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L'après-pétrole est au prix d'une rupture systémique
Publié dans El Watan le 16 - 10 - 2015

Tout ce qui est création de valeur est voué à ses gémonies. L'après-pétrole se fait avec des forces entrepreneuriales autonomes. Or, la naissance d'un espace entrepreneurial autonome est une chose que refuse énergiquement le système. Les forces capables de faire bouger les grandes lignes de l'espace économique sont combattues sur l'autel d'un compromis avec les tenants de la globalisation. Pour que cet après-pétrole puisse avoir une chance de devenir une réalité, il faudrait quelque chose comme une force qui émerge et obligera, de par sa nature différente et son poids, le système rentier à céder. Or, les agents entrepreneuriaux sur lesquels il compte le réaliser ne fonctionnent qu'avec du «pétrole». D'ailleurs, ces derniers apparaissent beaucoup plus dans leurs relations au pouvoir politique que dans les rapports qu'ils devaient établir avec l'espace entrepreneurial ou concurrentiel : leur réputation est construite d'une façon extra-entrepreneuriale.
L'après-pétrole n'est, par l'habitude du langage, qu'un rituel périodiquement revisité, dont les célébrations s'annoncent avec le mouvement descendant des cours du pétrole. Quand on est dans un statu quo et qu'on a l'intérêt et la parfaite disposition d'y rester, on marmonne sur un avenir qu'on se refuse, celui qu'on nous refuse, on se trahit dans la limite de formes langagières, dans la mesure d'une certitude qu'on s'en prendra autrement dans les faits.
L'après-pétrole est sciemment réinventé pour esquiver la question de la rupture systémique. L'après-pétrole est ce que le système n'est pas. Il est ce qu'il voit en réfractaire, en perturbateur avéré, un signe de sa fin du monde. L'après-pétrole du système n'obéit à aucune stratégie ou vision économique. Celui-ci est une source de rente de rechange qu'il veut faire passer dans la réalité en se payant des mots : économie diversifiée, après-pétrole… Dans les faits, il n'est pas autant inquiété par les dégringolades du cours du pétrole, puisqu'il en trouve malgré tout un contexte propice pour faire passer ses «pilules empoisonnées» : le gaz de schiste comme son après-pétrole.
Apparemment, il n'y a que la baisse des prix du pétrole qui puisse faire sortir les décideurs de leurs réserves. Comment et pourquoi, en tant que régime institutionnel particulier, il n'y a que l'inversion de la courbe des cours du baril qui puisse les faire parler ? Et, pour dire quoi ? Comment ceci peut embarrasser un système dont les grands moments de turbulences sociales et politiques de l'Algérie indépendante s'est montré malléable pour gouverner aussi bien dans les périodes de disettes que dans celles de bonnes récoltes rentières ? En effet, ses craintes s'accroissent en raison inverse de l'évolution des cours, car :
a. L'amenuisement de la masse globale rentière nécessaire au maintien des réseaux de clientèles risque de provoquer des restructurations dans la configuration du système, c'est-à-dire de mécontents qui vont par la force de déclassement systémique alimenter les factions rivales. Dans les années fastes de l'économie rentière, les appétits s'accroissent et les clientèles s'élargissent. Ceux qui en ont fait l'entrée et en tirent des dividendes ne se déboulonnent pas, fusse grande la colère que les décideurs versent dans le champ médiatique.
L'effet de l'enracinement veut dire que les concomitances structurant objectivement les rapports au pouvoir politique ne peuvent disparaître sans emporter avec elles le système. De plus, les gens rentrent dans le système pour ne pas s'en dissocier. Le risque de s'en prendre à quelques positions et de mise en œuvre de mesures pour évincer de gros intérêts parmi le commerce de l'importation, sans nuire aux rédacteurs de communiqués qui les félicitent régulièrement au lendemain de chaque scrutin, est une entreprise périlleuse pour le système.
b. Les hommes du système prennent très au sérieux les révolutions par la rue. Le rétrécissement des marges de manœuvre du «pouvoir des rentiers» ferait sortir la population dans la rue, créant un mouvement de contestation qui sera rallié par des personnes au passé systémique qui tenteraient de récupérer le mouvement. Les révolutions dans le palais ont une réalité visible dans les élans contestataires qu'on voyait en Kabylie et maintenant au Sud.
Politiquement, les mouvements de contestation sont des stratégies d'exhibition d'une force ou d'une capacité de nuisance faite pour résister en hautes sphères. Faire descendre une population dans la rue est un «droit de veto», une «minorité de blocage» qui prend la forme d'une propriété systémique que le système ne peut justement dégommer de ses «statuts». Dans la structure de la distribution du pouvoir, les moins pourvus s'en remettent à un segment de population pour agir ; ils retrouvent en elle ce qui leur manque comme énergie pour retarder leur chute.
c. L'amenuisement des recettes est un à-coup qui discrédite les réputations qu'ils estiment acquérir en bâtisseurs et en aménageurs. La baisse des prix du pétrole déshabille le populisme et prépare les artères aux bruits des bottes. Le durcissement des inerties et l'alourdissement des coûts infligés par la reproduction systémique défient toutes les voies de sagesse et de prise de conscience et s'affirment ouvertement et vaille que vaille comme des choix des jusqu'au-boutistes.
Et ceci même si les instruments de légitimation du système sont socialement mis à l'épreuve et ne produisent plus les mêmes espoirs. Pour préserver sa suprématie, il puise dans l'économie distributive. La planche à billets, les comportements budgétivores, ses dépenses ostentatoires sont, en intensité, proportionnés aux rejets qui lui sont imposés d'ici-bas et rythmés par la détérioration des crédits qui lui sont accordés. Plus il se trouve éloigné des aspirations des populations, plus il fait dans la massification de leur emploi.
Et ce qu'il n'obtient pas par la rente, il a comme invariant de l'obtenir par la violence. Et si la violence étatique semble être actuellement au repos, c'est que la rente est bel et bien toujours au travail. Le jeu du système rentier populiste se fait sur deux registres dont il a l'accoutumance d'alterner les usages : la violence et la rente.
Les intrépidités du système nous livrent déjà une image sur les contreparties, les renoncements, les abandons qu'il aura à réclamer et à arracher de bon gré ou mal gré pour se garantir une énième fois sa propre reproduction. En attendant, le système continue de jouer à fonds perdus sur le compte de l'avenir du pays.
d. La baisse des prix risque de mettre le pouvoir dans l'incapacité de pouvoir racheter le silence des capitales occidentales. En fait, il ne faut pas exagérer la baisse des prix de pétrole, comme on ne peut comprendre les rapports du système au reste du monde, sans démystifier la loi de l'offre et de la demande.
La baisse ne peut franchir le seuil à partir duquel les systèmes rentiers qui les serrent entreraient en convalescence, car non seulement elle compromettrait des équilibres difficiles à reconstituer, mais aussi elle fera perdre un pouvoir d'achat pour lequel les Occidentaux, les USA en tête, n'ont pas de substituts pour le moment. Pour l'heure, les Occidentaux veulent tout brider et ceux qui sont faciles à brider sont les systèmes totalitaires. Peut-on imaginer un moment ce que rapporte aux tenants de la globalisation le seul fait de crier à la dictature.
L'âge du système se confond avec l'âge des rentiers. Sa longévité dépendrait de sa faculté à défendre les frontières et la structure de l'espace marchand de sa création. Certes, il n'est pas éternel, il est durable. Cependant, les voix qui s'élevaient çà et là pour créer à la crise du système n'ont fait que renforcer in fine son assise et son hégémonie. Leur tort est de continuer à placer leurs espoirs dans ses coups fomentés. Le système ne sera en crise qu'une fois la logique spécifique de fonctionnement de l'espace économique est modifiée. Mais le système n'est pas simplement un ensemble de noms et de prénoms, mais un ensemble de positions construites sur la base de capitaux économique et politique.
Le capital économique est un pouvoir d'achat créé par la capacité de disposer de ressources rentières. Le capital politique est le pouvoir d'imposer des légitimités à l'exercice du pouvoir politique. La naïveté, quelquefois intéressée, des uns et des autres, consiste à inscrire les changements sans remettre en cause la nature du système ou, comme c'est fréquent, à implorer le système à l'intérieur duquel ils aimeraient trouver les volontés nécessaires. Le degré de plasticité de la configuration actuelle du pouvoir est très réduit pour conclure sur l'existence de signes présageant la naissance d'une nouvelle configuration. En d'autres termes, il a toujours géré son statu quo avec les couleurs d'une évolution. Sinon, celui-ci a toujours les moyens et la manière d'agir sur les éléments qui pourraient le faire évoluer.
a. Le système échappe au contrôle de ceux qui s'y trouvent. Et en tant qu'espace de relations de pouvoir, il ne se réduit pas à une ou quelques personnes dont aime souvent dire qu'ils sont dépositaires d'un pouvoir absolu. Le pouvoir ne se trouve nulle part, ni chez les personnes ni encore chez les institutions. Celui-ci est dans les rapports qui lient les positions à l'intérieur de l'espace social. Il peut arriver que l'un de ses éléments réalise un acte comme celui qui consiste, par exemple, à influencer la décision d'un juge dans le sens souhaité, mais ceci émane non pas d'un individu, mais de quelqu'un qui a le système de son côté. Et si par son malheur celui-ci meurt, cette justice y trouvera certainement quelqu'un pour se mettre de son côté. Les jeux qui assurent la permanence au système sont de la nature de cet exemple.
b. Le système ne peut se réformer par lui-même. Celui-ci est ancré dans l'histoire des pratiques de ses participants. Les immersions dans celui-ci limitent les déviations des sentiers établis. On a souvent placé les espoirs dans les changements de prises de position d'un ou de plusieurs de ses participants, pour ne se rendre compte, enfin, que d'une régularité propre au fonctionnement du système lui-même. Naturellement, le système est fait pour produire ses propres conjonctures.
Les jeux de sa reproduction s'accommodent avec les jeux de ses recompositions. Les luttes peuvent consister à imposer une certaine structure de la distribution de la rente ou, à la suite d'une révocation, pourvoir des postes selon des voies promotionnelles spéciales (régionalisme, népotisme,…), mais celles-ci ne peuvent aller au-delà d'un certain seuil, c'est-à-dire provoquer des bouleversements qui conduiraient à une nouvelle configuration systémique. Il y a ceux qui tiennent les permanences du système malgré les changements dans la répartition des positions. Les recompositions qui lui donnent vie, lui garantissent l'immunité et lui sauvegardent sa spécificité.
c. Les potentiels de transformation dans le système sont insignifiants. Une marée montante de rivalités à l'intérieur du système n'a pas, en dynamique, de significations politiques : elle s'analyse comme des manifestations libidinales d'un système rentier. Ce sont des bulles qui s'échappent d'un même habitus idéologique de politiques habituellement en fausses alertes. Les forces agissantes à l'intérieur du système n'ont aucune existence ailleurs ou autrement : elles sont nées dans et pour le système, donc elles sont condamnées à mourir pour lui, quitte à voir mourir tout le monde pour elles. Certes, le champ du pouvoir est structuré autour de factions rivales mais unies selon ce que P. Bourdieu appelle la «complicité objective» : ils se battent, disait le même auteur, mais ils sont d'accord sur l'objet du désaccord.
C'est pourquoi, les changements qui pourraient avoir un caractère évolutionnaire ne peuvent être espérés ou imaginés avec le système. Le système a une «illusio» (une libido) qui l'entête à poursuivre son jeu même si il faudrait pour ça tarir tous les puits du pétrole du pays. Pour le reste, ce ne sont que des récréations, un peu comme dans le sens de la formule «rabainyoumyardjaaasslou». L'opposition d'un homme de système est toujours de montrer, dans la limite de ses forces, qu'il est plus systémique que le reste du système.
d. Les tensions sont le produit de jeux d'exclusion actionnés sur des éléments qui s'écartent de leurs positions. A cet effet, les exclus s'aperçoivent de leurs potentiels vindicatifs et en font des vertus démocratiques. Et la seule démocratie que leur autorise l'histoire de leurs représentations et de leurs croyances est celle qui les ferait revenir à la position d'où ils ont été débusqués. La défection d'un homme de pouvoir n'est en dernière instance qu'une manière de sortir à l'intérieur du système. Les participants de ces forces agissantes recouvrent leur cohésion systémique en s'entre déchirant. Il se peut que les luttes atteignent un point culminant pour donner l'illusion de l'existence d'une volonté au changement.
Il se peut aussi qu'il réussisse un saupoudrage en impliquant des acteurs entrepreneuriaux ou politiques porteurs d'un certain potentiel de transformation, et aussi féroces soient les luttes que se livrent ces participants, le jeu ne pourra aller au-delà de la limite de la recherche de réaménagements dans le statu quo. Les rivalités ne visent que la modification de la structure ou des règles de la distribution des ressources rentières. Les divergences, qui naissent des mouvements de déclassements-reclassements dans les sphères du pouvoir, se résolvent en s'appuyant sur le fondement culturel du système qui les fédère, qui les déjoue ou qui les discrédite,…, avant qu'il les ressuscite. En un mot, si ces factions se livrent bataille sur bataille, vue l'importance des enjeux (ressources rentières, avantages divers), elles partagent les mêmes visions sur toutes les questions qui se posent à la nation.
e. La crise institutionnelle n'est pas l'expression d'une crise systémique. On peut admettre que les instruments de gestion et de contrôle mis en place sont en crise, mais la crise des outils ne se confond pas avec la crise du système. Le système les a conçus ou choisis pour ses propres performances. Au moment où nous pensons de ce qu'ils devraient être pour le pays, ils sont déjà un ensemble de choses pour le système.
Ces instruments n'ont pas d'antériorité performative pour l'économie et la société, mais pour le système. Il a une justice, une cour des comptes, des universités, etc. comme on en a dans le monde. Il n'en fait pas simplement une propriété, puisque il les crée pour les effacer, pour les priver de leur «détermination interne» : qu'est-ce qu'une université au pays du tout importé, si ce n'est qu'un camp d'entrainement pour l'haraga, un stabilisateur social, un lieu de formation pour les besoins de l'étranger (du Canada ou de la France) ou le tout à la fois. L'idée de l'autonomie lui est insupportable, car il croit avoir une méta- compétence qui lui permet de se substituer au juge, à l'auditeur, au professeur,…
La transformation des rentes en ressources de gouvernance se joue par la soumission du pays au «tout religieux» et au «tout importé». Les écrits sur la question du changement nous enseignent que les bouleversements affectant l'ordre positionnel d'un espace ont un caractère révolutionnaire. Pourquoi les choses vont autrement chez nous ? Il y a au moins deux facteurs qui expliquent la particularité du fonctionnement du système politique en Algérie ? Les régularités dans le fonctionnement de celui-ci se réactualisent sous les conditions d'un double compromis : avec les acteurs les plus efficients du marché pétrolier, du moins au sein de l'OPEP, et les pays occidentaux.
En effet, la rente comme fonds de roulement au système populiste dépend d'un prix de baril fort élevé qui ne saurait être atteint directement par la voie de manœuvres stratégiques. Il faudrait donc une transformation des règles de fonctionnement concurrentiel du marché pétrolier que les prétendants aux positions dominantes dans le système estiment atteindre par la voie de la négociation. Tout compte fait, voir dans la rente une panacée à tous les problèmes économiques, sociaux, politiques… du pays est une chose qui ne pourrait se faire que par le «tout importé», comme contrepartie sur laquelle on devrait s'engager pour obtenir l'accord des partenaires occidentaux.
Les termes du compromis est un changement dispositionnel en intégrant dans le personnel dirigeant des agents qui ont fait leur passage par les institutions de la globalisation. Mais, à elle seule, la refondation des bases idéologiques du régime ne suffit pas, il fallait laisser le jeu des échanges se dérouler comme l'entendaient les Occidentaux : on peut vous garantir un baril plus cher, de quoi pouvoir constituer un pouvoir d'achat inestimable à l'importation, mais il faudrait pour cela mettre tout idée de stratégie économique au frigo. Autrement dit, les Occidentaux n'ont accepté de se mettre de la partie qu'au prix de restrictions ou d'un blocage de la fonction d'investissement du pays, d'un régime de croissance créant des pouvoirs d'achat pour servir la logique du tout importé et la mise en réserve de la masse rentière résiduelle.
La rentrée dans des rapports d'échange avec les grandes économies productives s'est accompagnée d'un renoncement à tout effort entrepreneurial de substitution aux importations. L'autre grande influence vient des contreparties acceptées en se soumettant à la logique des intérêts du leadership saoudien. En effet, obnubilés par l'idée d'asseoir sa suprématie sur l'espace arabo-musulman, les Saoudiens accepteraient d'abandonner leur stratégie de parts de marché au profit d'une stratégie par les prix, activement recherchée du côté algérien.
Le portefeuille d'éléments à faire valoir s'agence autour de la réhabilitation du religieux, d'une réconciliation nationale, d'un développement effréné dans la construction de mosquées, des budgets du hadj à la hausse… Ceci dit, les insiders ne peuvent mettre le système de leur côté sans le jeu de tractations avec les puissances étrangères, c'est-à-dire sans se mettre préalablement du côté des plus puissants de ce monde. Les insiders se réapproprient le champ du pouvoir en mandataires outsiders. Et ils se réinsèrent dans celui-ci pour jouer un jeu pour lequel ils ne peuvent rien changer.
Aussi, si le potentiel de transformation dans le pays est faible pour imposer une voie irréversible vers un changement, c'est aussi parce le système a réussi à imprimer des règles de conduite qui deviennent de plus en plus des règles immanentes qui structurent les choix, qui déterminent les comportements types dans les actes les plus anodins, dans les pratiques sociales de tous les jours, dans les pratiques politiques et dans les pratiques entrepreneuriales. L'éthos, c'est-à-dire les formes d'intérêt et les dispositions à faire les choses comme ils les font, est dans les pratiques de gouvernance et de plus en plus dans les pratiques de la vie sociale.
La culture des relais pour se rapprocher des sphères du pouvoir ou de la rente, pour les uns, ou pour obtenir ce qui est même de droit, pour les autres, est l'une des marques distinctives de cet éthos. Les formes de violence, de baisses de performance ne sont que des états dispositionnels imposés par un système «el mal ouadraa», qui est donc le système rentier. C'est lui, par exemple, qui fait volontairement dans la baisse de son effort au travail pour avoir cru à se comparer à l'autre qui gagne son argent «bel messak».
C'est lui aussi qui croit avoir toutes les raisons d'être un corrompu pour avoir été convaincu d'un régime corrompu. Au fond, dans les points perdus, enfin, quelqu'un, que les lunettes du système ne repèrent pas, qui s'applique résolument et scrupuleusement à son travail, lorsqu'une voix s'éleva contre lui : «yelaabhaqanoun» ! En ordre incorporé, le système est parvenu à inscrire dans les régularités comportementales les chemins qui ne conduisent pas à son bouleversement. Ceci dit, le changement en devenir est un construit d'essence politico-économique dont le cours processuel est un bouleversement dans les microcosmes formant l'espace social.


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