En Algérie, le nombre de cas de malades affectés du COVID-19, déclarés au 03 avril 2020, est de 1251 cas avérés, dont 130 décès, donnant un CFR de 10, ce qui met notre pays à la 11e place mondiale. L'analyse de la progression de la contagion semble moins accentuée que celle observée dans le reste du monde, ce qui est une bonne nouvelle en soit, mais cette donnée ne cacherait-elle pas un autre souci ? La sous-estimation du nombre de cas positifs, par le fait de la dispersion sur l'ensemble du territoire des premières victimes et qu'en vérité il y aurait plus de cas asymptomatiques que la réalité ne le laisse supposer. Alors comment sortir de cette incertitude ? La solution viendrait par l'évaluation de notre stratégie de diagnostic actuelle, qui est orientée vers les patients avérés. Il apparaît dans la littérature scientifique et devant l'urgence de la situation, plusieurs pays avaient opté pour la stratégie ciblée, avant de l'adapter progressivement vers le diagnostic massif. Plusieurs études montrent un bénéfice réel pour le diagnostic massif, dans la réduction du délai entre l'apparition des premiers symptômes et les premiers contacts médicaux. A l'opposé, avec une stratégie de dépistage ciblée, il y aurait un risque de sous-diagnostic en cause, les cas asymptomatiques, ce qui avait augmenté le délai du premier contact médical. Ce délai a été multiplié par 4 en Italie (journal Lancet), faisant augmenter le nombre de décès et surtout la dissémination du virus. Une autre étude est venue renforcer ce constat lors d'une prise en charge tardive, 50% des patients décèdent dans les 11 à 15 jours qui suivent leur hospitalisation, s'ils sont âgés de + 60 ans et sans comorbidité et ils sont 85% s'il y a une comorbidité. Plusieurs autres études rétrospectives menées en Italie et en Chine concluent leurs travaux sur les mêmes constats et mettent l'accent sur la pertinence du diagnostic précoce pour réduire le taux de mortalité chez les patients atteints de Covid-19, sans pour autant appeler au diagnostic massif. La question qui se pose, l'Algérie serait-elle capable de faire face à cette pandémie ? La réponse est oui mais à conditions de : -Intensifier le diagnostic par la Real Time RT-PCR et à défaut d'un diagnostic massif, au moins l'élargir aux clusters, familial et professionnel, une fois un cas index déclaré. -Multiplier les structures de diagnostic, investir les locaux des filières de biologie moléculaire et de microbiologie. – Faire appel à l'ensemble des universités pour inventorier les équipements spécifiques à la Real RT-PCR et les mettre à disposition des laboratoires de diagnostic. -Diversifier les approvisionnements en kits diagnostic, pour ne plus dépendre de l'actuel (en rupture d'approvisionnement international). Aussi, diversifier et prioriser les approvisionnements en consommables, gants, moyens de prélèvements…il y a plusieurs firmes qui commercialisent ces réactifs en Chine, Turquie… par exemple. – Faciliter les procédures d'achats de ces moyens, puisque dans leur quasi-totalité vient de l'étranger. -Introduire le diagnostic à la recherche d'anticorps tests «dits rapides». -Etablir un protocole unique de prélèvement des échantillons et le faire respecter par l'ensemble de la profession, ce qui va réduire les mauvais gestes (prélèvements sans substrats) et la contamination croisée entre échantillons et fiabiliser ainsi les données. -Donner une priorité au personnel soignant pour le diagnostic afin de le prémunir et surtout d'éviter la dissémination du virus. -Réduire les distances entre le point de prélèvements et le centre de diagnostic et si c'est possible, installer ces centres au sein même des hôpitaux. -Exhorter les chercheurs universitaires à venir participer à cet effort national. – Ne pas oublier l'importance du confinement et de la distanciation sociale. Plusieurs travaux confirment l'intérêt de rester chez soi et la réduction des effets de la pandémie. Pour conclure, la bataille contre ce fléau devrait être la priorité de l'ensemble de la communauté scientifique nationale et non l'apanage d'une seule structure, à savoir l'IPA et pour la gagner, les initiatives doivent se multiplier, s'élargir et fédérer autour des pouvoirs publics dans la gestion de cette pandémie. Il y a péril dans notre unique demeure l'Algérie ! Evitons-lui des lendemains incertains, mais de grâce agissons… mais agissons vite. M. B. /
Par Dr M. Bensaada : Maître de conférences, enseignant en génétique, cytogénétique, génétique de développement et génétique à l'université Abbes Laghrour de Khenchela. …et Dr A. Khenchouche : Virologue attaché au laboratoire de biochimie appliquée de l'université Ferhat Sétif 1, et membre de la cellule de réflexion autour de la gestion du Covid-19.
P.S. : Le chapeau introductif de la 1re partie de cette contribution, publiée dans le numéro de la semaine passée, s'est glissé par inadvertance et n'a aucun rapport avec son contenu. Toutes nos excuses à nos lecteurs et aux auteurs de cette contribution.
Bibliographie : 1. Le coronavirus n'a pas été créé en laboratoire : -The proximal origin of SARS-CoV-2. (Nature): https://doi.org/10.1038/s41591-020-0820-9 -Genome analyses help track coronavirus moves.(Science) https://doi.org/10.1126/science.367.6483.1176 2. La chloroquine -Hydroxychloroquine, a less toxic derivative of chloroquine, is effective in inhibiting SARS-CoV-2 infection in vitro. (Nature) https://doi.org/10.1038/s41421-020-0156-0 -COVID-19 et Chloroquine / hydroxychloroquine (24/03/2020) : Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) Quebec CANADA : ISSN 1915-3104 INESSS (PDF) 978-2-550-86371-7. -Discovering drugs to treat coronavirus disease 2019 (COVID-19), Drug Discoveries & Therapeutics. 2020; 14(1):58-60. https://doi:10.5582/ddt.2020.01012 -A pilot study of hydroxychloroquine in treatment of patients with common coronavirus disease-19 (COVID-19). JZU. https://doi:10.3785/j.issn.1008-9292.2020.03.03 – A Trial of Lopinavir–Ritonavir in Adults Hospitalized with Severe Covid-19. NEJM.org. 3. Confinement et distanciation sociale : – Expected impact of school closure and telework to mitigate COVID-19 epidemic in France. 4. Délaietcontagiosité -A spatial model of CoVID-19 transmission in England and Wales: early spread and peak timing. medRxiv https://doi:10.1101/2020.02.12.20022566. -The Incubation Period of Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) FromPublicly Reported Confirmed Cases: Estimation and Application. Ann Intern Med. https://doi:10.7326/M20-0504 5. Les vaccins -DRAFT landscape of COVID-19 candidate vaccines – 20 March 2020. OMS. https://www.who.int/blueprint/priority-diseases/key-action/novel-coronavirus-landscape-ncov.pdf?ua=1
