Des réserves de change qui fondent, une inflation galopant, et une monnaie qui perd de sa valeur : rien ne va plus pour la livre égyptienne, les prix à la consommation, l'économie et… le gouvernement d'Abdel Fattah al-Sissi, dépassé par la crise économique qui secoue l'Egypte. Et cela, malgré la décision du Fonds monétaire international (FMI), cette semaine, d'accorder une ligne de crédit de 12 milliards de dollars (une première partie de 2,7 milliards a été versée, les autres tranches seront débloquées d'ici à trois ans) en contrepartie de laquelle le Président, arrivé au pouvoir après la destitution par l'armée de Mohamed Morsi en 2013, s'est engagé à mettre en place des réformes impopulaires. Début novembre, la Banque centrale a, par exemple, décidé de laisser flotter la livre égyptienne, entraînant de facto une forte dévaluation de près de 50% de la monnaie face au dollar. Objectif : réduire l'écart entre le taux de change officiel et celui du marché noir. Mais le soir même, les prix du carburant subventionné se sont envolés de quasi 50% pour le litre d'essence à indice d'octane 80 et de 35% pour celui de super 92. « C'est l'application simultanée de ces deux décisions qui va entraîner une forte augmentation des prix», souligne Omar el-Shenety, à la tête de la banque d'investissement Multiples group. L'inflation, aujourd'hui de 14%, pourrait dépasser, selon lui, les 20% dans l'année et demie à venir. Les renseignements inquiets Ce qui fait craindre aux services de renseignements égyptiens de nouvelles manifestations, à l'image de celles qui se sont tenues vendredi dernier pour protester contre le coût de la vie. Selon ces services, la fracture entre le gouvernement et l'opinion publique, liée en partie à l'incompréhension des politiques publiques, s'accentue au fur et à mesure que les difficultés économiques augmentent. «On craint des révoltes dans les endroits où les gens ne se rendent pas compte des efforts déployés par le pays au plan économique et où les services publics les plus élémentaires sont inexistants», souligne le rapport qui recommande d'ailleurs à Sissi de «ne pas prendre de décision brutale», de crainte d'enflammer le pays. Cet été, les pénuries d'eau pendant et après le Ramadhan avaient déjà déclenché des manifestations dans le sud du pays. Plus récemment, en septembre, plusieurs milliers de personnes étaient aussi descendues dans la rue à Port-Saïd, au nord-est du pays, pour protester contre les prix de plus en plus élevés des logements (les prix à la location sont passés de 700 à 4800 euros) En Egypte, 27,8% de la population vivent sous le seuil de pauvreté. Mais dans la Haute-Egypte, ce taux pourrait atteindre les 60%. Nouvelles taxes, coupes dans les subventions Parallèlement, le programme de réformes inclut aussi une nouvelle TVA et une baisse des subventions sur l'électricité. «Deux années difficiles attendent les Egyptiens» avant que les réformes ne portent leurs fruits, estime Amr Adly, professeur d'économie à l'Université américaine du Caire. L'expert s'attend à une «aggravation de la récession causée par la pénurie de devises étrangères». C'est justement la pénurie de dollars ayant affecté la capacité des importateurs à faire entrer les matières premières ou les produits alimentaires de première nécessité — pénuries de sucre, de riz, d'huile alimentaire, de lait infantile ou encore de médicaments — qui a accentué le mécontentement des Egyptiens.