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Le point du samedi
La nation entre l'oubli et le pardon
Publié dans El Watan le 23 - 04 - 2005

Nation et mémoire entretiennent entre elles des liens fort étroits : elles se confondent aussi souvent qu'elles se croisent. En exagérant à peine, on pourrait même dire qu'il n'y a pas de nation sans mémoire.
La mémoire nationale naît précisément de l'identification réciproque de ces deux entités. Biographie canonique de la Nation, le récit mémoriel instruit par le « culte de la continuité » remplit la fonction du miroir embellissant à travers lequel la nation se contemple en se vouant un culte à elle-même. Mais si la nation est absolue, le récit est, lui, intrinsèquement sélectif, tant il est vrai qu'il procède le plus souvent par omission, évitement, refoulement. Autant dire alors que l'oubli est au fondement de la nation, au même titre que la mémoire ! Ce paradoxe, Ernest Renan a su le formuler d'une phrase pénétrante qui a connu la postérité. « (...) L'essence d'une nation, écrit-il en 1882, est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun et aussi que tous aient oublié bien des choses. » Et l'auteur de Qu'est-ce qu'une nation ? d'ajouter : « Tout citoyen français doit avoir oublié la Saint-Barthélemy, les massacres du Midi au XIIIe. (nous soulignons) » Qu'est-ce qui a bien pu motiver ce savant à plaider avec autant d'autorité la cause de l'oubli, alors même qu'il est un historien de génie, auteur d'un monument, L'Histoire des origines du christianisme ? Le plus intrigant dans cette démarche est que Renan n'ait même pas pris la peine d'expliquer à ces lecteurs ce que furent la « Saint-Barthélémy » ou les « massacres du Midi » : deux épisodes dramatiques de la sanglante guerre des Religions remontant respectivement au XVIe et au XIIIe siècles. La confusion, savamment entretenue dans sa formulation entre les victimes et les bourreaux, en dit long sur le récit officiel ; le besoin d'une généalogie nationale -recherchée par la IIIe République - a exigé ici une manipulation de la mémoire. Cette institutionnalisation de l'oubli n'est pas inédite, loin s'en faut. L'édit de Nantes, promulgué au XVIe siècle par le dynaste Henri IV, en fournit un exemple paradigmatique susceptible d'éclairer la problématique qui nous occupe ici. La code du roi de France stipule ceci : « Article 1 : Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées d'une part et d'autre depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu'à notre avènement à la couronne, et durant les autres troubles précédents [...], demeurera éteinte et assoupie comme de chose non advenue. Il ne sera loisible ni permis à nos procureurs généraux ni autres personnes quelconque, publiques ni privées, en quelque temps ni en quelque occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucune cour ou juridiction que ce soit. Article 2 : Défendons à tous nos sujets de quelque état et qualité qu'ils soient d'en renouveler la mémoire, s'attaquer, ressentir, injurier ni provoquer l'un l'autre par reproche de ce qui s'est passé pour quelque cause et prétexte que se soit, en disputer, contester, quereller ni s'outrager ou s'offenser de fait ou de parole ; mais pour se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens, sur peine aux contrevenants d'être punis comme infracteurs de paix et perturbateurs du repos public. » Mutadis mutandis toutes choses égales par ailleurs, les passages de l'édit de Nantes soulignés ici invitent, on l'aura compris, à réfléchir sur le choix de l'amnistie générale arrêté par le pouvoir politique algérien : doit-on pour instaurer la paix civile nécessairement faire « éteindre la mémoire », cacher le mal, institutionnaliser l'impunité ? A l'inverse aussi bien de la logique « oublieuse » qui a présidé à l'amnistie générale accordée en Amérique latine sous la pression des généraux - pour le prix de leur sortie du pouvoir - que de la logique « punitive » du procès de Nuremberg, les Sud-Africains ont adopté une démarche novatrice à plus d'un titre : l'amnistie conditionnelle et individuelle. Après plus d'un quart de siècle passé dans les geôles glaciales de l'apartheid, Nelson Mandela aurait pu chercher à se venger une fois remis en liberté. De même qu'il aurait pu conclure un pacte secret avec ses anciens tortionnaires en échange de son élection à la Présidence de la République. Démocrate convaincu, le vieil opposant a privilégié bien plutôt la voie de la refondation démocratique de la nation : contre l'abus aussi bien de l'oubli que de la mémoire, la « Commission Vérité et Réconciliation » dont il a confié la présidence à un religieux, Mgr Desmond Tutu, s'est attelée, de janvier 1996 à juillet 1998, à « collectionner les témoignages, consoler les offensés, indemniser les victimes et amnistier ceux qui avouaient avoir commis des crimes politiques ». « En offrant un espace public à la plainte et au récit des souffrances, la commission, écrit Paul Ricœur, a certainement suscité une catharsis partagée. » Une expérience semblable est-elle seulement envisageable dans l'Algérie d'aujourd'hui ? Elle le sera le jour où l'on décidera de libérer le juge et l'historien de la chape de plomb du régime politique. Dans un essai intitulé justement Le Juge et l'Historien (1997), Carlo Ginzburg, éminent historien, écrit ceci : « Le procès est, pour ainsi dire, le seul cas d'expérimentation historiographique - on y fait jouer les sources de vivo, non seulement parce qu'elles sont recueillies directement, mais aussi parce qu'elles sont confrontées les unes aux autres, soumises à des examens croisés et incitées à reproduire, comme dans un psychodrame, l'affaire qui est jugée. » Une entreprise politique de cette envergure ne cherche pas à venger, mais à comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là afin de prémunir le futur contre les maux du passé qui ne passe pas.

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