leçon, c'est parler en tenant sous son regard trente têtes dressées». C'est sans indulgence qu'il jugeait ce monologue : il l'estimait à la fois prétentieux de la part du maître et abrutissant pour l'élève : «L'école primaire offre ce spectacle ridicule d'un homme qui fait des cours. Je hais ces petites Sorbonne… Il n'y a point de plus sot personnage que l'écouteur qui boit les paroles et fait oui de la tête.»
La leçon dogmatique que l'enfant subit passivement est inefficace. On ne croit pas au transvasement des connaissances. «La vérité ne peut être versée d'un esprit dans un autre : pour celui qui ne l'a pas conquise en partant des apparences, elle n'est rien.» Et Alain ajoute plus loin : «La culture ne se transmet point : être cultivé, c'est remonter à la source et boire dans le creux de sa main, non point dans une coupe empruntée.»
Ces considérations philosophiques sont d'ailleurs appuyées sur des constatations pratiques : d'une leçon magistrale, il ne reste presque rien après huit jours, et après quinze jours il ne reste rien du tout. Les expériences réalisées par Binet et Simon dans les écoles parisiennes ont confirmé dans une large mesure ces remarques pessimistes. Dès lors, on ne saurait s'étonner de ce qu'Alain en ait conclu catégoriquement, que nul ne s'instruit en écoutant, condamnant par là- même la leçon qui tombe comme la pluie.
Point de dogmatisme pur donc. Alain n'est ni le premier ni le seul à y souscrire. Montaigne a déjà dit : «On ne cesse de criailler à nos oreilles comme qui verserait dans un entonnoir.»
En histoire, en géographie, en sciences, en technologie, ce qu'on appelle encore leçon par habitude, c'est un exercice d'observation qui mobilise toutes les forces mentales de l'élève et le conduit à la conquête active des réalités.
Ce qui compte, dit Hubert dans son traité de pédagogie générale, ce n'est pas l'entassement des connaissances, mais la façon de les acquérir. Entasser, c'est mettre en tas, c'est-à-dire accumuler en vrac. Lorsque le maître part du principe qu'il doit consacrer toute son activité à transmettre ses connaissances à ses élèves, il se trouve presque fatalement porté à vouloir leur en communiquer le plus possible et à devenir sinon l'esclave, du moins le serviteur zélé du primat de la quantité.
Loin d'être un entassement de connaissances, l'enseignement primaire est avant tout éducation, culture de l'esprit : il développe le jugement, l'esprit d'observation et le raisonnement en les exerçant, c'est-à-dire en amenant l'enfant à juger, en le faisant beaucoup observer, en l'aidant à raisonner. Ici, l'accent est porté non plus sur la quantité des connaissances mais sur leur qualité, et non pas sur leur qualité prise pour elle-même, mais retenue en raison de ses fins éducatives : «Dans l'océan immense des notions qui peuvent être offertes à des enfants, puisons celles qui sont susceptibles de former leur jugement tout en servant à leur vie pratique et réciproquement.»
L'éducateur aura besoin de toute sa connaissance et toute son énergie pour s'affranchir de la routine. Sa tâche est un perpétuel recommencement. Au fur et à mesure qu'il découvre la diversité des âmes enfantines, il arrive à diversifier ses méthodes et à renouveler ses procédés. Quelle que soit l'expérience acquise au cours d'une longue carrière, il est une expérience qui ne s'acquiert qu'au jour le jour et par un travail d'adaptation sans cesse poursuivi : c'est l'expérience de la classe vivante. Cette adaptation au niveau de son auditoire exige de la part de l'institution une révision constante de ses méthodes. Il devra renoncer à un enseignement trop exclusivement verbal et suivre davantage l'activité des enfants, afin de laisser se dégager et s'affermir leur personnalité, qui se disciplinera elle-même au contact de la vie collective de la classe en action.
Méthode intuitive, pratique, inductive et active
Ce qui compte donc, c'est la méthode. Celle-ci doit être intuitive, pratique, inductive, active.
– Intuitive : elle compte sur «la puissance innée qu'a l'esprit humain de saisir du premier regard les vérités les plus simples et les plus fondamentales». Mais cette forme d'intuition, qui relève surtout du domaine du concret et de l'expérience vécue, se complète d'une autre forme plus intellectualisée. C'est celle qui, précisément, va permettre à l'enfant d'échapper à l'emprise paralysante du concret pour atteindre au monde des idées claires. Elle va assurer le passage du sensible à l'abstrait, de l'empirique au théorique, de l'exemple à la règle ou à la loi.
– Pratique : elle ne perd pas son temps en «discussions oiseuses, en théories savantes, en curiosités scolastiques».
– Inductive : elle part de faits sensibles pour aller aux idées.
– Active : elle fait un appel constant à l'effort de l'élève devenu l'associé du maître dans la recherche de la vérité. Cela se traduit sur le plan pratique de la conduite de la classe par deux obligations :
– partir de ce que les enfants savent, les conduire du connu à l'inconnu, leur faire découvrir les principes et les règles qu'ils appliquent inconsciemment ;
– faire voir et toucher les choses, mettre l'enfant en présence des faits et des réalités pour les exercer à en dégager l'idée abstraite à comparer, à généraliser, à raisonner ;
– apprendre à observer doit être l'un des principaux soucis de nos éducateurs. Ce souci doit être inséparable de deux autres : apprendre à associer, apprendre à exprimer. C'est à cette condition seulement que l'observation protègera nos élèves contre le verbalisme et les acheminera vers le stade de l'esprit scientifique.
Une classe est active si les élèves y vivent non dans le monde artificiel qu'est trop souvent le monde scolaire, mais dans la vie même si leur esprit s'ouvre sur des réalités chaque jour plus vastes et plus riches, s'ils y apprennent à «butiner deçà delà» et à faire leur «miel qui est tout leur» comme le voulait le sage Montaigne, précurseur de l'éducation nouvelle.
Conduire une classe primaire, c'est en définitive laisser à l'enfant le temps de penser au lieu de lui remplir la mémoire d'idées toutes faites : M. Hubert est en somme comme Montaigne, partisan d'une tête bien faite plutôt que d'une tête bien pleine. C'est pourquoi, se tournant vers l'enfance, période où l'être humain est en plein effort d'adaptation à un monde qui lui est encore en grande partie inconnu, il estime que «l'éducateur doit considérer comme sa tâche professionnelle immédiate et essentielle l'éducation de ses élèves en vue de leur conduite pratique».
Cette affirmation est le fruit direct du pragmatisme (du grec pragma, action), lancé par James en 1898, mais pratiqué avant la lettre par bien des philosophes, de Socrate et Aristote à Loke, Berkeley et Hume. On a dit du pragmatisme qu'il s'efforce d'unir empirisme et rationalisme. En fait, il place sans équivoque les vérités ayant passé à l'acte avant la vérité en puissance intellectualiste, tournant le dos à l'abstraction, au verbalisme, à l'absolu, au dogme. Il porte ses sympathies vers les faits et l'activité efficace.
En un mot, il pose le primat de l'action. C'est au contact des choses que l'intelligence enfantine doit s'éveiller et que la mémoire trouve d'abord à constituer, selon l'expression même de Rousseau «ce magasin de connaissances qui servent à son éducation pendant sa jeunesse et à sa conduite dans tous les temps». Mais à mesure que l'enfant grandit, le champ de l'expérience directe devient insuffisant et le livre conçu comme la vie condensée doit élargir cette expérience dans l'espace et le temps. Ainsi, l'enseignement du premier cycle peut atteindre sa fin essentielle : préparer l'enfant à apprendre, l'y rendre apte à la fois en cultivant son intelligence et sa mémoire, en mettant également à sa disposition les instruments nécessaires d'investigation et d'acquisition.
La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne
L'éducation est encore plus que l'enseignement, un don choisi. L'enseignement, strictement parlant, ne porte que sur le don des connaissances. L'éducation est un acte plus large qui embrasse la formation de tout l'être. Eduquer, ce n'est pas seulement emplir ou former l'esprit, c'est aussi former le cœur des enfants, les aider à s'élever vers cet idéal de bonté, de justice, de tolérance et d'amour que l'être humain est le seul à concevoir.
Eduquer, c'est plus qu'enseigner. C'est communiquer sa propre foi dans ses valeurs qui donnent tout son prix à la vie humaine et auxquelles celle-ci est prête à se sacrifier. Quand Socrate interroge les jeunes gens, c'est pour leur faire découvrir ces vérités qu'il connaît déjà, mais c'est aussi pour leur insuffler des lois. Eduquer, pour Pestalozzi, est un acte de charité et d'amour, comme pour Tolstoï, comme pour Bakulé, comme pour tout véritable éducateur : c'est-à-dire un acte qui exige de soi le don total et désintéressé.
La joie est dans l'action
La vie au milieu d'enfants actifs, heureux, qui se développent harmonieusement, fait que nous restons jeunes au milieu de cette jeunesse. Nous gardons notre jeunesse de cœur et notre jeunesse d'esprit grâce à une curiosité jamais satisfaite, toujours en éveil, des désirs toujours nouveaux, et par-là, nous restons toujours actifs, alertes, délivrés de la routine et de l'ennui, travaillant avec passion, ce qui est le secret de la réussite et de la joie.


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