Après-demain, le mouvement de révolution pacifique aura trois mois. Sans conteste, il a réalisé d'incroyables résultats. Ce n'est pas une mince affaire que de pousser vers la porte de sortie l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, qui s'apprêtait à faire un 5e mandat, et empêcher les manœuvres qui visaient à prolonger le 4e. Pas seulement, car la plus grande réalisation est de rendre inopérantes les tentatives de division ciblant le peuple algérien, qui a pris, définitivement, conscience de son destin collectif. Mais le plus compliqué reste à faire. Et ce qui reste à accomplir dans cette période porteuse d'énormes risques, caractérisée déjà par le difficile passage de cette situation de blocage vers l'entame d'une nouvelle dynamique pour refonder l'Etat–nation relève exclusivement de ceux qui détiennent les commandes du pouvoir, en l'occurrence l'état-major et son chef, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah. Plus on accélère la cadence vers une sortie de crise dans les termes revendiqués par les Algériens, mieux on évitera les risques de pourrissement. Car laisser traîner les choses en s'entêtant à laisser fermées les portes devant une période de transition, la plus courte possible pour aboutir rapidement à la «relégitimation» des institutions, est une attitude qui conduira forcément à l'enlisement et surtout à la disparition des solutions qui s'offrent au pays tant qu'il est encore temps. Avec la légitimité que leur offre le soutien massif des Algériens qui sortent par millions chaque vendredi dans les 48 wilayas, les mécanismes susceptibles de mener à une transition apaisée et à moindre coût sont, aujourd'hui, encore à portée de main. Les acteurs de la vie politique et les décideurs ne doivent plus attendre. Quand les solutions sont simples, pourquoi se mettre dans la difficulté ? En allant plus vite, on évitera assurément presque tous les risques capables de conduire au pourrissement de la situation politique dans le pays, et on limitera, un tant soit peu, les dégâts d'un probable dangereux affaissement de l'économie nationale, déglinguée par des années de mauvaise gouvernance. Tous les indicateurs sont au rouge. L'économie de prédation et de rapine mise en place par l'ex-chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, à la tête d'un régime avec son armée de sinécures et de prébendiers, est tombée comme un château de cartes. L'urgence est de relancer la machine économique nationale sur des bases saines. Le temps presse, car si la crise perdure et les déficits persistent, dans une année et demie l'Algérie sera inévitablement au creux de la vague avec l'évaporation totale de ses réserves de change, sans compter les effets dévastateurs du recours au financement non conventionnel, la planche à billets, qui a fonctionné à plein régime pendant plus d'un an. Ce serait une grave erreur de laisser s'accoupler la crise politique et l'inextricable crise économique qui pointe à l'horizon. Les Algériens doivent faire vite pour sortir du tunnel noir du système infâme qui les a dirigés durant des décades, pour reconstruire leurs institutions dans la transparence et une économie saine et prospère. L'occasion qui se présente à eux est unique. Elle ne se renouvellera peut-être pas. Le temps joue contre le pays. C'est ou grandir ou sombrer.