Je viens de voir pour la deuxième fois, à l'occasion du 3e Festival du roman arabe au Caire, Djabir Ousfour. Il est toujours égal à lui-même. Affable, souriant et disponible, malgré ses responsabilités politiques en tant que secrétaire général du Conseil supérieur de la culture (instance sous tutelle du ministre égyptien de la Culture). En fait, Djabir Ousfour est resté ce professeur d'université (poste qu'il garde toujours) modeste et disponible pour toute discussion littéraire, surtout lorsqu'elle porte sur les problèmes du roman arabe. Il est aussi un critique visionnaire et un auteur prolifique. Chaque mois, il publie un article ou un essai dans la célèbre revue El Arabi. Il est surtout passionné par le roman qu'il considère, à juste titre, comme le genre littéraire le plus approprié pour décortiquer les problèmes des peuples du monde arabe. Malheureusement, le roman n'est pas très apprécié par les lecteurs du monde arabe. Influencés par des critiques et des professeurs d'université aveuglés par les concepts religieux, ces lecteurs préfèrent les essais et les chroniques, notamment politiques et religieux. Pour eux, la lecture des romans n'est qu'une simple distraction, autrement dit, ce genre littéraire, si apprécié dans les sociétés développées, ne véhicule aucun savoir. Au contraire des critiques arabophones bornés, Djabir Ousfour a écrit sur les meilleurs romanciers du monde arabe, analysant leurs œuvres et les présentant pour essayer de les faire aimer. L'un des buts essentiels du festival de la création romanesque arabe qu'il a fondé, au Caire, il y a sept ans, est de faire connaître le roman arabe, et de faciliter les canaux de sa traduction dans les langues du monde entier. Chaque année, en février, Djabir Ousfour invite, au Caire, les meilleurs romanciers arabophones et les plus grands traducteurs étrangers qui travaillent sur le roman d'expression arabe. Pendant six jours, romanciers, critiques et traducteurs présentent leurs œuvres ou travaux et débattent des problèmes de la création romanesque arabophone. Durant ce festival, Djabir Ousfour ouvre son bureau à ses invités. Il lui arrive d'en recevoir plus d'une dizaine à la fois. Critique érudit, Djabir Ousfour ne s'est pas contenté d'analyser ou présenter des œuvres romanesques, il a aussi étudié la production des grands poètes arabophones, en général, et celle de Saâdi Youcef, en particulier. Il s'est penché, notamment, sur l'expérience de l'exil dans la poésie de ce dernier. Dans un essai qu'il a publié dans la revue El Arabi (1), il écrit : « L'expérience de l'exil a laissé son empreinte sur la production poétique de Saâdi Youcef. La plupart des poèmes de ce dernier ont été écrits, loin de sa Baghdad natale, dans des villes qu'il cite lui-même dans sa poésie : Sidi Bel Abbès, Oran, Alger, Batna, Mililia, Casablanca, Tunis, Amman, Beyrouth, Damas, Aden, Addis-Abéba, Grenade, Berlin, Belgrade, Nicosie, Paris, Londres, etc. » Il considère enfin que les œuvres poétiques de Saâdi Youcef occupent une grande place dans la littérature arabe. 1 El Arabi n° 530, janvier 2003