Ouargla: le nouveau wali prend ses fonctions    Le président de la République passe en revue l'expérience algérienne en matière de développement socioéconomique    Entretien téléphonique entre Attaf et son homologue sénégalaise    Oran: ouverture du 4ème Salon international du recyclage "Recycling Expo"    Enseignement supérieur: lancement d'une plateforme numérique pour aider les nouveaux bacheliers à choisir leur cursus universitaire    Le président de la République reçoit l'ambassadeur du Portugal à Alger    Le G3 est né à Carthage: Le Maghreb de l'action succède au Maghreb des slogans    Des expériences de première main et les dernières innovations    Le président de la République décide d'attribuer à certains magistrats à la retraite le titre de «Magistrat honoraire»    «Le haut commandement attache un grand intérêt au moral des personnels»    Un avion d'affaires utilisé par le Mossad a atterri à Riyad    «Faire avorter les plans et menaces qui guettent l'Algérie sur les plans interne et externe»    L'adhésion de l'Algérie à la Nouvelle banque de dévelop-pement sera bientôt finalisée    Arrestation de plusieurs individus lors d'une vaste opération    Ligue de diamant 2024 : L'Algérien Slimane Moula sacré sur 800 m à Suzhou    Les favoris au rendez-vous    Trois nouvelles médailles pour l'Algérie    Le développement entravé par 1.120.392.119 DA d'impayés    Les manifestations contre le génocide gagnent les campus européens    Exemples de leurs faits et gestes d'amour !    Vingt nouveaux établissements scolaires    165 étudiants participent à la 14ème édition de la manifestation nationale universitaire « Marcher en Montagne »    Des pluies à partir de lundi soir sur plusieurs wilayas    Valoriser le patrimoine architectural du vieux Ksar    Conférence sur «130 ans de cinéma italien à travers le regard des critiques»    Plusieurs monuments historiques proposés au classement    Tiaret: lancement prochain du projet de réaménagement du centre équestre Emir Abdelkader    Coupe de la CAF : RS Berkane continue dans sa provocation, l'USMA se retire    Festival du film méditerranéen : "une occasion rêvée de fidéliser le public au cinéma"    Constantine : l'hôtel Cirta, réhabilité et modernisé, rouvrira ses portes "dans les prochains jours"    Ligue 1 Mobilis : le MCO bat le CRB et respire pour le maintien    Armée sahraouie : nouvelles attaques contre les positions des forces de l'occupant marocain dans les secteurs d'El Mahbes et El Farsia    Nouveau système électronique de cryptage des données pour le suivi des demandes d'importation    Hidaoui salue "l'initiative intelligente de former les jeunes à la lutte contre les discours de haine"    Jijel : Rebiga préside la cérémonie commémorant le 66ème anniversaire de la bataille de Settara    Festival du film méditerranéen: les difficultés rencontrées par les cinéastes palestiniens soulevées    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Alfred Jarry, la dérision et la pataphysique
Lorsqu'on parle d'Ubu, c'est qu'il n'est pas loin !
Publié dans El Watan le 20 - 10 - 2005

Auteur d'un nombre considérable d'ouvrages publiés, Alfred Jarry est surtout connu - et reconnu - pour le personnage d'Ubu dont la résonance universelle conserve toujours un caractère d'actualité. Le grand public n'entretient souvent qu'un souvenir fugace de titres, tels que Messaline, Les jours et la nuit, ou Le vieux de la montagne.
Jarry a posé l'archétype du tyran grotesque et difforme dont le pouvoir est fortement placé sous le sceau de l'absurde. A peine adolescent, Alfred Jarry avait esquissé les grands traits de la personnalité d'Ubu, bouffon vénal dans lequel se retrouvent les influences de Shakespeare - avec l'ombre maléfique de Richard III - et de Rabelais, mais aussi les réminiscences de la vie quotidienne dans les 20 dernières années du XIXe siècle. Ubu est né de l'observation, d'abord qu'a pu faire le jeune Jarry, des dérives du caractère chez ses contemporains et le personnage s'est nourri des tempéraments les plus proches de l'adolescent dans son univers familial, à l'école, puis dans la société française encore éprouvée par la défaite de 1870. Jarry était issu d'une famille aisée de la ville de Laval et il fut un élève brillant mais sarcastique dès les premières années de sa vie. Esprit ouvert, il s'intéressera aux progrès technologiques de son époque et tiendra, une fois adulte, la bicyclette pour la plus belle invention de l'homme. Esprit ouvert, curieux et rationnel, mais sans doute aussi inquiet des limites d'une vie provinciale traversée de préjugés. Il avait été un disciple attentif de Henri Bergson, et à ce titre il se posait des questions sur le sens de la vie. Par tempérament, il n'ira cependant pas vers les joutes philosophiques, mais vers l'écriture déjà décalée d'un théâtre de l'absurde qui est profondément distant des œuvres de Labiche, de Courteline, ou de Feydeau, entre boulevard et vaudeville, car Alfred Jarry est un pessimiste qui dissimule son angoisse derrière une dérision outrée. Ubu Roi, son œuvre-maîtresse, écrite en 1894, puis les différentes variantes autour du personnage, le situent comme un auteur d'une extraordinaire clairvoyance. Ubu est un personnage intemporel qui a du sens dans toutes les époques : dans le siècle de Jarry, bien sûr, mais aussi aujourd'hui en 2005, et il se trouve aussi que Jarry a agrégé dans ce personnage les tares humaines qui existent depuis la nuit des temps. La pièce de Jarry, si elle rencontre un succès phénoménal, ne satisfait pas pleinement son auteur qui éprouve le besoin de revenir dessus pour améliorer sa perspective. Il voulait absolument donner à Ubu cette dimension répulsive, mais on devine que dans le même temps, Alfred Jarry était fasciné par cet être excessif dans les avanies du grotesque. Ubu est l'un des personnages du théâtre moderne qui a été le mieux compris dans le monde. Cela n'a pas empêché que des Ubu réels surgissent de part en part des contrées de la planète. Alfred Jarry avait vu juste et loin. Sans doute se serait-il suffi de ce chef-d'œuvre définitif. Mais Jarry ne pouvait pas s'éloigner de la scène artistique dans laquelle il retrouvait des reflets du monde. Le théâtre représentait pour lui le fondement de sa vie et c'est presque significativement à cet égard qu'il se soit marié avec une actrice, Rachilde, qui accompagnera sa carrière flamboyante de dramaturge. On a pu relever l'aspect récurrent du personnage d'Ubu dans l'œuvre de Jarry avec Ubu Roi, Paraliponnènes d'Ubu, Ubu enchaîné et Ubu sur la butte. Il n'y a pas de facilité en cela, mais plus certainement peut-être le désir chez l'auteur de ne rien laisser échapper de cet être dont la boursouflure était une insulte à l'esthétique de la vie, mais qui dans le même temps réussissait à avoir de l'emprise sur d'autres êtres humains. Ubu, dans l'esprit de Jarry n'était pas qu'un bouffon d'opérette, mais un composite de ce qu'il y a de plus laid dans l'homme. En peu de mots, Ubu était la préfiguration de ces tyrans démesurés dans la folie et l'horreur, dont les XXe et XXIe siècles connaîtront d'effroyables avatars. Alfred Jarry, pour autant, ne trouvera le salut que dans l'écriture, et une pratique assidue et passionnée de la bicyclette.Il se réfugiera dans les plaisirs de l'ivresse et cela au détriment de sa santé. C'était un élan un peu suicidaire qui le portait à boire, par insatisfaction de n'avoir pas été tout à fait compris de son époque, et s'ajoutait à cela le regard autocritique qu'il portait sur lui-même au point de s'assimiler dans les dernières années de sa vie à celui qu'il nommait le Père Ubu. Mais sans doute pas à la manière dont Flaubert avait pu dire « Madame Bovary, c'est moi ». Chez Jarry, il y avait un autre enjeu et au fond il était devenu comique presque par désespoir du genre humain. Il avait d'ailleurs inventé une sorte de double littéraire, le docteur Faustroll pataphysicien, dont le postulat est que la pataphysique est la science des solutions imaginaires. Comment ne pas noter que dans Faustrol, il y a Faust ! C'est dans cet exercice glacé d'autodérision que Jarry a pris date avec l'avenir. Ubu mais aussi Faustroll forment les figures emblématiques dont se réclament les courants les plus résolument frondeurs du théâtre et de la littérature des XXe et XXIe siècles. Alfred Jarry aurait été, le tout premier, surpris d'avoir suscité un tel héritage, lui qui ne fut pas un prophète en son pays, mais dont l'œuvre a pris le temps de mâture dans la conscience d'une humanité qui sait que lorsqu'on parle d'Ubu c'est qu'il n'est vraiment pas pas loin.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.